Dans tous les pays, une rencontre avec le président de la République est une occasion en or que le citoyen ordinaire exploite à fond, à plus forte raison, si on est garant d’une institution. Hier, les chefs traditionnels du Togo et les préfets ont tenu une rencontre à la nouvelle présidence. La presse évoque une sortie de Faure Gnassingbé sur la question de la décentralisation et des élections locales. Mais malheureusement la rencontre avec le Chef de l’Etat a un gout amer. Les partenaires en décentralisation sont repartis, déçus, frustrés et très fâchés. Ils ont été malmenés et humiliés.
La convocation à la hussarde des garants des us et coutumes était un premier problème de la rencontre d’hier. C’est lundi dernier, la veille seulement, que les représentants du pouvoir centralisé et les chefs traditionnels ont été conviés à se présenter illico presto à la présidence de la république pour rencontrer le chef de l’Etat.
Malgré leurs différentes occupations, ceux-ci ont abandonnés leurs programmes pour répondre à la rencontre. Des chefs se sont déplacés sur une distance de 15 à 600km. C’est-à-dire de Lomé à Dapaong. Naturellement, cela avait un cout financier, surtout qu’ils ne fonctionnent sur aucun budget de l’Etat.
Ils ont attendu pendant longtemps avant que le Chef cde l’Etat n’arrive. Ironie du sort, Faure Gnassingbé est resté debout devant les garants des us et coutumes pour leur délivrer un message avant d’ouvrir le débat.
Premier couac : le président de la République, une fois son discours terminé n’a plus attendu pour écouter ses interlocuteurs. Il est reparti aussitôt, abandonnant les vénérés chefs aux soins du Ministre Payadowa Boukpessi et de Kpabré. Ceux-ci n’étaient plus dans la même gamme que le chef de l’Etat et le reste de la partie à été des échanges non fructueux, les mandataires n’ayant pas les bonnes réponses aux questions et aux préoccupations réelles des chefs. Les garants des us et coutumes ont pris cela comme du mépris et du manque de respect à leur égard.
Deuxième couac, après la rencontre qui a duré plus de trois heures ou certains chefs ont effectué le déplacement sur des centaines de kilomètres, aucune collation n’était prévue. Pour une rencontre avec le chef de l’Etat, le minimum est qu’on prévoie ne serait-ce que des sandwiches et des cannettes de boissons pour permettre aux hôtes d’étancher leur soif. Rien du tout. Les chefs et les préfets sont repartis la langue pendante ; assoiffés et affamés. Cela, certains ne l’ont pas digéré et l’ont pris comme une moquerie et une humiliation à leur endroit. Alors que d’habitude, les moindres rencontres au même lieu et dans les mêmes conditions avec les ministres et autres personnalités donnaient lieu à de la vraie bombance, avec du vin et du lait, du champagne, de la viande à gogo que les invités consomment sans modération.
Troisième couac, pour bien se moquer d’eux, préfets et chefs à la fin de la rencontre ont été soumis à ce jeu de la queue comparables à des réfugiés qui défilent à la queue leu leu pour prendre leur ration. Cette file n’était pas pour manger mais pour émarger et toucher des jetons de présence. Le montant est minable : 60 000 FCFA soit environ 90 euros pour des gens qui ont parcouru à leurs frais des distances de centaines de kilomètres. Certains chefs et préfets ont fait cadeau de cette minable somme à la sortie de la rencontre.
C’est sûr, le Chef de l’Etat n’est sans doute pas au courant de cette pagaille organisée. Sinon, l’approche participative en décentralisation recommande l’autorité politique d’aller vers les populations et les représentants locaux pour les écouter. Ici, c’est le sens contraire qui a été observé, le tout meublé de moquerie, de mépris et d’humiliation.
La rencontre du jour, avec ces différents couacs est un mauvais départ pour le processus de la décentralisation. Cela confirme le fait que le chef de l’Etat déclare que les populations manquent d’intérêt pour la chose locale. C’est justement ces actes qui attisent ce désintérêt et cette démotivation.
Ceux qui ont organisé cette pagaille se reconnaissent et doivent œuvrer à rectifier le tir pour créer un climat de confiance et de sérénité entre le Chef de l’Etat et les autorités coutumières.
Il faut donc à l’avenir éviter de soumettre les garants des us et de coutumes à ces traitements cruels, inhumais et dégradants.
Carlos KETOHOU