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LE COMMERCE DES ARMES : ENTRE HYPOCRISIE ET IRRESPONSABILITE

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Ce ne sont plus le feu et l’eau tels que révélés par  les écrits bibliques de par le passé  qui détruiront  le monde. Si le monde devrait encore être détruit, ce serait à n’en point  douter l’œuvre des armes. Un regard fugitif sur les événements qui ont cours dans le monde permet de se rendre compte de cette évidence. Les décideurs politiques, les grands pays au monde en sont conscients mais semblent ne pas ménager d’efforts substantiels pour changer l’allure vertigineuse que prend la course  aux armements depuis la fin de la guerre froide. L’arme qui est au prime abord fabriquée pour se protéger est devenue aujourd’hui l’instrument des destructions massives sans qu’une loi efficace ne  soit établie pour contrôler son flux. Le commerce des armes contrairement à celui des bananes qui sont de simples fruits se fait parfois gré à gré entre certains pays producteurs et importateurs. Pour pallier cette situation, les Nations ont initié en juillet dernier  une rencontre  en vue d’adopter un traité international. L’égoïsme de certaines puissances ont fait capoté les travaux et la rencontre  a accouché d’une souris.

Un regard sur la Syrie,  la Lybie, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, la République démocratique du Congo,  etc,  montre que  la paix reste à gagner dans le monde actuel. Les 193 Etats membres des Nations Unies se  sont réunis à New York du 2 au 27 juillet 2012 pour poursuivre les discussions et adopter le tout premier Traité sur le Commerce des Armes (TCA). Le président de la Conférence diplomatique des Nations Unies sur le TCA, l’ambassadeur argentin Roberto Garcia Moritan, a soumis une nouvelle proposition de texte  aux participants à la veille de la clôture ce cette rencontre.

Le Togo a pris part aux négociations

Le Colonel ALI Nadjombé, Président de la Commission Nationale de Lutte contre la Prolifération, la Circulation et le Trafic illicite des Armes Légères et de Petit  calibre (CNLPAL) a pris part à la Conférence des Nations Unies sur le Traité sur le Commerce des Armes (TCA), tenue du 02 au 27 juillet 2012. La délégation togolaise partie de Lomé était constituée du Col ALI et de M. SOWADA des Affaires Etrangères et de la Coopération. Elle sera renforcée sur place de quatre autres membres dont l’Ambassadeur Représentant Permanent du TOGO auprès des Nations Unies, Monsieur Koffi MENAN, Chef de délégation. Cette réunion de haut niveau, avait pour objectifs d’établir les règles communes en vue de règlementer ou améliorer la règlementation du commerce international des armes classiques ;  prévenir, combattre, éradiquer le commerce illicite des armes classiques et leur détournement vers l’utilisation illicite ou non légale ;  contribuer à la paix, la sécurité et la stabilité régionale ;  éviter que le commerce international des armes classiques puisse contribuer à la souffrance humaine ; promouvoir la coopération, la transparence et la responsabilité des Etats  parties dans le commerce des armes classiques, renforçant ainsi la confiance entre les Etats parties.

A côté des délégations officielles, il y avait également les représentants des organisations internationales, des ONG et de la société civile. Parmi les ONG, on compte Oxfam, Amnesty International, le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité),   mais aussi des associations nationales telles que le Cercle des Jeunes pour une Société de Paix (CJSP) et Communication et Développement Intégral (CDI) qui participent à la campagne en faveur de l’adoption d’un TCA contraignant. Il faut noter également l’accompagnement de la société civile par le Centre régional pour la paix et le désarmement en Afrique (UNREC) en matière de la paix et de la lutte contre la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre (ALPC).

Les points d’achoppement

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Les travaux proprement dits ont porté sur l’étude des différents points inscrits à l’ordre du jour  notamment les principes, les critères, le champ d’application, le transfert, l’évaluation au niveau national, le transit et transbordement, la conservation des données, l’établissement des rapports et transparence, la coopération internationale, l’assistance internationale, etc.

Les discussions parfois houleuses étaient  marquées par des réserves, des contradictions et des divergences de points de vue. Le premier point, et le plus important pour les Etats africains, reste la question des munitions. Si les armes légères sont admises  au traité, avec des réserves  formulées par la Chine, la question des munitions ne l’est pas.  Le second point de divergence concerne « l’interdiction du transfert d’armes aux acteurs non étatiques non autorisés et vers les pays sous embargo ou en situation de violation des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Si la majorité des pays restent favorables à cette formulation, celle-ci ne requiert pas l’assentiment d’autres pays avec en tête les Etats –Unis. Et pour cause, le secteur privé joue un rôle prépondérant  dans le commerce  des armes de ces pays. D’ailleurs, la détention des armes par des particuliers  est un acquis constitutionnel aux Etats-Unis.

