BIEN MAL ACQUIS:Karim Wade arrêté, les pilleurs autour de Faure sur la sellette…
Il y a un an à peine, il était encore le « tout-puissant ministre du ciel et de la terre » du Sénégal. Karim Wade a été ainsi surnommé parce qu’il lui avait été confié un portefeuille ministériel atypique : le ministère de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie. Il aspirait à marcher dans les pas de son président de père, Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, le fils de l’ancien président sénégalais s’est enfoncé dans les abîmes. Depuis la semaine dernière, il a été arrêté, inculpé et emprisonné à Dakar pour « enrichissement illicite ». Karim Wade voit ainsi s’envoler son rêve de faire un retour fracassant sur la scène politique sénégalaise. Mais il n’est pas le seul. Comme lui, les enfants et proches de chefs d’Etat africains qui s’enrichissent de manière illicite se comptent par centaine. Et ils le font en toute impunité.
Karim Wade en prison ? Personne ne pouvait le croire il y a encore un peu plus d’un an, au moment où il était le « tout puissant ministre du ciel et de la terre ». Et pourtant c’est vrai. Karim a bel et bien été emprisonné.
Evaluée à 700 milliards de francs CFA, sa rocambolesque fortune a intrigué la justice sénégalaise. Mis en demeure le 15 mars 2013, après une audition par la Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), le fils du président Wade a été sommé de justifier dans un délai d’un mois l’origine de ses avoirs ainsi que de ses biens (voitures, propriétés immobilières) et de ses comptes bancaires. Mais les arguments apportés par Karim Wade n’ont pas suffi à convaincre la justice sénégalaise. Elle a estimé ne pas être convaincu de la pertinence des explications fournies par celui-ci sur l’origine de sa fortune et a évoqué une « véritable ingénierie financière frauduleuse faite de « montages complexes » et de « sociétés à tiroirs ». Argument suffisant pour mettre en taule celui qui se voyait président en remplacement de son père avec six autres personnes. Selon la presse locale, ce sont des complices de Karim Wade, notamment son ancien conseiller en communication, un homme d’affaires, un responsable d’une société aéroportuaire d’assistance au sol et un expert-comptable. Ils sont tous accusé d’ « enrichissement illicite ».
Décision injuste, rétorquent les avocats de l’accusé. Pour eux, ce qu’on reproche à Karim Wade n’est que pur mensonge et gros montage. Selon l’un des avocats, l’élément de preuve de l’innocence de Karim Wade est composé de 3000 pièces. Des preuves que le procureur de la CREI n’a mis qu’une heure pour examiner. Ce qui est impossible. Il en conclut que le Procureur n’a pas examiné l’ensemble des documents et estime que l’arrestation de son client est illégale et programmée à l’avance. « Parmi les biens qu’on lui attribue, il y a même des terrains immatriculés au nom de l’Etat. Aucun des biens attribués à Karim ne lui appartient », a laissé entendre un autre des avocats du principal accusé qui ajoute que Karim Wade est en train de faire les frais de sa filiation avec Abdoulaye Wade.
Par ailleurs, les avocats du fils Wade se sont plaints que leur client ait été empêché d’aller à l’extérieur pour organiser sa défense. Puisque Karim Wade est depuis novembre 2012 interdit de sortie du territoire sénégalais. Il est aussi visé par une enquête en France à la suite d’une plainte de l’Etat du Sénégal pour recel de détournement de fonds publics, recel d’abus de biens sociaux et corruption.
Plusieurs anciens barons du régime Wade, dont d’anciens directeurs de sociétés, ont été emprisonnés ces derniers mois dans le cadre des enquêtes sur l’enrichissement illicite déclenchée par le régime de Macky Sall. Une « chasse aux sorcières », selon le PDS.
Ces enfants et proches de présidents qui volent l’argent de l’Etat !!
