Le Président du Rassemblement pour le soutien à la démocratie et au développement (RSDD), Harry Octavianus Olympio depuis son exil sort de son mutisme. Dans cette interview, il évoque son retour imminent au pays pour mener le combat politique au côté de ses camarades de l’opposition. Il invite Faure Gnassingbé à libérer son demi-frère Kpatcha à cesser le matraquage des opposants politiques dans l’affaire des incendies. Il convie les autorités togolaises à initier un dialogue incluant les compétences internes et externes et à mettre fin à la supercherie. Il souhaite que Faure Gnassingbé se retire en 2015 au nom de la sagesse et de la préservation de la paix sociale.
Monsieur Harry Octavianus OLYMPIO, bonjour
Bonjour cher ami
Ça fait sept ans que vous avez quitté le pays pour des raisons politiques et du coup vos compatriotes n’ont plus de vos nouvelles. Qu’est-ce que vous êtes devenus et où êtes- vous monsieur le Président ?
Ecoutez, effectivement il y a un petit moment que je ne suis parti du pays mais ce qu’il faut retenir, comme on dit loin des yeux, près du cœur. Mon cœur est toujours près du Togo, des Togolais. Moi-même je vais très bien, merci. Le plus important pour moi c’est de me préparer à rentrer au pays.
On se rappelle qu’à l’époque notamment en 2006, vous étiez accusés de vouloir attaquer au cocktail Molotov une unité de forces de sécurité et un mandat d’arrêt international a été délivré contre vous. Pourquoi vous avez voulu déstabiliser le pays à l’époque?
Ecoutez! Je suis au courant qu’il y a eu un mandat d’arrêt international qui a été lancé contre moi pendant que je constate que je voyage à travers plusieurs pays dans le monde sans aucun souci.
Il se racontait à l’époque que c’est demi-frère du Chef de l’Etat, Kpatcha Gnassingbé qui était personnellement à vos trousses. Ce dernier, trois ans après votre exil est impliqué dans une affaire de coup d’Etat. Vous étiez ravi on inquiet ?
Ecoutez, ce que moi je souhaite pour frère et ami Kpatcha, c’est qu’il soit libéré au plus tôt. Au-delà de la simple libération de Kpatcha Gnassingbé, il faut retenir ce qui est important, ce que tous les détenus politiques qui se trouvent encore dans les prisons togolaises soient libérés dans le cadre d’une véritable réconciliation nationale. Il ne s’agit pas seulement les détenus politiques, il faut penser également à tous les refugiés togolais qui sont à l’extérieur du pays. Je pense que ces gens peuvent apporter quelque chose de positif pour la reconstruction nationale.
Vous décriez depuis 2005 la prise du pouvoir du fils d’Eyadema Gnassingbé, Faure Gnassingbé mais malheureusement il bouclera bientôt huit années d’exercice du pouvoir; est-ce que vous contestez toujours sa légitimité ?
Vous le savez tous, Faure le sait. Je ne l’ai jamais reconnu comme un Président élu. Il est pour ma part un Chef d’Etat de fait. Pour ma part, il n’a jamais été un président élu. Il a la réalité d’accord. Mais pour ma part il n’a jamais été un président élu. On se souviendra d’ailleurs qu’en 2005, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, ce fut après un massacre généralisé. On se souviendra également qu’à l’époque les Nations Unies avaient mené une enquête officielle et ont donc estimé les résultats à plus de 500 morts. On se souvient qu’à cette époque, des femmes enceintes ont été éventrées. On se souvient également que de petits enfants ont été jetés dans des congélateurs. On se souvient que des enfants ont été jetés dans des huiles bouillantes etc.
Vous comprendrez avec moi justement que je ne puis cautionner de tels actes pas plus que je ne peux reconnaître l’élection d’un président qui n’a pas été juste. La réalité au sortir de ces élections, il faut le rappeler c’est que le candidat de l’UFC à l’époque, je veux dire Bob Akitani à l’époque avait remporté les élections avec près de 70 % des voix.
En ce qui me concerne, j’avais fait un chiffre réel à peu près de 20 % Faure s’est accaparé par les armes du pouvoir avec un peu moins de 10 %, ça c’est la réalité des urnes.
