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PEROU : Même derrière les barreaux, Alberto Fujimori continue de diviser

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Le recours en grâce pour raisons de santé de l’ex-président Alberto Fujimori, incarcéré pour crimes contre l’humanité, est devenu un thème d’affrontement politique au Pérou, jusqu’à mettre dans l’embarras le gouvernement d’Ollanta Humala.

L’ancien président de 74 ans, atteint d’un cancer de la bouche, purge actuellement une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité commis sous ses mandats (1990-2000). Les quatre enfants de l’ancien homme fort du Pérou ont déposé il y a deux semaines une demande en grâce auprès du ministère de la Justice.

« Nous avons présenté une demande de grâce humanitaire pour raison de santé pour notre père Alberto Fujimori, nous avons joint l’historique des cinq opérations qu’a subi mon père à la langue », a expliqué Keiko Fujimori, rivale malheureuse du président Humala lors de l’élection présidentielle de 2011.

Après plusieurs jours de tergiversations, l’intéressé qui a toujours assuré qu’il ne demanderait pas une grâce qui impliquerait la reconnaissance de sa culpabilité a écrit une lettre dans laquelle il indique « adhérér à la demande présentée » par ses enfants, tout en estimant cette formalité illégale.

Alors que sa famille le présente photos à l’appui comme un vieillard chenu et gravement malade, ses privilèges exorbitants derrière les barreaux d’une prison dorée de 10.000 mètres carrés à son seul usage viennent d’être révélés dans la presse.

Le quotidien La Republica détaillait mardi les étonnantes conditions de détention de M. Fujimori, qui dispose notamment d’une clinique privée, d’un salon de réception où défilent les visiteurs jour et nuit sans contrôle ni autorisation, d’un atelier de peinture, d’un jardin planté de 5.000 rosiers et de locaux abritant les archives de campagne de sa fille Keiko.

Son avocat, Cesar Nakazaki, assure qu’une grâce humanitaire n' »est pas un pardon ni un thème politique » et insiste « sur l’état de santé fragile » de l’ex-président.

Mais pour Ronald Gamarra, un ancien procureur, « cette signature de Fujimori signifie qu’il demande bien pardon pour les délits commis » durant sa présidence.

« C’est la première fois que l’ex-président assume sa responsabilité de crime contre l’humanité », relève-t-il, soulignant que « demander la grâce, c’est demander pardon » et réfutant les arguments du camp Fujimori comme « des arguties ».

M. Fujimori est toujours un personnage très controversé au Pérou: « dictateur » pour ses ennemis, mais pour ses admirateurs « vainqueur » de l’hyperinflation et des groupes de guérilla d’extrême gauche, bien qu’au prix d’une répression aveugle. Son second mandat s’acheva sur fond de corruption à grande échelle, orchestrée par le pouvoir.

Un récent sondage montre que la population péruvienne est divisée sur le thème de la grâce, avec 50% en sa faveur et 36% contre. Si 63% des sondés estiment que la peine à laquelle il a été condamné est juste, ils sont 54% à penser que M. Fujimori a été un président ferme qui a mis fin au terrorisme et aux conflits sociaux, contre 37% qui soulignent qu’il a perpétré des crimes contre la population et gouverné en dictateur.

Le clan Fujimori a également fait circuler la photo d’un autoportrait de l’ex-président portant un poncho sur fond de Cordillère réalisé en prison et portant la phrase « Pardon pour tout ce que je n’ai pas fait et pour ce que je n’ai pas pu éviter ». Une forme détournée de Mea Culpa qui a été largement ridiculisée par les milieux politiques et les réseaux sociaux.

L’ancien président Aljandro Toledo a déclaré pour sa part qu’une grâce de M. Fujimori « offenserait la mémoire des victimes » de sa présidence mais a admis qu’il pourrait être libéré « s’il a un cancer en phase terminale et qu’il lui reste un à deux mois à vivre ».

De son côté, le président Ollanta Humala, qui a toujours été un féroce adversaire de M. Fujimori – alors lieutenant-colonel il s’était soulevé en 2000 contre son régime – se trouve visiblement embarrassé par ce dossier et a chargé ses ministres d’évoquer prudemment la question.

La ministre de la Justice Eda Rivas a avancé « ne pas savoir » quand le cas pourrait être examiné.

Le Premier ministre Juan Jimenez a quant à lui estimé que « le gouvernement allait prendre avec distance » cette demande de grâce, car il s’agit d’un sujet « éminemment médical et nous ne voulons pas d’ingérence politique ».

AFP

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