Italie: crise autour du futur président, Bersani jette l’éponge
Parti grand favori, l’ex-Premier ministre Romano Prodi a échoué vendredi au quatrième tour de l’élection présidentielle italienne, et Pier Luigi Bersani, leader du centre-gauche arrivé en tête aux élections de février, désavoué, a annoncé sa prochain, rendant la crise inextricable.
Choisi le matin même par la gauche, qui compte le plus grand nombre d’électeurs, M. Prodi avait recueilli seulement vendredi 395 voix, très loin de la majorité absolue requise (504 voix sur 1.007 électeurs).
101 « franc-tireurs » –sur 496 électeurs de gauche– n’avaient pas respecté la consigne de vote en sa faveur.
M. Bersani a annoncé que son parti s’abstiendrait lors du cinquième scrutin des grands électeurs, prévu samedi matin, et qui s’annonce voué à l’échec, sauf retournement spectaculaire de dernière minute jamais exclu dans le contexte italien.
« Je n’arrive pas à accepter que le candidature de Romano Prodi ait échoué. Nous avons abouti à une affaire d’une gravité absolue, les mécanismes de responsabilité et de solidarité ont sauté », a-t-il dit, pour expliquer l’annonce de sa démission, qui interviendra, a-t-il dit, une fois élu le prochain chef de l’Etat.
Selon lui, le PD doit « reprendre les contacts avec les autres forces politiques ».
La première force de gauche avait déjà échoué la veille à faire élire l’ex-syndicaliste démocrate chrétien Franco Marini, choisi en commun accord avec la droite de Silvio Berlusconi.
Pour protester contre le choix de M. Prodi, dont il est la bête noire, le Cavaliere avait appelé le centre-droit à ne pas participer au quatrième tour, consigne largement respectée par son camp.
Le nom de l’ancien président de la Commission européenne, âgé de 73 ans, est très mal vu à droite notamment parce qu’il est le seul à avoir battu à deux reprises le Cavaliere.
Pier Luigi Bersani avait opté pour celui qui a dirigé le gouvernement à deux reprises (1996-1998 et 2006-2008) pour tenter de ressouder son parti, que l’accord avec la droite sur la candidature Marini avait risqué de faire éclater.
Au moins la moitié des transfuges du PD ont apparemment voté pour le candidat du Mouvement 5 Etoiles (M5S), Stefano Rodotà, un constitutionnaliste qui fêtera bientôt ses 80 ans.
M. Rodotà a recueilli 213 voix, soit bien plus que les 162/163 votes émanant des « grillini » (petits grillons) comme sont surnommés les militants du mouvement de l’ex-humoriste Beppe Grillo.
« Il n’y a plus de PD. La gauche est détruite », a asséné Maurizio Lupi, du Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi, tandis qu’un de ses collègues comparait la situation au roman « Dix petits nègres » d’Agatha Christie, où les personnages meurent les uns après les autres.
M. Berlusconi s’est réjoui de la démission annoncée de son adversaire, affirmant que son parti PDL s’abstiendrait lui aussi lors du vote prévu samedi matin s’il n’y avait pas un candidat de consensus entre droite et gauche trouvé d’ici là.
Plusieurs scénarios s’offrent aux partis italiens : l’un est une candidature plus neutre, comme celle de la ministre de l’Intérieur Anna Maria Cancellieri, soutenue par le mouvement « Scelta Civica » du président du Conseil Mario Monti selon lequel « elle pourrait attirer d’autres forces politiques ».
M. Berlusconi a rencontré M. Monti qui devait voir M. Bersani samedi matin.
Ou bien la gauche pourrait se rallier au candidat du M5S, Stefano Rodotà, ancien député européen et surtout ancien président du Parti démocratique de la gauche (PDS, dont le PD est l’héritier).
Le PD peut aussi revenir à une candidature plus susceptible de séduire le camp de Silvio Berlusconi, par exemple l’ex-premier ministre Giuliano Amato.
Le directeur du journal La Stampa, Mario Calabresi, a critiqué le chaos qui a entouré la stratégie contradictoire du PD.
« C’est le résultat d’un manque de courage et d’idées fortes, claires et communiquées de façon convaincante et c’est aussi pour ça que le PD n’a pas gagné les élections », a-t-il dénoncé.
Les élections législatives ont débouché sur une équation insoluble avec la gauche qui a la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat, divisé en trois blocs de force équivalente : la gauche, la droite berlusconienne et le M5S. Ce qui empêche la formation d’un gouvernement depuis plus de 50 jours.
AFP