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La feuille de route consensuelle pour le processus de vérité, de justice et de réconciliation au Mali

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PARIS, France, 14 novembre 2014/African Press Organization (APO)/ — La FIDH et l’AMDH ont organisé à Bamako, les 6 et 7 novembre 2014, un séminaire international sur la justice transitionnelle et la réconciliation nationale au Mali présidé par le Premier ministre M. Moussa Mara. Les 230 participants ont adopté une feuille de route pour le processus de réconciliation au Mali qui rejette toute amnistie pour les crimes du passé.

Ils demandent également que la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) soit composée de personnalités indépendantes et compétentes qui seront en mesure d’écouter les victimes de toutes les répressions politiques et des graves violations des droits humains perpétrées par l’État et les groupes armés ; qui devront recommander des mesures de réparations pour les victimes ainsi que des réformes profondes de l’État permettant la mise en place de garanties de non-répétition des violations des droits humains et garantissant à tous les citoyens sans exclusive de voir leurs droits respecter. Selon les participants, l’impunité ne doit plus prévaloir et la justice internationale et nationale doit faire son travail sans aucune interférence ou intervention politique. Alors que des négociations sont menées à Alger entre certains groupes armés et le gouvernement malien, ces mesures devraient être acceptées par les parties et mises en œuvre par le gouvernement et la CVJR afin de contribuer à une paix réelle, durable et profitable aux populations.

« Les parties qui négocient à Alger doivent entendre le besoin de vérité et de justice de l’ensemble de la société malienne qui rejette massivement toute amnistie pour les crimes du passé et du présent » a déclaré Mme Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH, à l’issue du séminaire à Bamako (voir son intervention).

230 personnes ont participé au séminaire, dont des représentants de la société civile, des partis politiques, des autorités politiques et judiciaires nationales, des forces de défense et de sécurité, des autorités traditionnelles et religieuses mais aussi des victimes de violations des droits humains, des journalistes, des universitaires venant de l’ensemble du pays. Une dizaine d’experts nationaux et internationaux ont accompagnés la réflexion des participants au regard des expériences similaires de réconciliation nationale au Togo, au Maroc, en Tunisie, en Guinée, au Burundi ou encore en Afrique du Sud et au Ghana.

Un besoin de vérité sur les crimes du passé et du présent

Le besoin de vérité apparaît fondamental au regard d’une histoire nationale aux lectures divergentes traversée par la violence d’État, les rebellions et les répressions qui ont donné lieu à la commission de graves violations des droits humains. Le traitement politique de ces violations a donné lieu à une impunité des auteurs de ces crimes, voire à leur promotion, engendrant à nouveau des violations et une instabilité récurrentes. La crise de 2012 marquée par une rébellion touarègue, l’occupation du nord du pays par les groupes djihadistes et un coup d’État militaire est l’expression de cette mal gouvernance et de cette impunité.

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Dans son allocution d’ouverture, le Premier ministre, M. Moussa Mara a souligné que « la lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves jumelée à l’instauration d’un mécanisme de recherche de la vérité et de la réconciliation nationale doivent permettre d’évacuer certaines rancœurs et esprits de revanche et de rassembler les communautés autour d’un Mali uni dans la diversité ».

Le gouvernement a créé d’une part, un ministère de la Réconciliation et d’autre part, le 15 janvier 2014, une Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) chargée d’entendre les victimes des violations des droits humains perpétrées entre 1960 et 2013, d’enquêter sur ces violations et de recommander des mesures de réparations et de non-répétition des crimes. Les 15 membres de la CVJR n’ayant pas encore été nommés, les participants ont souligné la nécessité d’avoir des personnalités choisies pour leurs compétences, indépendance, impartialité et équité. Ils excluent la participation de membres de l’armée et des services de sécurité, de groupes armés, et de responsables politiques. S’il est fréquemment évoqué une CVJR « à l’image du Mali », les experts et participants ont rappelé les principaux critères de nomination des membres de la commission : la compétence et l’indépendance. Les participants souhaitent également que la CVJR soit composée à parité d’hommes et de femmes et qu’une sous-commission dédiée au genre soit mise en place, notamment compte tenu de la prévalence des crimes sexuels dans les conflits. Les participants soulignent enfin la nécessaire indépendance de la CVJR à l’égard du pouvoir exécutif, comme garantie de son impartialité ainsi que celle de ses membres et permettant aux victimes de venir à eux sans défiance.

