Dans une interview à « Jeune Afrique », avril dernier, Gilchrist OLYMPIO, le Président National de l’Union des Forces de Changement (UFC), fait un chapelet de déclarations qui embarrassent plus d’un. Des propos qui viennent confirmer tout le mal que d’aucuns pensent désormais de celui qui, il y a encore quelques années, nourrissait l’espoir de tout un peuple et la certitude d’un avenir meilleur. Outre son élévation contre la pression de la rue, cette rue qui, faut-il le rappeler, a façonné et entretenu le mythe politique qu’il a incarné à un moment donné de l’histoire du Togo, le Président de l’UFC s’élève aussi contre la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles que les togolais appellent de tous les vœux. Un gros paradoxe qui confère que Gilchrist OLYMPIO est définitivement acquis au régime.
«Il n’est pas judicieux de se cantonner à ces réformes, car celles-ci ne garantissent en rien la victoire. C’est surtout l’unité de l’opposition qui peut aboutir à l’alternance…Mais elle est divisée. Il y a trop de chefs. Je me demande d’ailleurs s’il ne serait pas préférable d’instaurer des primaires pour que les uns et les autres confrontent leurs idées et leurs programmes.», a déclaré Gilchrist OLYMPIO dans les colonnes de Jeune Afrique.
Une déclaration qui constitue un véritable pied de nez à toute la classe politique togolaise ; pouvoir et opposition, qui depuis 11 ans, se tiennent dans un mouchoir de poche pour que les réformes aient lieu au Togo. La sortie médiatique du Président de l’UFC, doit être également considérée comme un gros camouflet pour les partenaires techniques et financiers du Togo dont l’Union Européenne qui se bat véritablement pour un dénouement rapide et heureux de cette question des réformes qui cristallisent le débat politique au Togo et figent toute avancée démocratique.
Au-delà de tout, l’argument avancé par le patron de l’UFC pour ne pas accorder d’importance ou « se cantonner à ces réformes » est un peu tiré par les cheveux, car ce n’est pas parce que l’effectivité des réformes n’est pas suffisante pour garantir la victoire de l’opposition que l’on ne devrait pas en faire un sujet politique sérieux, encore que la question des réformes fait partie des principales dispositions, sinon la première décision de l’Accord Politique Global que l’UFC a signé ce 20 août 2006 ensemble avec les quatre (04) autres partis de l’opposition (CAR, CDPA, CPP, PDR), le RPT, le Gouvernement et la société civile. D’ailleurs, pour Me Yawovi AGBOYIBO, « les réformes prescrites par l’APG ont pour objectif de garantir le fonctionnement libre et crédible des institutions en charge de la gestion et du contrôle des divers domaines de gouvernance de notre pays. Parmi ces domaines, figure le volet électoral. La réalisation des points concernant le volet électoral, est en tout état de cause une étape incontournable dans l’instauration du cadre électoral dont le pays a besoin pour aller vers des élections crédibles aux résultats acceptables par tous ». Voilà pourquoi, Gilchrist OLYMPIO devrait réviser sa position au lieu de ravaler tout le mérite qu’il accordait il y a quelques années aux dispositions de l’APG, lesquelles lui ont d’ailleurs permis de convoler en justes noces avec le pouvoir de Faure Gnassingbé.
Aussi, le Président National de l’UFC parle d’un sujet frappé de péremption lorsqu’il a laissé entendre que, « C’est surtout l’unité de l’opposition qui peut aboutir à l’alternance ». Certainement que ce discours fera marrer ses collègues de l’opposition. Parce que Monsieur OLYMPIO, encore au-devant de la scène politique, tout feu tout flamme, il ne concevait jamais qu’il avait besoin des autres leaders ou partis de l’opposition pour gagner une quelconque élection au Togo. Pour lui, l’UFC était l’Alpha et l’Omega, seule capable de battre le RPT. Aujourd’hui, les conséquences sont là, irréversibles. Candidature unique de l’opposition ? Non, Monsieur OLYMPIO joue d’après un leader de l’opposition, un disque déjà rayé. L’unité de l’opposition n’est vraiment pas la panacée pour gagner une présidentielle à un tour au Togo. Sinon, le 24 avril 2005, Emmanuel BOB-AKITANI, candidat de l’UFC soutenue par la coalition des principaux partis d’opposition devrait gagner à plate couture Faure Gnassingbé. À l’Est du Togo, Patrice Talon est sorti au milieu d’une trentaine de candidatures de l’opposition au Benin contre Lionel ZINSOU, le candidat du pouvoir. Au second tour, le report des voix de ses camarades de l’opposition lui a permis de prendre la Présidence de la République. Voilà pourquoi, il est plutôt judicieux de se pencher sérieusement sur la réalisation de ces réformes constitutionnelles et institutionnelles.