Donc vous admettrez avec moi qu’il n’est pas question de reconnaître Faure comme président élu d’autant plus que la dernière élection qui a eu dans notre pays a consacré Fabre en réalité. Donc Faure Gnassingbé est un président de fait. L’un dans l’autre, Faure Gnassingbé est un président de fait, il n’a jamais été élu.
La situation sociopolitique dans notre pays est très tendue Monsieur le Président, surtout à l’approche des élections législatives couplées avec les locales, quelle est l’importance de ce rendez-vous électoral selon vous?
Cette élection aura une importance capitale si elle se déroule dans des conditions de transparence absolue. Mais s’il faille aller aux élections dans les mêmes conditions que précédemment c’est- à-dire avec des fraudes organisées, je dis non. En ce moment là, il n’y a même question d’aller aux élections. Comprenez-moi bien parce que depuis des années j’allais dire plusieurs décennies, en tout cas depuis la conférence nationale, il n’y a jamais eu au Togo des élections propres. Et je pense que l’un des objectifs de l’opposition aujourd’hui est de faire que le Togo enfin rentre dans le concert des nations qui organisent des élections propres.
Deux regroupements tiennent tête au pouvoir sur place ici au Togo, le Collectif Sauvons le Togo et la Coalition Arc en Ciel et elles parlent au nom du peuple, sont-elles crédibles à vos yeux?
Je salue positivement les actions du Collectif Sauvons le Togo de même les actions de la Coalition Arc-en-ciel. Dans tous les cas je salue tous ceux qui s’opposent au pouvoir actuel et qui se battent avec le peu de moyens dont ils disposent. Leur crédibilité pour moi est absolument légitime dans la mesure où tous les Togolais qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays de nos frontières sont parfaitement informés de la situation de notre pays et donc ces groupements politiques tirent leur légitimité dans la souffrance du peuple, dans la volonté du peuple d’aller vers un véritable changement.
Je voudrais d’ailleurs profiter de l’occasion pour féliciter tous mes frères opposants en leur demandant de continuer la lutte en attendant que j’arrive sous peu, me mettre avec eux pour qu’ensemble nous menions le Togo vers la victoire.
Récemment le Togo a connu un drame je veux faire allusion à la destruction des marchés par les incendies, comment avez-vous accueilli cette triste nouvelle?
Oh lala ! Quel malheur pour le Togo ! Quel malheur pour notre pays ! il est inconcevable qu’au jour d’aujourd’hui au 21è siècle, des personnes mal intentionnées dans un cadre politique puissent s’attaquer à des marchés, brûler des marchés et faire de nombreuses victimes, je parle de victimes économiques. Toutes nos sœurs, toutes nos mamans, tous nos frères qui ont des activités professionnelles dans ces marchés, que deviennent-ils ? Qu’est-ce que le pouvoir politique fait pour tous ces gens ? Naturellement vous aurez compris que j’ai été profondément déçu, profondément attristé. Je ne peux comprendre de nos jours qu’on puisse poser de tels actes qui sont des actes criminels. Cela n’est pas pardonnable. Je voudrais tout simplement m’adresser à toutes ces femmes et tous les hommes qui ont perdu leurs biens dans tous ces incendies. Je voudrais leur adresser ma sympathie qu’ils sachent que je suis de leur côté, qu’ils patientent, sous peu, je rentrerai et ensemble nous mènerons le combat légitime pour le Togo.
Les autorités disent qu’il s’agit d’un incendie criminel. Elles sont en train de traquer les opposants curieusement ceux du Collectif Sauvons le Togo, est-ce que c’est une stratégie pour décapiter l’opposition comme le pensent certains ?
Nous savons que de tout temps le pouvoir RPT ou RPT/UNIR a toujours usé les mêmes méthodes. La seule différence aujourd’hui, c’est que ces méthodes utilisées ont pris de l’ampleur. Il est de tout reconnu qu’à la veille des élections, les opposants sont traqués, les opposants sont jetés en prison, certains sont assassinés, etc. tout cela n’est pas nouveau, il faut souhaiter que ces choses là ne se reproduisent plus. Je profite de l’occasion pour demander au pouvoir politique de libérer au plus bref délai mon frère et ami Agbéyomé parce que jusqu’à ce jour, il n’est pas établi que Agbéyomé soit responsable de ces incendies. Il n’y pas de preuves irréfutables. Tout ceci a été organisé naturellement pour décapiter l’opposition.