Un autre point de divergence est l’ouverture du traité aux organisations  régionales à l’instar  de la CEDEAO et de l’Union européenne.  La Chine opposera un fin de non recevoir à l’adhésion de cette dernière évoquant un contentieux entre elle et l’UE. Elle conditionne sans adhésion à l’enlèvement  de l’embargo que l’UE a imposé sur certains types d’armes. Les divergences  étaient  profondes qu’au terme de quatre semaines de négociation, les pays comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, l’Egypte ont demandé davantage de temps en vue  de se prononcer sur le traité.

Les efforts de la communauté internationale pour parvenir à une nécessaire régulation du commerce mondial de l’armement doivent se poursuivre. L’Assemblée générale des Nations unies, destinataire du rapport, devra se pencher sur la suite à donner au processus. Chaque État devra mettre en place un système national de contrôle des transferts basés sur une analyse du risque que les matériels exportés puissent notamment être utilisés en lien avec différents types de violations (d’embargos des Nations unies, des droits de l’Homme, du droit international humanitaire).

L’Afrique et la problématique des  armements

Le vendredi 18 Mai dernier, Madame Angela KANE, Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies et Haut Représentante pour les Affaires de désarmement a animé à l’Etat-major général des Forces armées togolaises (FAT), une conférence placée sous le thème : « Les dépenses militaires et le développement ». La conférence présidée par le Chef d’Etat Major, le Général Mohammed Atcha TITIKPINA, a connu la participation du ministre togolais des affaires étrangères, Elliott OHIN, du Directeur de l’UNREC, Ivor Richard FUNG, de la Représentante résidente du PNUD et Coordinatrice du Système des Nations Unies au Togo, Madame Khardiata Lô NDIAYE,  des représentants du corps diplomatique accrédité au Togo, des députés à l’Assemblée nationale et des officiers togolais. Madame Angela KANE, Haut Représentante pour les affaires de désarmement a souligné que d’après les  données fournies par 66 États membres des Nations Unies,  les dépenses militaires en Afrique en 2010 se chiffraient à hauteur de 122 milliards de dollars américains et qu’elles ne cessent d’augmenter. Et pourtant, souligne-t-elle, « 5% de ces dépenses suffiraient à réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et à éradiquer la pauvreté dans le monde. Un chiffre qui montre que l’Afrique a les moyens pour assurer son propre développement au lieu de river ses yeux vers la magnanimité de l’extérieur.

En clair, l’Afrique n’a pas besoin d’armes pour pouvoir enclencher son développement. Les dirigeants devraient  être à l’écoute de leurs populations. Il  revient à ces dirigeants de prioriser les besoins de leurs peuples meurtris par tant de fléaux. Les peuples africains ont besoin de nourriture, des médicaments de qualité, d’eau, d’infrastructures sanitaires et routières, des équipements pour booster leurs industries,  bref la liste  des besoins ne saurait être exhaustive. Privilégier l’achat d’armes à des fins de conservatisme du pouvoir ne rime à rien. Les armes dans certains pays du continent ne servent qu’à brimer et massacrer une population qui réclame parfois des conditions  de vie décentes. Un changement de mentalité s’impose car ce ne sont pas seulement les commerçants véreux qui font de l’Afrique le dépôt de leurs armes mais c’est parce qu’ils trouvent preneurs sur le contient que les guerres y font le nid un peu partout freinant ainsi son développement.  Il est aberrant que de telles sommes faramineuses soient injectées dans l’armement pendant  que plus du tiers des décès enregistrés sur le plan mondial imputables à la faim soient  sur ce continent gangréné par la corruption, la misère et autres maux alors  qu’il  regorge pourtant des ressources inestimables. Nos efforts en vue de trouver les dépenses en armement du Togo sont demeurés vains.

De la nécessité d’un TCA

Le Traité sur le Commerce des Armes est envisagé pour réglementer le commerce international des armes conventionnelles et des munitions, un secteur qui jusqu’alors est très peu réglementé. Cette situation est tout de même surprenante, voire dramatique quand l’on sait que le commerce des armes, mais aussi la circulation illicite des Armes Légères et de Petit Calibre (ALPC) alimentent les nombreux conflits à travers le monde, avec un cortège de conséquences : pertes en vies humaines et en infrastructures, impacts négatifs sur l’économie des Etats concernés, accroissement de la pauvreté, violations des droits humains, etc. C’est ainsi que chaque jour, des millions de personnes souffrent des conséquences directes et indirectes du commerce irresponsable des armes.