Chasse aux sorcières, règlement de compte ou revanche ? Seuls les acteurs concernés par l’affaire Karim Wade pourront le savoir. Mais toujours est-il qu’en Afrique, les cas d’ « enrichissement illicite » concernant les chefs d’Etat et leurs enfants et autres proches sont légions. Et la plupart du temps, l’argent dont ils se servent pour s’enrichir frauduleusement est puisé dans les comptes de l’Etat.
Sinon, comment expliquer que la plupart des dictateurs africains et leurs proches soient des milliardaires alors qu’officiellement, le salaire mensuel d’un grand nombre de présidents ne dépasse guère 40.000 Euros, soit 26 millions de Fcfa. C’est la preuve que non seulement les chefs d’Etat eux-mêmes volent, mais aussi volent pour leurs enfants et petits enfants, femmes, neveu, nièces etc.
Quelques exemples. En janvier dernier, le magazine Forbes a annoncé qu’Isabel dos Santos, fille aînée du chef de l’Etat angolais, José Eduardo dos Santos, est la première femme africaine milliardaire en dollars.
Selon ce magazine, Isabel dos Santos a augmenté ces dernières années ses participations dans des entreprises portugaises, notamment une banque et une société de télécommunications. (…) Ces participations, poursuit Forbes, ajoutées aux actifs qu’Isabel dos Santos détient en Angola, permettent d’estimer que sa fortune personnelle dépasse maintenant le milliard de dollars. Le magazine va plus en profondeur en indiquant qu’Isabel dos Santos détient au Portugal 28,8% du capital de ZON Multimédia, la plus grande société de télévision câblée portugaise et 19,5% de la banque portugaise BPI. En Angola, elle possède 25% de la banque BIC et 25% d’Unitel, l’une des deux sociétés de téléphonie du pays. De quoi donner le tournis et se poser la question de savoir où a-t-elle trouvé de l’argent pour faire tous ces investissements. Conclusion logique, il se peut qu’elle ait puisé dans les caisses de l’Etat d’Angola que son père dirige sans partage de mains de maître depuis près de 40 ans.
En 2007, une enquête policière ouverte par le parquet de Paris sur le patrimoine en France de certains chefs d’Etat africains a donné des résultats incroyables. L’enquête faisait suite à une
plainte pour « recel de détournement d’argent public » déposée par trois associations françaises, visant cinq chefs d’Etat africains à savoir le Gabonais Omar Bongo Ondimba, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Burkinabé Blaise Compaoré, l’Angolais José Eduardo Dos Santos et l’equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema.
Les enquêtes ont révélé un foisonnement de patrimoine immobilier situé dans des quartiers à forte valeur marchande. Paris 16ème, 8ème et 7ème arrondissements pour Omar Bongo et son
épouse, Paris 16ème et Neuilly-sur-Seine pour Jeff Bongo, un des fils d’Omar Bongo, Le Vésinet pour le frère de Denis Sassou Nguesso, Courbevoie pour Wilfrid Nguesso, neveu du président du Congo, ou Paris 16ème pour Chantal Compaoré, épouse du président burkinabé.
La découverte la plus spectaculaire se situe entre les Champs-Elysées et la plaine Monceau, dans le 8ème arrondissement de la capitale française. Là, un hôtel particulier a été acquis le 15 juin 2007 pour la somme de 18,875 millions d’euros par une société civile immobilière (SCI). Celle-ci associe deux enfants du président gabonais, Omar Denis, 13 ans, et Yacine Queenie, 16ans, son épouse Edith (décédée) qui était la fille du président congolais Denis Sassou Nguesso, et un neveu de ce dernier, Edgar Nguesso, 40 ans.
Au total, sont répertoriés 33 biens (appartements, hôtel particulier et maisons) appartenant au Gabonais Omar Bongo ou à sa famille, et 18 autres dont le président congolais et ses proches sont propriétaires. Selon les policiers, le président Bongo dispose de quatre adresses distinctes à Paris. Ali Bongo, qui est l’actuel président du Gabon, est également propriétaire avenue Foch.
