Kako Nubukpo, économiste agrégé : « La monnaie de la CEDEAO peut être un plus pour notre espace ».
Quelle contribution le Franc CFA peut apporter pour la bonne santé économique des pays de l’UEMOA ? C’est à cette question que répond dans cette interview le Professeur Kako Nubukpo, agrégé en Economie et Directeur exécutif du Centre autonome d’études et de renforcement des capacités pour le développement au Togo (CADERDT). Nous l’avons rencontré en marge du symposium organisé jeudi dans le cadre du 40ème anniversaire de la déclaration du président Eyadéma sur le Franc CFA. Lisez plutôt.
Bonjour Monsieur Kako Nubukpo
Bonjour
Quelle a été, selon vous, l’impact du toast prononcé par Eyadéma sur le Franc CFA en 1972 ?
On se rend compte 40 ans après le toast du président Eyadéma que ce fut une intervention courageuse, audacieuse et qui a marqué finalement les réformes que nous avons connues à partir de décembre 1973. C’est ce que nous avons voulu commémorer aujourd’hui, reprendre l’esprit de cette déclaration, c’est-à-dire se poser la question de savoir si notre monnaie est au service de nos populations et sur quelle base voir comment nous pouvons envisager l’avenir.
Par rapport aux autres devises, le Franc CFA a-t-il aujourd’hui une réelle valeur monétaire ?
La question fondamentale c’est que les économies faibles peuvent durablement avoir des monnaies fortes. Comme vous le savez, le Franc CFA est en taux de change fixe avec l’Euro qui est une monnaie forte. Ce qui pénalise nos exportations et donne des incitations aux importations. Ce qui fait que nos balances commerciales sont structurellement déficitaires. Alors, la question est de voir dans quelle mesure la Banque centrale pourra orienter la politique monétaire vers une préoccupation encore plus forte pour la croissance économique dont nous avons vraiment besoin pour le développement économique de nos nations.
Quelles stratégies l’UEMOA pourra-t-elle adopter pour permettre au Franc CFA de rivaliser avec les autres monnaies ?
Ce que nous pouvons également dire, c’est que notre Union devrait se renforcer par plus de solidarité à travers ce que nous appelons la ligne budgétaire. C’est-à-dire voir dans quelle mesure la Commission de l’UEMOA pourrait émettre des bons sur le marché financier régional afin de financer les grands investissements structurants de notre zone.
Et ces bons pourraient être garantis par les réserves de change dont nous disposons auprès du trésor à Paris. Donc l’idée aujourd’hui, c’est à la fois trouver des mécanismes pour stabiliser les budgets nationaux qui sont sujets à des chocs multiples, et ça le fédéralisme budgétaire peut nous y aider, et en même temps financer les grands investissements structurants de notre zone. Et si la monnaie, tel qu’elle est gérée aujourd’hui peut le permettre, il faudrait envisager en ce moment là une révision du régime de change du Franc CFA pour aller à un régime de change avec un panier de monnaie où le Franc CFA serait adossé à des devises comme l’euro, comme à l’heure actuelle, mais aussi le dollar ou la livre sterling. C’est-à-dire ne rien s’interdire en termes d’évolution possible de notre zone mais avoir pour comme seul objectif la croissance et le développement de nos économies.
La dévaluation du Franc CFA a-t-elle profité à la zone CFA ?
La dévaluation a profité à la zone CFA mais pour une petite période seulement. Lorsque vous avez des économies concurrentes qui elles ont une monnaie plus flexible que la vôtre, elles peuvent s’ajuster rapidement par une dépréciation de leur monnaie et vous perdez tout le bénéfice de la dévaluation. Je crois que l’enjeu aujourd’hui pour la zone UEMOA, c’est d’avoir une politique monétaire en phase avec les fondamentaux de la zone, avec la conjoncture de la zone. On a l’impression à l’heure actuelle que notre politique monétaire est plus adaptée à la zone Euro qu’à la zone CFA. C’est un paradoxe que nous devons levée dans les plus brefs délais.
La monnaie unique de la CEDEAO pourra-t-il être une solution ?
Oui la monnaie de la CEDEAO peut être un plus pour notre espace. Enfin on aura une coïncidence entre la politique et la monnaie. Puisqu’on voit bien que la CEDEAO est solidaire sur le plan politique. On le voit bien avec l’intervention militaire au Mali qui se précise. Ce serait un peu les prémices d’une union politique et monétaire accrue.
Propos recueillis par Rodolph TOMEGAH