L’Afrique est particulièrement touchée par les conséquences de la circulation illicite des armes qui alimente les nombreux conflits, attentats et crimes sur le continent. Des nombreux attentats perpétrés au Nigeria, aux rebellions armées en République Démocratique du Congo (RDC) en passant par le Soudan, la Côte d’Ivoire et le Mali, entre autres, les exemples sont légions.

Face à toutes ces conséquences, seul un traité fort sur le commerce des armes pourra apporter des solutions efficaces aux différents problèmes qui minent la planète, notamment sur le plan sécuritaire. Pour être efficace, ce TCA doit être un instrument international juridiquement contraignant fondé sur les obligations des Etats déjà en vigueur en vertu du droit international. Il doit être mis en place de façon à réduire les coûts humains liés au commerce incontrôlé des armes conventionnelles et des munitions. Il doit établir des critères contraignants pour permettre d’évaluer les transferts d’armes au cas par cas et déterminer clairement dans quelles conditions un transfert d’armes doit être interdit. Le TCA déterminera les conditions dans lesquelles les Etats peuvent autoriser un transfert d’armes (achat, vente, transit)  en prenant en considération les risques que représente ce transfert pour les droits humains et le développement des pays ou des régions.

Il est important que le Togo et l’Afrique en général soutiennent le TCA. Une prise de conscience embryonnaire se manifeste.  C’est pourquoi plus de 90% des pays du continent ont voté favorablement les différentes résolutions préparatoires du TCA. Ils ont eu à  harmoniser leur position lors d’une réunion tenue en Septembre 2011 à  Lomé.

Historique du TCA

L’idée et les initiatives en faveur d’un traité sur le commerce des armes remontent  en 1995 avec le Code de conduite international sur les transferts d’armes, à l’initiative de M. Oscar Arias Sanchez, ancien président du Costa Rica et Prix Nobel de la Paix en 1987.

Mais concrètement, le processus vers un traité international sur le commerce des armes (TCA) a commencé il y a 6 ans. En effet, c’est en décembre 2006 que les Nations Unies ont voté une résolution pour entamer un processus devant aboutir à l’élaboration d’un TCA. Cette décision est une grande première en matière du droit et de commerce international.

Adoptée le 6 décembre 2006, la première résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur un TCA a été soutenue par 153 votes favorables. Vingt quatre (24) États se sont abstenus, parmi lesquels d’importants acteurs du commerce des armes (Arabie saoudite, Chine, Égypte, Inde, Iran, Israël, Pakistan, Russie, Soudan, Syrie, Venezuela, Yémen, Zimbabwe). A noter que seuls les États-Unis, alors gouvernés par le républicain George W. Bush, ont voté contre.

Une deuxième résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le TCA s’en suivra le 31 octobre 2008, puis une troisième le 2 décembre 2009 : c’est cette troisième résolution qui  a appelé à la tenue d’une conférence des Nations Unies de quatre semaines en 2012 pour y adopter un Traité sur le commerce des armes.

Plusieurs réunions préparatoires dont ceux du Comité Préparatoire ont eu lieu au siège des Nations Unies à New York en juillet 2010, février 2011, juillet 2011 et enfin du 13 au 17 février 2012.

La période du 2 au 27 juillet était  annoncée pour les dernières négociations et la signature dudit Traité sur le Commerce des Armes. Mais l’égoïsme et les intérêts mercantilistes de certains Etats étant au rendez-vous, l’adoption  est repoussée une fois encore à l’assemblée générale des Nations unies qui se tient le mois prochain. Sans se ranger sur un échec de ces discussions, le président de la conférence diplomatique  des  Nations unies sur le TCA Roberto Garcia Moritan, a soumis le 26 juillet une nouvelle proposition de texte qu’il a qualifié  d’évolutif. Ce texte devra être considéré comme la base de négociation dont les acquis devront être préservés. Mais les plus pessimistes pensent que « rien n’est acquis si tout n’est pas acquis ». Pour eux le traité devrait obéir à la loi de tout ou rien. Vivement que les derniers points d’achoppement trouvent une issue  favorable avant Septembre. La traçabilité des armes est nécessaire pour limiter les dégâts en vie humaine. Il est vrai que les armes sont aussi fabriquées de façon artisanale mais il faudrait régulariser la fabrication industrielle plus destructrice de l’humanité. Le monde et plus particulièrement l’Afrique a en assez des affres de la guerre. La solution durable aux problèmes de développement passerait aussi par la recherche des mesures alternatives au commerce des armes.

Jean-Baptiste ATTISSO

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