La direction de la Société Sprukfield (entreprise d’origine indienne de fabrication de produits pharmaceutiques installée en Zone franche) a décidément les oreilles très dures. En dépit de son engagement de réintégrer ses anciens employés licenciés abusivement depuis novembre 2010, suite à un accord signé le 27 mai 2011, rien n’a été fait jusqu’alors. Les employés licenciés sont toujours au chômage et croupissent dans la misère. Tout ceci, avec la complicité du gouvernement qui a décidé de laisser Sprukfield brimer allégrement et en toute impunité les droits de pauvres citoyens togolais.
« Ça fait deux ans que nous sommes au chômage et que nous ne trouvons rien à faire. Alors que nous avons des gens à nourrir. Notre ancien patron refuse de nous réintégrer et pire, il a fait en sorte qu’aucune autre société de la Zone franche ne nous recrute. A chaque fois qu’on dépose nos dossiers quelque part et qu’on remarque que nous sommes des ex-employés de Sprukfield, on nous taxe de grévistes et on rejette le dossier. Nous n’en pouvons plus ». Voilà le cri d’alarme lancé par un employé licencié de la société indienne au cours d’une conférence de presse organisée dimanche dernier à Lomé.
En effet, en novembre 2010, 120 employés de l’entreprise Sprukfield ont été licenciés suite à une grève qu’ils ont initiée et observée en toute légalité pour revendiquer le respect des droits les plus élémentaires à eux reconnus par les textes en vigueur notamment : l’élection des délégués du personnel ; la jouissance des congés annuels et des congés de maternité pour les femmes ; le payement des heures supplémentaires ; la signature d’un contrat de travail en bonne et due forme ou encore la déclaration à la Caisse nationale de sécurité sociale.
La campagne de dénonciation de cette violation des droits des travailleurs a abouti le 27 mai 2011 à un accord de réintégration progressive de tous les travailleurs à partir du mois de juin 2011. De plus, la direction de Sprukfield s’est engagée à satisfaire les légitimes doléances des employés licenciés relatives essentiellement aux conditions de travail au sein de l’entreprise.
Mais, aujourd’hui, 18 mois après la signature de cet accord, le bilan en ce qui concerne le processus de réintégration est très mitigé, voire négatif.
« En effet, à ce jour, sur les 120 travailleurs licenciés, seulement 12 ont été repris avec des situations très difficiles. Sur les 12, 2 ont démissionné sans être remplacés et 2 ont été mis en congé technique illimité. Fort étonnant et d’après une enquête sur les mouvements de recrutement au niveau de Sprukfield entre novembre 2010 et février 2012, on note le recrutement de 39 nouveaux travailleurs. Ce qui dit tout sur la mauvaise foi de la direction de cette société », Hessikoma Kaman, porte-parole du Collectif des syndicats de la zone franche togolaise (Cosyntrazoft). Et d’ajouter que les conditions actuelles de travail au sein de l’entreprise sont tout aussi précaires qu’avant. Contrats de travail illégaux, non respect du SMIG, entrave à la liberté de réunion, inexistence d’infirmerie etc.
Eu égard à tout cela, les organisations de défense des droits des travailleurs parmi lesquelles la Confédération Syndicale des Travailleurs du Togo (CSTT) et l’Ong Solidarité Action pour le Développement Durable (SADD) estiment que cette attitude de la direction de Sprukfield constitue une remise en cause de la politique du travail décent du gouvernement.
Face à cette situation, les syndicats des travailleurs de la zone franche de même que leurs partenaires exigent la réintégration de tous les employés licenciés par Sprukfield et la prise en compte de leurs légitimes revendications les ayant conduites à la grève.
Si ces préoccupations ne sont pas prises en compte, ils menacent d’entreprendre des recours légaux pour le respect des droits des travailleurs comme le prévoit la convention collective sectorielle de la zone franche qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Les situations comme celle que vivent les employés licenciés de Sprukfield sont légions au Togo. Ainsi, il n’est pas rare de voir des chefs d’entreprise expatriés traiter des Togolais qui travaillent dans leurs sociétés presque comme des animaux.
Malheureusement, ils le font le plus souvent en toute impunité puisqu’ayant l’aval et le soutien de certaines autorités en place qu’ils corrompent à coups de millions de Fcfa. Sinon, comment expliquer que le directeur de Sprukfield puisse se prévaloir de son amitié avec le chef de l’Etat pour se comporter comme il le désire, au mépris des textes qui régissent le travail au Togo. Dans ce dossier, le silence des autorités est la preuve qu’ils ont fait leur choix : il préfère être dans le camp de Sprukfield plutôt que défendre leurs compatriotes maltraités.
Rodolph TOMEGAH