En l’espace de 10 ans, le taux de croissance de la césarienne a considérablement augmenté au Togo, passant de 2% en 2002 à 9% en 2011, soit une hausse de 7%. Mais, la subvention de la césarienne en pratique depuis 2010, si elle améliore le taux de la mortalité maternelle ne règle pas du tout les nombreux cas des décès néonataux.
Enquête dans les milieux de la santé des femmes et des nouveau-nés.
En 2002, le taux de césarienne pratiqué au Togo, tournait autour de 2%. En 2010, le rapport final d’une enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS), un programme international d’enquête ménage élaboré par l’UNICEF, menée par la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN) indique que 8,8% des femmes enceintes ont accouché par césarienne.
Avec une proportion de 16,9% à Lomé commune et 15,5% en milieu urbain, cette enquête révèle qu’il y a 13,4% de naissances par césarienne dans les structures publiques de santé alors que dans les structures sanitaires privées, le taux est de 12,7%. Mais de façon générale et selon les résultats globaux, la Direction de la Santé Familiale (DSF) évalue cette hausse à 9% en 2011.
La subvention contribue à l’accroissement du taux de la césarienne
A en croire Madame Messan Bessy, Surveillante Générale à l’Hôpital de Bè, la subvention des frais de césarienne apparue en mai 2011, en est pour beaucoup dans l’augmentation de cette pratique dans les centres de santé publics du Togo. « La pratique de la césarienne est beaucoup plus importante aujourd’hui que par le passé. Maintenant, les patients payent seulement la somme de dix mille (10 000) francs CFA pour bénéficier du kit qui coutait entre 150 000 et 250 000 F Cfa », nous confie-t-elle.
Le Docteur Kassouta NTAPI, Chef service à la Direction de la Santé Familiale va dans le même sens pour dire que « la subvention de la césarienne a agit sur l’accessibilité financière. En conséquence, il y a eu une augmentation des cas de césariennes ». Il poursuit pour dire « qu’en fin d’année 2011, nous avons noté une augmentation des cas dans une proportion du tiers par rapport à l’année précédente (2010) ».
Une affirmation soutenue également par le Professeur Jean Baptiste BALAKA, Pédiatre au CHU-Campus à Lomé qui dit en substance que « le nombre de césarienne depuis le 2 mai 2011 a augmenté pratiquement sur toute l’étendue du territoire ».
Pour corroborer toutes ces réponses, le Professeur Koffi Akpadza, Gynéco-obstétricien et Chef service de gynécologie au CHU Sylvanus Olympio de Lomé, soutien qu’« avant la subvention de la césarienne, nous avions 41% d’accouchement. Après la subvention, le taux est passé à 47%, ce qui veut dire qu’il y a une augmentation », nous a-t-il confié.
En clair, la subvention de l’Etat a permis d’accroître le nombre de naissance par césarienne dans les centres de santé publics. Cette subvention influence aussi positivement le nombre de femmes donnant naissance dans les hôpitaux.
La communication, facteur non négligeable dans l’augmentation de la pratique de la césarienne
La communication a joué un rôle important dans l’augmentation des cas de césarienne au Togo. Les responsables du corps médical Région Centrale et les ONG impliquées dans les questions du bien-être de la femme ne sont pas étrangers à ce phénomène. Dans cette région à forte densité humaine, dont l’activité principale repose sur l’agriculture et le commerce, les femmes vivant dans les villages ou fermes accouchaient à la maison sans l’assistance d’un professionnel de la santé (sage femme, infirmière etc.).
Depuis la subvention de la césarienne, plusieurs de ces femmes viennent maintenant accoucher dans les centres publics de santé de la localité, nous a révélé Joël K. Chirurgien à l’Hôpital de Tchamba. « Elles sont encore attachées à leurs vieilles habitudes, mais les sensibilisations menées dans ces milieux ont fait qu’elles viennent maintenant accoucher à l’hôpital. Sinon il y a 3 ou 5 ans, on n’y pouvait rien malgré tout ce qu’on disait sur les risques liés aux accouchements à domicile. Pouvez-vous imaginer que des femmes qui doivent donner naissance à des bébés que par césarienne le font à la maison et par voie basse sans aucune assistance médicale ? », Questionne-t-il pour finir.
En plus de la subvention de la césarienne à près de 90% par l’Etat togolais, d’autres actions ont été menées au sein de la population pour lui faire comprendre les risques liés aux accouchements dans des lieux non officiels comme l’hôpital.