Beaucoup reviennent de plus en plus sur la question de l’alternance. Les yeux sont rivés sur 2015. Est-ce que Faure Gnassingbé a la chance d’être réélu en 2015?
Ecoutez, la seule chose que je peux dire à mon cher ami Faure c’est qu’il fasse preuve de sagesse pour ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle. Il aura accaparé deux mandats et ça va faire dix ans bientôt et en en dix ans on a vu ce qu’il a fait pour le pays pour ne pas dire grand’ chose. Je pense que s’il aime le Togo, il vaudrait mieux pour lui qu’il quitte le pouvoir, première chose. Deuxième chose, il faudrait qu’il fasse extrêmement attention. Il ne faut pas qu’il pense qu’il a le pouvoir, la réalité du pouvoir dans ses mains et il peut se permettre tout et n’importe quoi. Nous disons simplement que les rebellions qui se passent dans d’autres pays peuvent également arriver dans notre pays. Je voudrais sincèrement que ces genres de choses ne se produisent pas dans notre pays, le Togo. Mais j’ai l’impression que les ingrédients se mettent en place petit à petit pour une déflagration généralisée. Je ne le souhaite pas pour mon pays et j’espère que lui non plus ne le souhaite pas pour notre pays et qu’il fasse preuve de sagesse pour se retirer. Pour ma part, je serai prêt à lui offrir une porte de sortie honorable. Je serai pour ma part, prêt à me battre pour qu’il ne soit pas inquiété lorsqu’il quittera le pouvoir. Mais tout cela dépend de sa propre volonté. Ceci étant, si demain il y avait des élections présidentielles claires et transparentes, nous savons tous que Faure n’a aucune chance de les remporter.
Quel est votre avenir politique, serez vous candidat à l’élection présidentielle de 2015 ?
Avant de parler de mon avenir politique, ce qui m’importe aujourd’hui, c’est qu’on nous parle de dialogue politique, dialogue qui serait initié par l’Ambassade des Etats unis au Togo ; d’ailleurs j’en profite pour saluer cette initiative que je trouve heureuse pour notre pays. Toutefois, nous devons faire extrêmement attention parce que le Togo a connu plusieurs dialogues. Les dialogues n’ont pas permis de se relever. Cependant, je tiens à dire, à persister et à signer qu’il nous faut un véritable dialogue à l’échelle nationale, dialogue auquel prendront part tous les acteurs politiques y compris tous ceux qui sont refugiés à l’extérieur, y compris les exilés politiques comme moi, comme Boko François et bien d’autres, y compris tous les acteurs qui sont sur place au pays.
Je ne peux pas penser qu’on puisse parler de dialogue en écartant les forces politiques. Dans la vie, il faut faire extrêmement attention parce que c’est une habitude du pouvoir à la veille des élections de s’entourer de deux ou trois partis politiques, de parler à grands frais et à grands tambours de dialogue alors que nous savons que tout cela n’est qu’une superbe supercherie. Aujourd’hui, le peuple togolais est mature et plus personne ne tombera dans ce piège. Aussi, je demande aux responsables, à l’Ambassadeur des Etats-Unis au Togo de considérer ce dialogue dans sa globalité et de mettre toute la pression nécessaire sur le gouvernement actuel de sorte que ce dialogue soit ouvert à tous les acteurs politiques de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Bien sur je sais en disant cela, le pouvoir va avoir peur parce qu’il pensera que c’est une conférence nationale bis. Non ce n’est pas le cas. Nous parlons d’un dialogue qui doit simplement se faire avec l’ensemble des partenaires, on va le dire comme ça, des partenaires politiques. Pour répondre à votre question, apprêtez-vous à me recevoir parce que je rentrerai bientôt et ensemble comme je le disais tantôt, nous allons nous battre pour la victoire finale.
Monsieur Harry Olympio merci.
C’est plutôt moi qui vous remercie.
Interview réalisée par Rodrigue Lawson (Légende FM)
Transcription: Jean-Baptiste ATTISSO