Il était fier comme Artaban, dans un verbiage fade et langoureux forgé dans un ton flottant malmené par un mélange indigeste de prétextes qu’il faille trouver après de fastidieuses recherches dans les grimoires fatigués et périmés pour leur trouver un sens. Le complexe consiste à se bourrer de divers éléments entremêlés pour se compléter, pour combler des insuffisances de toute nature : physiques, intellectuelles, morales, psychologiques. Le Premier ministre du Togo a donné sur la télévision nationale dans une insolence désinvolte qui a surpris les téléspectateurs. La belle occasion choisie par Arthème Ahoomey-Zunu était celle d’une visite dans un centre de santé de Lomé où il s’est déversé en de termes incroyables sur les travailleurs qui revendiquent tout simplement leurs droits légitimes avec des moyens légaux. Mais, le chef de l’exécutif est allé un peu loin, trop loin contre les syndicats avec une allure surprenante et des propos arrogants que l’homme de Kpélé n’a jamais osé prononcé dans sa propre cour, où la robe commande l’épée…
La double et paradoxale nature philosophique qui fait du Travail une contrainte et une source de libération oblige tout être humain de subir la malédiction biblique qui impose de « manger à la sueur de son front ».
Et si, par miracle, on se retrouve dans une situation où on végète impunément dans le gain facile, l’argent facile et la vie facile, on méconnaît le vrai sens du travail.
Arthème Ahoomey Zunu est, contrairement à tous les premiers ministres, l’actuel locataire de la primature n’a jamais exercé de profession qui lui impose un salaire à la fin du mois.
Il n’a pas, comme on le dit dans le langage sportif, mouillé le maillot.
Ce qui est logiquement compréhensible qu’il ne peut pas évaluer le travail, encore moins son importance et le fruit du travail.
C’est vrai, et pour preuve, les premiers chefs du gouvernement qui l’ont précédé savent faire quelque chose avant d’être nommés. Me Koffigoh et Me Agboyibo étaient avocats au barreau, Edem Kodjo a exercé en tant qu’économiste, Koffi Sama était vétérinaire, Adoboli et Gilbert Houngbo sont venus des Nations-Unies.
L’actuel Premier ministre, quant à lui, a faufilé dans les méandres politiques, truffées de mesquineries, d’hypocrisie, dans une carrière de dépaysement sans espoir et sans issue avant de se voir bombarder par la bénédiction de Faure Gnassingbé à la tête de la Primature. C’est ainsi que tout est permis.
Dernier forfait : hier, l’homme avait effectué une sortie dans un centre hospitalier de Lomé et a profité dans l’émotion des micros tendus par la télévision pour exprimer des excès de complexe. C’est donc là que Arthème Ahoomey Zunu a mis son pied dans le plat en s’ayant pris très vertement aux syndicats de la façon la plus maladroite.
Une sortie qui intervient au lendemain de la grève de 72 heures lancée par la Synergie des Travailleurs du Togo (STT).
L’objectif de cette sortie en principe était de discuter avec les praticiens hospitaliers de ce centre et donner la position du gouvernement face au mouvement de grève de la semaine précédente.
Une grève qui a été rigoureusement suivie surtout dans les secteurs de santé et d’éducation.
Mais le premier Ministre a raté l’occasion de se taire, de manifester du respect envers ces travailleurs dont les cotisations ont permis de lui sauver la vie lorsqu’il a été évacué en Europe à la suite d’une maladie rare… les contributions de travailleurs qui ont permis aux finances togolaises de lui offrir une enveloppe bourré d’Euros. Sûrement que l’homme a très vite oublié.
La grève des travailleurs n’est pas tombée de nulle part. Elle était bien fondée.
Les travailleurs regroupés au sein de la STT réclamaient simplement de meilleures conditions de vie et de travail ainsi que les primes.
Les travailleurs demandent entre autres au gouvernement de revoir à la hausse la grille indiciaire et du coup faire un véritable statut pour tous les travailleurs.
Mais très vite, la rencontre d’Ahoomey-Zunu avec les hommes en blouse a tourné à une leçon de morale et de remontrances du chef de gouvernement togolais à l’endroit de ses hôtes qui sont restés ébahis par une arrogance particulière.
Il s’est accroché à de vains prétextes de l’âge à la retraite pour essayer de se donner raison dans une provocation humiliante.
Dans ses propos, le PM pense que le comportement des travailleurs est inacceptable. Selon Ahoomey-Zunu, les responsables de la STT, initiateurs de la grève ont pris en otage le pays et cela n’est pas raisonnable.
Pour lui, les discussions amorcées avec les travailleurs qu’il a suspendues, devraient attendre son retour de Kpélé où il s’occupait dans d’interminables réunions qui se couronnaient par des parties de vins et de champagne.
Dans la logique normale, c’est le gouvernement, à travers son premier ministre, Ahoomey Zunu qui prend le Togo en otage, qui prend les travailleurs en otage, qui prend les syndicats en otage dans la mesure où la priorité était plutôt accordée aux palabres de villages alors que les réels problèmes de la nation attendent ou devraient attendre.
L’arrogance, le mépris et le ton irrespectueux du Premier ministre à l’endroit des syndicats, loin d’amener l’apaisement va exacerber la crise, le bras de fer entre le gouvernement et les travailleurs et agrémenter les hostilités en cette période électorale riche en suspens et en défis.
Lorsqu’on n’a jamais travaillé, on ne semble pas mesurer l’ampleur de mauvaises conditions de travail.
Loin de donner raison aux travailleurs dans leurs revendications, il est important d’attirer l’attention de l’autorité politique qui a le devoir de calmer les tensions, de discuter avec les acteurs et de comprendre les revendications.
La violence verbale conçue dans du zèle zélateur, le complexe du civilisé caractéristique de politicard inachevé, le manque de considération à l’endroit des acteurs-clés de la vie sociale caractéristique de la suffisance gratuite et de la complaisance fortuite qui estampillent Séléagodji sont assez suicidaires pour la cohésion et la paix sociale.
C’est assez clair maintenant. Cet homme qui décrivait Ahoomey-Zunu Arthème comme capable de tout, sauf du travail et du minimum de respect envers l’autre.
Une attitude que l’homme propulse au sommet de l’Etat qui réserve l’exacerbation de la crise. Pas très fameux pour la politique de Faure Gnassingbé. Pas bien placé pour faire des remontrances.
Carlos KEOTOHOU