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Centrafrique : Libération d’Abdoulaye Miskine contre otages, les arrangements de l’impunité

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PARIS, France, 9 décembre 2014/African Press Organization (APO)/ — Le 27 novembre 2014, le chef de guerre tchado-centrafricain Abdoulaye Miskine a été libéré par les autorités camerounaises, probablement en échanges de 26 otages qui avaient été kidnappés par les hommes de Miskine pour protester contre sa détention au Cameroun depuis septembre 2013. Si nos organisations se félicitent de la libération des otages, elles condamnent le traitement réservé à un seigneur de guerre présumé impliqué dans des crimes internationaux documentés par la FIDH depuis 2003 et demandent qu’ils répondent de ces actes devant la justice nationale ou la Cour pénale internationale.

Abdoulaye Miskine de son vrai nom Martin Koumtamadji, chef du groupe armé centrafricain du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) a été libéré par les autorités camerounaises et embarqué dans l’avion du président congolais et médiateur de la crise centrafricaine Denis Sassou Nguesso puis reçu par ce dernier à Brazzaville. Abdoulaye Miskine était incarcéré au Cameroun depuis le 16 septembre 2013, étant suspecté d’avoir préparé des attaques contre des villages sur le territoire camerounais.

Cette libération intervient au lendemain de celles d’au moins 26 otages capturés par les hommes d’Abdoulaye Miskine au cours d’attaques de plusieurs villages en Centrafrique et au Cameroun. Parmi les personnes libérées le 26 octobre figurent 15 otages de nationalité camerounaise, 10 otages centrafricains remis au Comité international de la Croix-Rouge le 29 novembre et un prêtre polonais, Mateusz Dziedzic, enlevé le 12 octobre 2014 à la mission catholique de Baboua dans l’ouest de la République centrafricaine. Les autorités camerounaises ont affirmé avoir mené une « opération militaire » ayant permis de libérer les otages et réfutent tout accord d’échange de prisonniers, sans être en capacité d’expliquer les raisons de la libération d’Abdoulaye Miskine, ni sa concomitance avec celle des otages.

« La libération d’Abdoulaye Miskine et son accueil à Brazzaville démontrent comment s’est construite l’impunité en Centrafrique. Tant pour les crimes commis en 2013 que pour ceux perpétrés depuis 2002, Abdoulaye Miskine devrait répondre de ces actes devant la justice nationale ou internationale » a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’Honneur et Responsable du Groupe d’Action Judiciaire de la FIDH.

Cet épisode supplémentaire de l’histoire de l’impunité en Centrafrique doit renforcer la conviction des autorités centrafricaines, des Nations unies et de l’ensemble de la communauté internationale de renforcer les moyens et l’action de la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI), chargée d’enquêter et de traduire devant la justice centrafricaine les auteurs des violations graves des droits humains ; ainsi que de hâter l’adoption d’une loi instaurant la future Cour criminelle spéciale (CCS).

Aboudlaye Miskine est suspecté d’être responsable de crimes parmi les plus graves perpétrés en Centrafrique cette dernière décennie, documentés par la FIDH dans ses rapports depuis 2002.

Alliance Togo Informatique

Rappel

De 2001 à 2003 sous le régime du président Ange-Félix Patassé, Abdoulaye Miskine, dirige, l’Unité de la sécurité présidentielle (USP), composée de mercenaires tchadiens, armée et formée par la Libye. A la tête de l’USP, il combat les rebelles de Bozizé aux côtés des milices congolaises (RDC) de Jean-Pierre Bemba. Le rapport d’une enquête menée par la FIDH et la LCDH en 2002 « Crimes de guerre en Centrafrique : quand les éléphants se battent c’est l’herbe qui trinque », avait notamment attribué à l’USP, sous la direction d’Abdoulaye Miskine, la responsabilité présumée d’une série de massacres perpétrés au marché à bétail de PK12 à Bangui fin octobre 2002.

Face à l’ampleur des crimes commis en Centrafrique en 2002 et 2003, la Cour pénale internationale (CPI) avait finalement ouvert une enquête le 22 mai 2007, aboutissant en mai 2008 à l’arrestation puis à l’inculpation de Jean-Pierre Bemba. Dès novembre 2009, la FIDH avait regretté que plusieurs responsables présumés des crimes les plus graves n’aient pas été inquiétés devant la CPI, dont notamment Abdoulaye Miskine et avait demandé la délivrance d’autres mandats d’arrêt à son encontre.

Après la prise de pouvoir de Bozizé, le 15 mars 2003, Abdoulaye Miskine entre en rébellion et fonde le Front démocratique du peuple centrafricain (FPDC). De 2007 à 2009, Miskine n’étant pas inquiété par la justice, le FDPC signe un certain nombre d’accords avec le régime de Bozizé, qu’il s’emploie à rompre régulièrement, et à passer toutes sortes d’alliances. À l’automne 2012, il rejoint la coalition Séléka aux côtés des autres groupes armés pour le renversement de l’ancien président François Bozizé. Juste avant la conquête de Bangui, en mars 2013, le FDPC quitte officiellement l’« Alliance-Séléka » et des combats opposant la Séléka et le FDPC éclatent dans lesquels Miskine est blessé, son bras droit tué, et au cours desquels le FDPC aurait « perdu beaucoup d’hommes » selon Miskine lui-même.

Il semble alors changer d’alliance pour rejoindre des groupes anti-Séléka quitte à s’allier avec l’ancien chef de la sécurité de Patassé, Armel Sayo et son groupe armé, voir même avec des groupes armés pro-Bozizé. Tel que relaté dans leur dernier rapport d’enquête de 2014, Centrafrique : « ils doivent tous partir ou mourir » la FIDH, la LCDH et l’OCDH ont recueilli des éléments démontrant que les forces d’Abdoulaye Miskine ont continué à mener des nombreuses attaques contre les villages situés près de la frontière entre la Centrafrique et le Cameroun au cours desquelles les éléments de Miskine auraient perpétrés de très nombreuses exactions contre les populations civiles notamment des exécutions sommaires, des viols et des pillages.

Le 16 septembre 2013, il est arrêté au Cameroun dans la ville de Bertoua, par la Direction de la surveillance du territoire (DST). A cette époque, le gouvernement de la Séléka « n’ayant aucun mandat d’arrêt émis à l’encontre d’Abdoulaye Miskine », il n’est pas formellement inculpé par les autorités camerounaises.

Le 13 mai 2014, le président des États-Unis, Barack Obama, avait signé un décret imposant des sanctions à l’encontre des anciens présidents centrafricains François Bozizé et Michel Djotodia, ainsi que contre trois autres responsables des Séléka et des anti-balaka, accusés par la Maison Blanche d’alimenter la violence en République centrafricaine parmi lesquels figurait Abdoulaye Miskine.

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