Déclaration de l’OMS sur la réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international concernant la flambée de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014
GENEVE, Suisse, 8 août 2014/African Press Organization (APO)/ — La première réunion du Comité d’urgence convoquée par le Directeur général au titre du Règlement sanitaire international (2005) [RSI (2005)] pour la flambée de maladie à virus en 2014 (« Ebola ») s’est tenue par téléconférence le mercredi 6 août 2014 de 13 heures à 17 h 30 et le jeudi 7 août 2014 de 13 heures à 18 h 30 (heure de l’Europe centrale).
Les membres et conseillers du Comité d’urgence se sont réunis par téléconférence les deux jours.[1] Les États Parties suivants du RSI (2005) ont participé à la séance informelle de la réunion le mercredi 6 août 2014 : Guinée, Libéria, Nigéria et Sierra Leone.
Lors de cette séance informelle, le Secrétariat de l’OMS a fait le point sur la flambée d’Ebola en Afrique de l’Ouest et donné une évaluation. Les États Parties susmentionnés ont présenté les dernières évolutions dans leurs pays, avec les mesures prises pour mettre rapidement en œuvre les stratégies de lutte, les lacunes existantes et les défis à relever pour riposter à la flambée.
Après avoir discuté et délibéré des informations présentées, le Comité a rendu l’avis suivant :
• la flambée de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest constitue un « événement extraordinaire » et un risque pour la santé publique dans d’autres États ;
• les conséquences possibles d’une poursuite de la propagation internationale sont particulièrement graves compte tenu de la virulence de ce virus, de l’intensité de la transmission au niveau communautaire et à celui des établissements de santé, ainsi que de la faiblesse des systèmes de santé dans les pays actuellement touchés et ceux les plus exposés au risque ;
• une action internationale coordonnée est jugée essentielle pour renverser la tendance et mettre un terme à la propagation internationale du virus Ebola.
Le Comité a reconnu à l’unanimité que les conditions d’une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) sont réunies.
La flambée actuelle d’Ebola a démarré en Guinée en décembre 2013. La transmission s’étend désormais à la Guinée, au Libéria, au Nigéria et à la Sierra Leone. Au 4 août 2014, ces pays avaient notifiés 1711 cas (1070 confirmés, 436 probables, 205 suspects) et 932 décès. C’est actuellement la flambée de maladie à virus Ebola la plus importante jamais enregistrée. Face à celle-ci, un certain nombre de pays exempts ont émis des avis ou des recommandations à l’intention des voyageurs.
Il ressort des présentations des États Parties et des discussions du Comité qui en ont découlé, que les pays affectés sont confrontés à plusieurs défis :
• leurs systèmes de santé sont fragiles avec des manques importants de ressources humaines, financières et matérielles, ce qui compromet leur capacité à mettre sur pied une riposte adéquate contre la flambée d’Ebola ;
• l’inexpérience pour faire face aux flambées d’Ebola ; les conceptions erronées sur cette maladie, y compris sur les modalités de transmission, sont courantes et continuent de poser un problème majeur dans certaines communautés ;
• la grande mobilité des populations et, dans plusieurs cas, les déplacements transfrontaliers de voyageurs infectés ;
• plusieurs générations de transmission se sont succédées dans les trois capitales à Conakry (Guinée) ; Monrovia (Libéria) ; et Freetown (Sierra Leone) ; et
• le nombre élevé d’infections constatées chez les agents de santé, ce qui montre bien l’insuffisance des mesures de lutte contre l’infection pratiquées dans de nombreux établissements.
Le Comité a rendu l’avis qui suit à prendre en considération par le Directeur général pour lutter contre la flambée de maladie à virus Ebola en application du RSI (2005).
États où il y a une transmission du virus Ebola
• Le chef d’État doit déclarer l’état d’urgence au niveau national ; s’adresser personnellement à la nation pour donner des informations sur la situation, indiquer les mesures prises pour combattre la flambée et le rôle crucial des communautés pour parvenir à l’endiguer rapidement ; donner un accès immédiat à un financement d’urgence pour entreprendre et maintenir les opérations de riposte ; et veiller à ce que toutes les mesures soient prises pour mobiliser et rémunérer les personnels de santé nécessaires.
• Les ministères de la santé et les autres responsables de la santé doivent, au premier chef, jouer leur rôle directeur pour coordonner et mettre en œuvre les mesures d’urgence contre le virus Ebola ; un aspect fondamental de cette action serait de rencontrer régulièrement les communautés affectées et de rendre visite aux centres de traitement.
