Dialogue à la sauvette : à quoi joue le gouvernement ?
Annoncé en fanfare, le dialogue politique entre le pouvoir et les ténors de l’opposition n’a été qu’une messe de courte durée. Et pour cause, un achoppement de taille est survenu quelques heures après l’ouverture de ce dialogue. Le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel ont demandé la mise en place d’un comité préparatoire qui sera dirigé par un médiateur international en vue de convenir des modalités et de l’agenda pour un dialogue structuré, franc et sincère. Cela n’était pas du goût de l’Exécutif qui préconisait la poursuite des travaux sur le processus électoral. Devant le refus du gouvernement à accepter leur proposition, les deux regroupements de partis politiques et d’organisations de la société civile ont battu en brèche estimant qu’on ne pouvait pas zapper les réformes constitutionnelles et institutionnelles et parler uniquement du processus électoral. C’est le lieu de s’interroger sur les intentions réelles du gouvernement en convoquant cet énième dialogue que d’aucuns qualifient à tort ou à raison de serpent de mer.
Le gouvernement togolais a convié, le 16 Novembre dernier, la majorité des partis politiques et organisations de la société civile à un dialogue. Le Collectif «Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel, deux regroupements qui ont depuis leur création, décliné les invitations du gouvernement, ont cette fois-ci répondu favorablement à l’appel. Mais leur présence a été éphémère au côté du gouvernement. En effet, quelques heures après l’entame des discussions à la Primature, les esprits ont commencé par s’échauffer. C’est ainsi que Ouna Gnatta, membre du bureau politique de l’Alliance de Dahuku Péré a demandé au gouvernement de surseoir au débat et de fixer un autre rendez-vous. Devant cette situation, le CST a estimé qu’il est prématuré d’aborder des questions liées à des élections sans la réalisation consensuelle des réformes institutionnelles et constitutionnelles. Aussi, déclare-t-il que sa présence à ce dialogue était par respect pour les populations togolaises qui se reconnaissent dans la lutte qu’il mène pour l’instauration de la démocratie, de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance et pour le refus du cycle infernal « élections frauduleuses-contestations- répressions sanglantes-dialogues politiques ».
Pour le CST, il convient plutôt de réunir les conditions devant ouvrir la voie à un dialogue structuré, franc et serein, qui pose les vrais problèmes tels qu’identifiés dans sa « plate forme citoyenne pour un Togo démocratique » en date du 04 Juin 2012 et qui y apporte les vraies solutions.
Il propose la mise en place d’un comité préparatoire qui conviendra des modalités du dialogue, dans ses aspects liés à la composition, au fonctionnement et aux sujets à débattre. Pour la sérénité des débats, il souhaite la présence d’un médiateur choisi consensuellement, avec l’assistance de la communauté internationale.
A la suite du CST, les responsables de la Coalition Arc-en-ciel ont claqué la porte du dialogue initié par le gouvernement. La Coalition Arc-en-ciel, un regroupement de cinq partis politiques issus des rangs de l’opposition, a rendu public tard dans la soirée du 16 novembre, un communiqué expliquant les raisons de son départ des discussions entamées par le Premier ministre avec les forces de l’opposition togolaise.
La Coalition relève que le «gouvernement RPT/Unir-UFC n’est pas du tout disposé au dialogue » et s’explique sur la question. « Sur invitation du Gouvernement, la Coalition Arc-en-ciel a pris part au dialogue ouvert ce jour, vendredi 16 novembre 2012. D’entrée, la Coalition Arc-en-ciel a fait observer qu’en limitant les discussions au seul processus électoral, le pouvoir n’a pas pris en compte les préoccupations des populations relatives aux réformes constitutionnelles et institutionnelles », souligne ce communiqué signé par Me Dodji Apévon, président de cette coalition. Celui-ci avait d’ailleurs signalé à sa sortie de la salle du dialogue qu’il n’était pas d’accord que les réformes constitutionnelles et institutionnelles soient zappées dans cette rencontre aussi cruciale.
