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RDC: Religion marche avec politique

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La prophétesse Kimpa Vita, le martyr Simon Kimbangu, le pasteur Mukungubila… Religion et politique ont toujours formé un mélange explosif en RDC, mais aussi dans les pays voisins.

pasto« Prophète de l’éternel », Paul-Joseph Mukungubila, 66 ans, est le pasteur katangais dont se sont réclamés les assaillants de Kinshasa et de Lubumbashi le 30 décembre 2013. Un évangélique à l’assaut du régime de Joseph Kabila… La folie de l’entreprise peut faire sourire. Mais le bilan est lourd, très lourd. Plus de 100 morts. Et beaucoup pensent que les attaques simultanées de la radio-télévision nationale, de l’état-major de l’armée et de l’aéroport international de Kinshasa ne peuvent pas avoir été menées par les seuls adeptes de « l’Église du Seigneur Jésus-Christ ». Un commanditaire se cachait-il derrière le prédicateur aujourd’hui en fuite ? En RD Congo, religion et politique se fréquentent depuis longtemps.

Deux dates. 1706 : Kimpa Vita, alias Dona Béatrice, jeune prophétesse du royaume Kongo, est condamnée à mort par les colons portugais et brûlée vive sur un bûcher. 1921 : Simon Kimbangu, le « messie noir » du peuple kongo, qui réussit à sortir les gens de l’Église des Blancs, est condamné à mort par les colons belges. Sa peine est commuée en réclusion à perpétuité. Trente ans plus tard, il meurt en prison. Aujourd’hui, ces deux martyrs sont aux habitants du Bas-Congo ce que Jeanne d’Arc est aux Français : le symbole d’un combat pour une nation.

Zacharie Badiengila, « le grand maître de la sagesse kongo »

Pour gagner les voix de cette province de l’ouest de la RD Congo, le pouvoir de Kinshasa sait qu’il faut passer par Nkamba, la ville natale de Simon Kimbangu, devenue la cité sainte des kimbanguistes. En 1991, Mobutu Sese Seko réhabilite le prédicateur à titre posthume et lui décerne l’ordre national du Léopard. En 2001, Joseph Kabila va saluer le petit-fils de Kimbangu à Nkamba. En retour, les chefs de l’Église kimbanguiste appellent à voter pour le régime en place. Problème : beaucoup de gens du Bas-Congo refusent ce marché. En 2007 et en 2008, ils se révoltent contre l’élection controversée, à Matadi, d’un gouverneur pro-Kabila. Dans la région de Luozi-Manianga, sur la rive droite du fleuve Congo, la répression est sanglante : plusieurs centaines de morts selon l’ONU. Pour la plupart, les victimes sont les adeptes d’un nouveau mouvement mystique, Bundu dia Kongo.

À la différence de Kimbangu, Zacharie Badiengila, le fondateur de cette secte, ne se voit pas comme un prophète, mais comme « le grand maître de la sagesse kongo ». Cet ancien professeur de chimie, âgé de 68 ans, se veut à la fois le fils spirituel de Kimbangu et l’héritier politique de Joseph Kasa-Vubu, premier président du Congo indépendant, comme lui originaire du Bas-Congo. Surtout, celui qui deviendra député sous le nom de Ne Muanda Nsemi est le premier leader de RD Congo à revendiquer une identité à la fois mystique et politique. « Regardez le dalaï-lama au Tibet, dit-il. On peut être à la fois chef spirituel et chef politique. »

Le pasteur Ntumi traitait les malades mentaux de Brazzaville par la prière

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Cette double identité est aussi assumée par Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, 49 ans. Cette fois, nous sommes au Congo-Brazzaville, dans le Pool, à la frontière avec la RD Congo, tout près de la région de Luozi-Manianga – le fief de Bundu dia Kongo. Avant 1997, le pasteur Ntumi traitait les malades mentaux de Brazzaville par la prière. Au plus fort de la guerre civile, il se réfugie en forêt, puis rallie derrière sa soutane violette les miliciens Ninjas qui ont fui la capitale. Après plusieurs années de rébellion, Ntumi accepte de négocier. Le président Denis Sassou Nguesso lui offre le poste de délégué général chargé « de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre ». Depuis 2007, le pasteur a troqué la robe pour le costume. Il est rentré dans le rang.

En fait, comme dans la RD Congo voisine, plusieurs figures du Congo-Brazzaville se piquent de mysticisme. Mystérieusement disparu dans une prison coloniale française en 1942, le nationaliste André Matsoua ne prêchait aucune parole du Christ. Mais après sa mort, ses partisans de la région du Pool en font un martyr et lui vouent un véritable culte religieux. En 1960, le premier président du Congo indépendant, l’abbé Fulbert Youlou, est un prêtre catholique que le Vatican a interdit de sacerdoce ; ses partisans l’appellent « Jésus-Matsoua ». De même, pendant la guerre de 1997, Bernard Kolélas, le leader politique du Pool et des quartiers Bacongo et Makelekele de Brazzaville, suscite chez les Ninjas un attachement mystique. Au plus fort de la bataille, chaque ethnie se réfugie derrière son Église.

« La prolifération des cultes est un désaveu pour l’État africain »

La Centrafrique n’est pas épargnée par ce phénomène, avec l’Église du christianisme céleste, fondée à Porto-Novo (Bénin) en 1947 et importée par François Bozizé. En 2001, quand celui-ci passe à la rébellion, le président Ange-Félix Patassé expulse cette chapelle « conspirationniste ». Mais dès sa victoire de 2003, le président Bozizé en fait la première Église africaine de Centrafrique. « François Bozizé est celui que Dieu a choisi pour sauver ce pays », proclament alors ses pasteurs. Reste qu’en 2013 Dieu ne peut empêcher la chute…

« La prolifération des cultes est un désaveu pour l’État africain », écrit le journaliste et essayiste Stephen Smith dans L’Atlas des religions. De fait, comme à l’époque coloniale, plusieurs mouvements mystiques d’Afrique centrale sont aujourd’hui des espaces de contestation de l’État. Parfois autonomiste – notamment au Bas-Congo -, parfois purement politique, cette résistance est très mal tolérée.

En RD Congo, le pasteur Kutino Fernando, favorable à l’opposant Jean-Pierre Bemba, a été arrêté en 2006 puis condamné à dix ans de prison pour tentative d’assassinat. En Angola, les prêtres catholiques de l’enclave de Cabinda, dont le charismatique Jorge Casimiro Congo, dit Padre Congo, sont régulièrement suspendus de sacerdoce par leur hiérarchie de Luanda, elle-même sous pression du pouvoir. Sur les rives du fleuve Congo, le messianisme peut être explosif.

Source: Jeune afrique

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