• Les États doivent activer leurs mécanismes de gestion des situations d’urgence/de catastrophe et mettre en place un centre des opérations d’urgence, placé sous l’autorité du chef d’État, afin de coordonner l’appui de l’ensemble des partenaires, ainsi que celui des secteurs de l’information, de la sécurité, des finances et des autres domaines concernés, afin de garantir une mise en œuvre efficace et efficiente et le suivi de la lutte contre le virus Ebola dans tous ses aspects. Ces mesures doivent comprendre la lutte contre l’infection et la prévention, la sensibilisation des communautés, la surveillance, l’exactitude des tests de diagnostic en laboratoire, la recherche et le suivi des contacts, la prise en charge des cas, ainsi que la communication rapide d’informations précises entre les pays. Dans toutes les zones infectées ou à haut risque, des dispositions similaires doivent être prises au niveau des États ou des provinces, ainsi qu’au niveau local, pour garantir une étroite coordination entre tous les niveaux.
• En faisant appel aux responsables locaux, religieux, traditionnels et aux tradipraticiens, les États doivent consentir un effort soutenu et de grande ampleur pour que les communautés soient pleinement engagées et jouent un rôle central dans l’identification des cas, la recherche des contacts et l’éducation sur le risque ; il faut que la population connaisse bien les avantages du traitement précoce.
• Il est essentiel d’établir de puissantes voies d’approvisionnement pour garantir la disponibilité des fournitures médicales en quantité suffisante, notamment des équipements de protection individuelle (EPI) pour ceux qui en ont besoin, c’est-à-dire les agents de santé, les techniciens de laboratoire, les personnels de nettoyage, les personnels chargés des obsèques et tous ceux qui sont susceptibles d’être en contact avec des sujets infectés et des matériels ou matières contaminés.
• Dans les zones de transmission intense (par exemple la zone frontalière de la Sierra Leone, de la Guinée et du Libéria), la dispensation de soins cliniques de qualité, un appui psychosocial et la fourniture de matériel aux populations affectées doivent servir de base fondamentale pour réduire les déplacements de personnes, mais des mesures supplémentaires extraordinaires, comme la quarantaine, devraient être prises si elles sont jugées nécessaires.
• Les États doivent veiller à ce que les agents de santé bénéficient : de mesures suffisantes pour assurer leur sécurité et leur protection ; du paiement en temps voulu de leurs salaires et, le cas échéant, du versement de primes de risque ; d’une formation et d’une éducation suffisantes sur les mesures de lutte contre l’infection et de prévention, y compris l’usage correct des EPI.
• Les États doivent veiller à ce que : les centres de traitements et les laboratoires fiables de diagnostic soient situés aussi près que possible des zones de transmission ; ces établissements aient assez d’employés bien formés et disposent de matériel et de fournitures en quantité suffisante pour la charge de travail ; des mesures suffisantes soient prises pour assurer la sécurité du personnel et réduire le plus possible les risques de sortie prématurée des patients des centres de traitement ; et les mesures de lutte contre l’infection et de prévention soient régulièrement rappelées au personnel avec une surveillance pour garantir qu’elles soient bien respectées.
• Les États doivent instituer un dépistage au départ de tous les passagers dans les aéroports internationaux, les ports et aux principaux points de passage des frontières terrestres pour mettre en évidence toute affection fébrile inexpliquée pouvant correspondre à une infection à virus Ebola. Ce dépistage doit comporter au minimum un questionnaire, une mesure de la température et, en cas de fièvre, une évaluation du risque que celle-ci soit due à la maladie à virus Ebola. Toute personne présentant une maladie pouvant correspondre à une infection à virus Ebola ne doit pas être autorisée à partir sauf si le voyage a lieu dans le cadre d’une évaluation médicale en bonne et due forme.
• Aucun cas d’infection à virus Ebola et aucun contact ne doit faire de voyages internationaux, sauf dans le cadre d’une évacuation médicale en bonne et due forme. Pour réduire le plus possible le risque de propagation internationale de la maladie à virus Ebola :
o les cas confirmés doivent être isolés immédiatement et traités dans un centre de traitement spécialisé, avec interdiction de tout déplacement national ou voyage international jusqu’à ce que deux tests spécifiques de diagnostic du virus Ebola n’aient été fait à 48 heures d’intervalle avec des résultats négatifs ;
o les contacts (à l’exclusion des agents de santé et des personnels de laboratoire correctement protégés qui n’ont pas eu d’exposition sans protection) doivent être contrôlés chaque jour jusqu’à 21 jours après l’exposition ; pendant cette période, leurs déplacements nationaux seront limités et ils ne pourront faire aucun voyage international ;
o les cas probables et suspects doivent être isolés immédiatement et leurs déplacements seront limités en fonction de leur classification comme cas confirmés ou comme contacts.