En comparaison de ce petit empire immobilier, les autres chefs d’Etat visés apparaissent comme de petits propriétaires. Discret, le président congolais Denis Sassou Nguesso ne fait qu’ »utiliser », selon les policiers, la Villa Suzette duVésinet (Yvelines). Cette coquette demeure de 485 m2 était juridiquement la propriété de son frère Valentin, jusqu’à ce que,
quelques semaines avant le décès de ce dernier à la fin 2004, elle soit cédée à une société de droit luxembourgeois aux actionnaires anonymes.
Les enquêteurs ont également répertorié un appartement de 9 pièces acheté à Paris en 2007 pour 247.0000 euros par l’épouse du président congolais Antoinette Sassou Nguesso. Ils mentionnent aussi le logement de 10 pièces à 1.600.000 euros acquis en 2005 à Paris par leur fils Denis Christel, ainsi que l’hôtel particulier de 7 pièces avec piscine intérieure à Neuilly-sur-Seine acheté 3,15 millions d’euros en 2006 par Julienne, leur fille cadette. Edgar Nguesso, neveu deu président Sassou Nguesso, ne possède pas moins de 12 comptes dont 7 courants. Mais aucun n’apparaît au nom de son oncle, le président du Congo.
Les mêmes policiers ont découvert que la déclaration d’impôt sur la fortune de Chantal, l’épouse de ce dernier, a montré qu’elle possède deux biens immobiliers à titre personnel dans le 16ème arrondissement. Dans le même quartier, le président équato-guinéen Teodoro
Obiang Nguema est propriétaire d’un appartement. Son fils a, lui, acheté au total en France une quinzaine de véhicules pour un montant estimé de plus de 5,7 millions d’euros.
Officiellement, le salaire mensuel versé par l’Etat gabonais au président Omar Bongo de son vivant selimite à 14.940 euros. Son fils Ben, actuel président, doit gagner probablement la même chose. Celui du président Sassou Nguesso est de 30.000 euros comme
l’indiquent certaines sources. Quant au fils du président équato-guinéen cité dans les enquêtes, son salaire de ministre de l’Agriculture et des Forêts de son pays ne dépasse guère officiellement 5.000 dollars (3.400euros) par mois. Comment toutes ces personnes ont-elles trouvé le moyen d’avoir de tels biens en Europe ? Voila de quoi prouver qu’ils les ont acquis grâce aux détournements des fonds de leurs pays. Des biens mal acquis, pour tout dire.
Biens mal acquis, et le Togo ?
Au Togo, il est difficile de savoir les biens mal acquis dont disposent les enfants de feu Gnassingbé Eyadéma, biens à eux légués par leur géniteur. Mais sachant qu’Eyadéma a régné en tout et pour tout 38 ans sans partage et dans une situation de corruption générale, il y a de quoi penser que cette fortune serait colossale. Le magazine américain Forbes susmentionné qui classe les grandes fortunes mondiales s’y est en tout cas essayé. Il a évalué la fortune d’Eyadèma à 4,5 milliards de dollars US, soit 3.150 milliards de francs CFA. Cette somme, d’après le magazine, est mise sur des comptes numérotés, planquée dans des paradis fiscaux sous divers noms pour éviter leur gel en cas de sanctions contre le régime. Probablement qu’elle a augmenté aujourd’hui. Vu que depuis la mort d’Eyadéma en 2005 et son remplacement par son fils, le taux de corruption a nettement augmenté de même que les enrichissements illicites. Aujourd’hui, les fils de Gnassingbé et les proches de Faure Gnassingbé seraient en train de penser que ce qui arrive a Karim Wade, ne les concerne pas. Mais ils oublient que tôt ou tard l’histoire donnera des armes à la justice d’évaluer les biens mal acquis de ces personnes qui pillent l’économie et de les faire répondre de leuirs crimes économiques. Ministres, directeurs de sociétés, amies, maîtresses et autres proches du pouvoir togolais devraient commencer à réfléchir à leur avenir. Les biens de l’Etat reviendront à l’Etat.
Rodolph TOMEGAH