Face à l’enlisement des débats, poursuit le communiqué, la coalition dit avoir avec le CST, « proposé la mise sur pied d’un comité préparatoire pour élaborer un agenda, convenir du cadre des discussions et réfléchir sur le choix d’un médiateur qui peut être national ». Mais, regrettent les responsables de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), du Comité d’action pour le renouveau (CAR), du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD), du Parti démocratique panafricain (PDP), l’Union des démocrates socialiste (UDS-Togo), tous membres de cette coalition, le pouvoir a opposé un refus d’élaborer un agenda prenant en compte les préoccupations soulevées par l’opposition. Devant cette situation, la Coalition Arc-en-ciel a proposé un report en début de semaine en cours pour assurer de meilleures conditions de réussite du dialogue.
La conséquence de cette « obstruction délibérément orchestrée par le pouvoir au dialogue franc et sincère que réclame l’opposition », fait savoir la coalition Arc-en-ciel à travers son communiqué, a été le retrait de ses membres pour, dit-elle, « laisser le pouvoir face à ses responsabilités ».
Par ailleurs, la coalition a lancé un appel à une « dynamique unitaire de toutes les forces démocratiques afin d’empêcher le régime de se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire ».
Le gouvernement à l’épreuve de la sincérité
Le 16 novembre dernier, alors qu’ils ont accepté de répondre favorablement à l’invitation du gouvernement et de prendre part aux discussions ouvertes avec la classe politique togolaise, les représentants des deux regroupements politiques que sont le Collectif Sauvons le Togo (CST) et la Coalition Arc-en-ciel ont claqué la porte après seulement quelques heures de débats. Après le départ des responsables du CST et Arc en ciel, les travaux se sont poursuivis comme si de rien n’était entre les membres du gouvernement, les « particules » de l’opposition et certaines organisations de la société civile acquises à la cause du pouvoir. Ils ont ensuite fait quatre propositions à savoir: l’élargissement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour permettre aux députés non inscrits de désigner deux représentants ; l’élargissement des Commissions électorales locales indépendantes (CELI) pour permettre aux députés non inscrits de désigner un représentant et aux partis politiques extra-parlementaires de désigner également un représentant supplémentaire. Ceci permettra notamment de s’assurer de la participation des partis politiques extra-parlementaires non représentés à la CENI ; le réaménagement du découpage électoral, en particulier pour tenir compte de la création de nouvelles préfectures, sans pour autant instituer de nouvelles circonscriptions électorales ; l’amélioration des procédures de dépouillement, de centralisation, de transmission et de publication des résultats provisoires des élections.
Le même communiqué du gouvernement fait état de ce que les parties prenantes au dialogue ont convenu de la nécessité de tenir les élections locales dans la foulée des élections législatives. L’organisation de ces élections locales devrait se faire sur la base du dispositif mis en place pour le scrutin législatif, notamment le fichier électoral établi à cet effet.
Les partis politiques qui sont restés autour de la table après le départ des délégations du CST et de la Coalition sont les mêmes qui ont toujours participé aux forfaitures du pouvoir.
Curieusement, le gouvernement a conclu son communiqué sur sa disponibilité et sa volonté à poursuivre les concertations sur les autres sujets liés aux réformes constitutionnelles et institutionnelles, lesquels étaient les revendications du CST et de la Coalition et qui constituaient l’un des points d’achoppement. Paradoxal, n’est-ce pas? Mais par-dessus tout, la question reste posée sur les acquis des différents dialogues que le gouvernement convoque. Hormis quelques propositions taillées sur mesures qui sont souvent brandies comme un trophée de guerre, ces dialogues sont semblables à un serpent de mer qui disparaît et réapparaît comme les atomes du soufre lors d’une combustion chimique.
Le gouvernement vient encore une fois de manifester son refus de voir le processus politique aller au bout, préoccupé à précipiter les concertations pour aller rapidement aux élections truquées d’avance.
Jean-Baptiste ATTISSO