Depardieu obtient la citoyenneté russe sur ordre de Poutine
Le président Vladimir Poutine a accordé jeudi la citoyenneté russe à Gérard Depardieu, un coup d’éclat en pleine polémique en France concernant l’exil fiscal de cet acteur, très connu en Russie et dans toute l’ex-URSS.
« Vladimir Poutine a signé un décret accordant la citoyenneté russe au Français Gérard Depardieu », a annoncé le Kremlin dans un bref communiqué, en mentionnant un article de la Constitution russe qui donne le droit au président d’accorder, selon sa volonté, la citoyenneté russe à des étrangers.
Cette décision, particulièrement rare en Russie, intervient alors que l’acteur français, interprète en 2011 de Raspoutine dans une production franco-russe, a annoncé récemment vouloir renoncer à son passeport français pour protester contre les augmentations d’impôts visant les plus riches en France.
La star de 64 ans a déjà déclaré qu’elle comptait s’installer dans un village de Belgique, un exil fiscal qui a suscité de nombreuses critiques en France, et qu’elle envisageait de prendre la nationalité belge.
En décembre, le président Poutine, soucieux de montrer que le régime fiscal en Russie, où l’impôt sur le revenu est de 13% pour tous, est intéressant pour le monde des affaires, avait annoncé être prêt à accorder un passeport à Gérard Depardieu si celui-ci le souhaitait.
« Cette promesse était fondée sur l’importante contribution de Depardieu à la culture nationale et au cinéma », a expliqué jeudi le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, à l’agence Interfax.
Interrogé par la presse, le porte-parole du gouvernement français n’a, pas souhaité commenter cette initiative.
« L’annonce de M. Poutine rend la situation plus complexe », a estimé de son côté le président de la commission belge des naturalisations, M. Georges Dallemagne.
Si l’acteur « acceptait la citoyenneté russe, il pourrait toujours faire une demande en Belgique, mais nous l’examinerions différemment. Il faudrait qu’il nous dise clairement quels sont ses projets, s’il entend résider et développer ses activités dans notre pays ».
« Le bienvenu en Tchétchénie »
Très célèbre en Russie, Depardieu apparaît régulièrement dans diverses publicités, notamment pour la banque Sovietski et pour une marque de ketchup.
Fan autoproclamé de la culture russe, en particulier de l’oeuvre de l’écrivain Dostoïevski, il a été membre du jury du festival du film de Moscou et figurait dans le parterre de stars devant lequel Vladimir Poutine, alors Premier ministre, avait entonné l’air de Blueberry Hill lors d’un concert de bienfaisance à Saint-Pétersbourg en 2010.
Mais l’acteur, connu pour ses frasques, s’est également fait remarquer pour son implication dans des projets et événements controversés dans l’ex-URSS.
En octobre dernier, il a ainsi participé à des célébrations officielles à Grozny, capitale de la Tchétchénie, au cours desquelles il avait lancé : « Gloire à la Tchétchénie, gloire à Kadyrov », en s’affichant aux côtés de Ramzan Kadyrov, numéro un de cette république, accusé de multiples exactions par les ONG de défense des droits de l’homme.
Ce dernier s’est d’ailleurs dit prêt à accueillir Depardieu dans cette république instable du Caucase.
Récemment, Depardieu a également enregistré une chanson avec Gulnara Karimova, la fille aînée du président ouzbek Islam Karimov, au pouvoir depuis 1989 et très critiqué par les Occidentaux pour son bilan en matière de droits de l’homme.
Et l’acteur devrait de surcroît jouer dans une série ouzbèke qu’elle co-écrit.
Joint par l’AFP, l’attaché de presse de Gérard Depardieu n’a pas souhaité commenter les déclarations de M. Poutine.
Dimanche, l’acteur avait annoncé que la décision du Conseil constitutionnel français de censurer la taxation à 75% des contribuables les plus aisés « ne changeait rien » à sa décision de s’installer en Belgique.
Selon les médias russes, il serait soumis au régime des 13% d’impôts sur le revenu seulement s’il résidait au moins six mois par an en Russie.
L’impôt sur ses revenus, obtenus en Russie ou à l’étranger, s’élèverait cependant à 30% s’il passait plus de six mois à l’étranger.
L’affaire faisait la Une jeudi en Russie, où les commentaires aussi bien positifs qu’ironiques se multipliaient sur la Toile.
L’ex-dissidente soviétique et militante russe Lioudmila Alexeeva a même réagi, estimant qu’il s’agissait d’une « bonne » nouvelle, mais soulignant aussi que le président devrait user de son droit d’octroyer la citoyenneté russe dans d’autres cas.
« Ma propre petite-fille, qui est née à Moscou et a les papiers le prouvant, vit depuis déjà six ans à Moscou, mais n’arrive pas à obtenir la citoyenneté russe », a-t-elle déclaré à l’agence Ria Novosti.
AFP