La subvention de la césarienne n’a pas réglé les nombreux cas de décès néonataux
A l’aide des chiffres disponibles, nous pouvons soutenir que le taux de césarienne augmente considérablement dans les hôpitaux publics suite à la politique de subvention menée depuis 2011 par le gouvernement. Ainsi, de près de 2% en 2002, ce taux a augmenté à plus de 9% en 2011, soit une différence de plus de 6% en 10 ans. Mais au delà de cette performance relevée dans l’augmentation des pratiques de la césarienne au Togo, demeure un mystère autour des nombreux décès néonataux.
Le bilan de la subvention accordée à la césarienne a donné des résultats mais demeure une mesure positive insuffisante en ce qui concerne le taux de mortalité néonatale.
« La césarienne subventionnée a eu une véritable amélioration sur la condition maternelle lors de l’accouchement. Honnêtement, la césarienne a amélioré le taux de mortalité maternelle, car on a noté qu’il y a eu très peu de morts maternelles après la subvention comparativement à avant… », nous confie le Pr Jean-Baptiste BALAKA. « Mais la césarienne subventionnée n’a pas du tout touché à la mortalité néonatale », poursuit-il.
En effet, selon les explications du Pr Jean Baptiste BALAKA, la césarienne subventionnée, ne touche présentement que la mère. Le nouveau-né malade à la naissance n’est pas pris en charge dans cette subvention. Il fait l’objet de prescription.
Selon lui, « On a augmenté le nombre de nouveau-nés à réanimer mais on ne les réanime pas, puisqu’on ne dispose pas encore de kits de réanimations. Alors, les décès ont augmenté aussi chez les nouveaux nés ».
Voila pourquoi on a enregistré une augmentation des nouveaux nés non seulement à réanimer mais en même temps une augmentation du taux de mortalité des nouveaux nés.
De plus, l’Echo de l’OMS Togo, un bulletin électronique de cette institution dans sa parution N°123 du 10 novembre 2012, est largement revenu sur le sujet. Il y est mentionné qu’ « au Togo, la mortalité néonatale participe pour 1/3 des décès d’enfants de moins de 5 ans avec un taux qui est de 124 décès pour 1000 naissances vivantes. D’où les responsables de l’organisation conseillent d’aider les nouveaux nés à respirer à la naissance afin de les sauver.
Toutefois, des résolutions ont été adoptées durant le forum sur la subvention de la césarienne pour que l’Etat prenne en charge la subvention du kit de réanimation du nouveau né. Si elles sont mises en œuvre, le taux d’enfants mort-nés sera considérablement réduit nous confie le Prof. Jean Baptiste BALAKA.
Approches de solutions pour améliorer la pratique de la césarienne
Le Forum qui s’est déroulé les 23 et 24 avril 2012 à Lomé a été l’occasion de capitaliser la mise en œuvre de la subvention de la césarienne au Togo, de réviser la composition du kit de césarienne (anesthésie générale et anesthésie rachidienne) et kit de réparation de complications (réparation de plaie vésicale) et de constituer le kit de transfusion sanguine. Les praticiens venus des préfectures et régions du Togo recommandent entre autres mesures à l’Etat :
– d’étendre progressivement la subvention de la césarienne (grossesse extra utérine, ruptureutérine, réanimation du nouveau-né, éclampsie) aux autres formations sanitaires non publiques ;
– de renforcer les capacités du centre national et régional de transfusion sanguine pour une disponibilité constante des produits sanguins;
– d’adopter un cadre juridique pour la subvention de la césarienne et les autres urgences obstétricales et néonatales;
– de renforcer la sensibilisation et l’information de la population sur la santé maternelle et néonatale ;
– de rendre opérationnel le système de référence et contre référence 24heures/24heures en mettant en place un système de communication;
– de décentraliser la distribution des kits médicaux subventionnés en les intégrant au dépôt de Médicaments essentiels génériques (MEG) ;
– d’impliquer davantage les différentes parties prenantes dans la mise en œuvre de la subvention de la césarienne et des autres urgences obstétricales et néonatales (communautés, société civile, secteur privé…);
Après plusieurs mois passés à comprendre les contours sur la pratique de la césarienne au Togo, il nous a été donné de constater que plus de femmes fréquentent aujourd’hui les centres de santé publics où elles n’hésitent pas à se faire césariser quand cela est recommandé. Cette nouvelle conception qui est en train de se développer grâce à la subvention de la césarienne, ne fait qu’accroître le nombre de femmes césarisées. Et si des mesures appropriées ne sont pas prises, le taux de césarienne qui tourne autour des 10% pourrait considérablement continuer sa montée vertigineuse et dépasser les 15%, taux non recommandé par l’OMS depuis 1985.
Bonaventure N’Coué MAWUVI
La présente investigation a été appuyée par le Programme pour le Journalisme d’Investigation en Afrique (PAIR)