• Pour réduire le risque infectieux, les États doivent veiller à ce que les obsèques et les enterrements soient faits par du personnel bien formé, en prenant les dispositions nécessaires pour autoriser la présence de la famille et respecter les coutumes culturelles, conformément à la réglementation sanitaire nationale. Le transport transfrontalier des corps des cas suspects, probables ou confirmés qui sont décédés doit être interdit, sauf autorisation conforme aux dispositions internationales reconnues en matière de sécurité biologique.
• Les États doivent veiller à ce que les équipages et personnels des compagnies aériennes travaillant dans le pays aient accès aux soins médicaux appropriés, à collaborer avec elles pour faciliter et harmoniser les communications et la prise en charge des passagers symptomatiques, en application du RSI (2005), à prendre les dispositions pour la recherche des contacts si nécessaire et à se servir, le cas échéant, des fiches de localisation des passagers.
• Les États où il y a une transmission de la maladie à virus Ebola doivent envisager de différer tout rassemblement de masse jusqu’à ce que celle-ci ait été interrompue.
États avec un cas potentiel ou confirmé d’Ebola et États qui ne sont pas touchés mais qui ont des frontières terrestres avec des États affectés
• Les États exempts qui ont des frontières terrestres avec des États limitrophes où il y a une transmission du virus Ebola doivent mettre en place d’urgence une surveillance des groupes de cas de fièvre ou de décès inexpliqués dus à une affection fébrile ; instituer l’accès à des laboratoires qualifiés pour le diagnostic de la maladie à virus Ebola ; veiller à ce que les agents de santé connaissent les procédures de lutte contre l’infection et de prévention et soient formés à les appliquer ; et établir des équipes d’intervention rapide ayant la capacité d’enquêter sur les cas de maladie à virus Ebola, leurs contacts et de les prendre en charge.
• Tout État venant de détecter un cas suspect ou confirmé d’Ebola, un contact ou des regroupements de décès inexpliqués dus à une affection fébrile, doit considérer qu’il fait face à une urgence sanitaire, prendre des mesures immédiates dans les 24 heures pour enquêter et endiguer une flambée potentielle de maladie à virus Ebola, en instituant la prise en charge des cas, en posant un diagnostic définitif et en entreprenant la recherche et le suivi des contacts.
• Si la transmission du virus Ebola est confirmée dans l’État en question, l’ensemble des recommandations pour les États où il y a une transmission du virus Ebola doivent être appliquées, au niveau national ou infranational, selon le contexte épidémiologique et la situation du risque.
Tous les États
• Il ne doit pas y avoir d’interdiction générale appliquée aux voyages ou au commerce ; les restrictions décrites dans les présentes recommandations pour les déplacements des cas de maladie à virus Ebola et des contacts doivent être appliquées.
• Les États doivent fournir aux voyageurs à destination des zones affectées par Ebola et des zones à risque des informations pertinentes sur les risques, les mesures pour réduire ceux‑ci le plus possible et des conseils pour gérer une exposition potentielle.
• Les États doivent se préparer à détecter, à prendre en charge des cas d’Ebola et à procéder aux investigations nécessaires ; cela comporte un accès garanti à un laboratoire de diagnostic qualifié et, le cas échéant, la capacité de prendre en charge les voyageurs qui viennent de zones où l’on sait que l’infection à virus Ebola est présente et qui arrivent avec une affection fébrile inexpliquée aux aéroports internationaux ou aux principaux points de passage des frontières terrestres.
• Il faut donner au grand public des informations exactes et pertinentes sur la flambée d’Ebola et les mesures prises pour réduire le risque d’exposition.
• Les États doivent se préparer à faciliter l’évacuation et le rapatriement de leurs ressortissants nationaux (agents de santé, par exemple) qui ont été exposés au virus Ebola.
Le Comité a souligné l’importance de l’aide continue de l’OMS et d’autres partenaires nationaux et internationaux pour la mise en place efficace et le suivi de ces recommandations.
Se fondant sur cet avis, sur les rapports des États Parties affectés et sur les informations actuellement disponibles, le Directeur général a accepté l’évaluation du Comité et a déclaré le 8 août 2014 que la flambée de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest constitue une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Le Directeur général a approuvé l’avis du Comité et en a publié les recommandations temporaires, au titre du RSI (2005), pour diminuer la propagation internationale du virus Ebola, applicables à compter du 8 août 2014. Le Directeur général a remercié les membres et les conseilleurs du Comité pour leur avis et leur a demandé une réévaluation de la situation d’ici trois mois.