L’autre déclaration qui peut aussi provoquer des sourires moqueurs de ces compagnons de lutte, c’est les « primaires » dont parle Gilchrist OLYMPIO. L’histoire politique de la nation togolaise, nous a beaucoup renseignés sur l’homme. Monsieur OLYMPIO sur ses jambes de jeunesse en politique, n’accepterait jamais participé une quelconque primaire de l’opposition. Sa suffisance devrait plutôt paraître comme un devoir destin. Si par miracle, il participait aux « primaires » et est battu par Edem KODJO, Léopold GNININVI, Yawovi AGBOYIBO etc. Gilchrist OLYMPIO trouvera certainement une autre formule pour se présenter en Candidat indépendant. Pour ceux qui connaissent l’histoire politique de ce pays, savent que ce n’est pas un conte de fées. « Pour moi, le combat politique ne doit plus s’exprimer dans la rue. Nous devons apprendre à négocier, approcher nos adversaires et confronter nos points de vue, les rassurer du mieux possible. Il en sort toujours quelque chose », a-t-il indiqué.
Il y a quelques années, tous ceux approchaient le général Gnassingbé Eyadéma ou les cadres du régime sont systématiquement considérés par le maréchal OLYMPIO comme des vendus ; ils traitent ou pactisent avec le « diable » selon Monsieur OLYMPIO, et doivent être livrés à la vindicte populaire. Aujourd’hui, c’est lui-même qui propose de « négocier, approcher (les) adversaires et confronter (les) points de vue, les rassurer du mieux possible ».
Le grand perdant dans cette histoire, est Feu Dr. Amah Gnassingbé, ancien deuxième vice-président de l’UFC, humilié et exclu du parti parce qu’il a décidé en 2006 d’entrer au Gouvernement de Me Yawovi AGBOYIBO au sortir de l’APG. Mais, à peine 4 ans plus tard, c’est tout l’UFC, en fait les AGO, Amis de Gilchrist OLYMPIO, avec leur patron à la tête du peloton qui va voir Faure Gnassingbé d’aller aussi à cette « mangeoire » pour laquelle Dr. Amah Gnassingbé est traité et accusé de tous les péchés d’Israël. En voyant la nouvelle donne aujourd’hui, le vieux Amah Gnassingbé, se retournerait dans sa tombe. Oui, il était plus visionnaire que les autres. Hélas ! Autre registre, où sont passés les fameux AGO. Tous ceux qui vociféraient pour défendre à cor et à cri le leader de l’UFC sont pour les uns, chassés du parti et les autres laissés à leur compte et méprisés. C’est la débandade. Quelques exemples : Nicodème HABIA s’est trouvé un sigle de parti qu’il tente vainement d’animer. Tchiakpé présenté comme un des caciques conseiller n’est plus écouté. Ses prises de position et ses déclarations ne concordent plus avec les discours du mentor. Contradiction sur toute la ligne. Les frères jumeaux HOMAWOO sont devenus muets. Ils ont perdu la parole tout simplement, méprisés par le leader.
Leur autre frère Jean Luc HOMAWOO lui rase les murs à travers Lomé et les Etats Unis. Jean Luc s’époumonait, on se rappelle à défendre l’accord RPT/UFC, multipliait des émissions sur les radios pour défendre l’indéfendable, courait dans toutes les directions pour être le plus proche de Gilchrist OLYMPIO est aujourd’hui jeté à l’abandon. Elliott OHIN, lui n’est pas allé loin que de se tailler une place de choix auprès du régime RPT/UNIR. Il jouit avec résistance et persévérance des privilèges qui font de lui le militant controversé de l’UFC à UNIR. Le dernier rejeton de l’UFC est Oré DJIMON. Député à l’Assemblée nationale, il a créé un petit parti qui lui sert de tribune pour lancer des diatribes dans toutes les directions. Gilchrist OLYMPIO lui-même règne et mange seul dans l’ingratitude des derniers qui lui sont restés fidèles et le peuple qui s’est sacrifié pendant plusieurs décennies pour sa cause.
Aussi faut-il rappeler que le Président de l’UFC oublie vite le passé. Triste ! « Pour moi, le combat politique ne doit plus s’exprimer dans la rue ». N’est-ce pas la rue qui a fait Gilchrist OLYMPIO ? N’est-ce pas cette rue qui l’a révélé au détriment des courageux opposants restés au pays et qui se faisaient taper dessus par le général Eyadéma ? Tout le mythe qu’il incarnait à une époque de l’histoire du Togo, qu’est-ce qu’il a créé et entretenu ce mythe, si ce n’est la rue ? Quand une fourmilière humaine se lançait de la frontière d’Aflao aux cris de « détia » ou encore « Baba lévon yovovia », Monsieur OLYMPIO ne voyait pas que le combat politique ne devrait pas s’exprimer dans la rue. Que disait-il quand son représentant Emmanuel BOB-AKITANI après s’être proclamé Président de la République le 27 avril 2005, appelait les populations togolaises, la rue à aller arracher la victoire des mains de ceux qui sont pourtant armés ?
Aujourd’hui, s’il pense que le combat politique ne doit plus s’exprimer dans la rue et que « l’opposition doit être constructive », c’est une très bonne nouvelle, car beaucoup lui avaient dit cela sans qu’ils soient arrivés à le convaincre. Maintenant, il s’est ravisé. C’est bien. Sauf qu’il a mangé ton totem, c’est également une certitude. La politique est un jeu déloyal, dit-on souvent. Cependant, il y en a ceux qui la font aussi avec beaucoup de loyauté.
Sylvestre K. BENI