Lutter contre l’impunité, condition de la réconciliation

La consultation des représentant des différents secteurs de la société a conclu que la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes les plus graves est une priorité de la justice transitionnelle et de la réconciliation nationale, qui ne doit pas être compromise par des amnisties ou des accords politiques. Les participants soutiennent de façon unanime l’action de la justice internationale et de la justice nationale pour traiter des crimes de leurs compétences commis au Mali. La formule « pardon contre coopération » pour les auteurs d’infractions plus mineures n’a pas retenu l’adhésion des participants qui ont préféré réaffirmer le droit inaliénable des victimes à saisir une institution judiciaire réformée et plus efficace, voir leur plainte instruite et la justice rendue.

Lorsque l’action de la justice n’est plus possible, du fait du décès des présumés responsables ou de la déperdition des preuves, la lutte contre l’impunité doit passer par un autre mécanisme de justice dite transitionnelle ou de transition, la CVJR. Les participants soulignent la place centrale que les victimes doivent occuper dans l’action de la CVJR afin qu’elles puissent notamment : déposer leur dossier sans être inquiétées ; avoir la garantie que leurs dossiers seront instruits, être entendues le cas échéant avec une aide psychologique ; témoigner publiquement si elles le souhaitent ou de façon confidentielle si elles en font la demande ; être accompagnées par la société civile ; et voir leurs préjudices réparés par des mesures individuelles, collectives, communautaires et/ou symboliques.

« Il y a une unanimité sur le besoin de justice pour les victimes des crimes du présent comme ceux du passé. Pour toutes les personnes consultées au cours du séminaire, la réconciliation nationale passera nécessairement par l’action de la justice tant au niveau international que national » a déclaré Me Moctar Mariko le président de l’AMDH et avocat de victimes devant la justice nationale. « Les amnisties et l’impunité ne sont pas des options acceptables par les populations. Les négociateurs à Alger doivent l’entendre. » a-t-il ajouté.

Garantir la non-répétition des crimes les plus graves

« La mal gouvernance depuis 50 ans est une des causes des violations des droits humains et des conflits que connaît notre pays » a déclaré un participant lors des débats. Ce constat partagé a amené les participants à réfléchir sur la 3ème phase de l’action de la justice transitionnelle : les recommandations de la CVJR et la mise en œuvre de ses recommandations pour réformer l’État et la société de sorte à limiter les causes des conflits et des violations massives des droits humains. Outre les réparations envers les victimes, les travaux de la CVJR doivent permettre d’identifier et de proposer les réformes de l’État indispensables pour mettre fin à la mal gouvernance, aux violations des droits humains et aux conflits : réforme de la justice, réforme de l’administration territoriale, réforme du secteur de la sécurité, renforcement des organes démocratiques, mais aussi de l’enseignement scolaire, l’abolition de l’esclavage, réforme du code de la famille et garanties de représentations politiques des femmes, mise en place d’archives nationales garantissant la mémoire et la vérité historique, et la mise en place de contre-pouvoirs institutionnels à même de garantir la vie démocratique et le développement économique du pays. L’effectivité et la mise en œuvre de ces réformes sont non seulement des défis pour le gouvernement et les responsables politiques actuels et futurs mais constituent aussi une condition essentielle de la réussite d’une réconciliation nationale incluant tous les habitants du Mali, sans discrimination ni stigmatisation.

La FIDH et l’AMDH dans le cadre d’un programme conjoint « Mobiliser la société civile pour une réponse à la crise des droits humains au Mali » ont initié une série d’actions afin d’apporter des réponses aux crimes et aux enjeux politiques du conflit et de la crise politique qui s’est déclenchée au Mali en 2012 : la documentation des violations des droits humains, l’accompagnement judiciaires des victimes, le plaidoyer auprès des autorités nationales et de la communauté internationale, etc.

La FIDH et l’AMDH accompagnent depuis les 26 et 28 novembre 2013 les victimes des crimes perpétrés par la junte militaire du capitaine Amadou Haya Sanogo dans les affaires dites des « bérets rouges disparus » et de la « mutinerie du 30 septembre 2013 de Kati » en 2012 et 2013 (Voir le rapport, Mali : la justice en marche).

Le 12 novembre 2014, la FIDH, l’AMDH et 4 autres organisations de défense des droits humains et de défense des droits des femmes, WILDAF-Mali, l’Association des juristes maliennes (AJM), DEME SO, et le Collectif Cri de Cœur, ont déposé une plainte avec constitution de parties civiles au nom de 80 femmes et filles victimes de crimes sexuels perpétrés au nord du Mali pendant le conflit de 2012-2013.

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