D’aucuns pensaient que les partis politiques qui ont refusé de répondre à l’appel au dialogue du gouvernement ont tort. Et bien non. Ils avaient des raisons de rejeter cette invitation. Car, finalement, les faits leur donnent raison. Lancés lundi dernier par le Premier ministre Ahoomey-Zunu, les travaux du nouveau dialogue ont mis seulement deux jours pour donner des résultats. Mais lesquels ? Des résultats qui frisent le ridicule et qui n’apporteront, à coup sûr, aucune solution à la crise que connait le pays. Tout compte fait, loin d’avoir donné le fruit qu’attendaient les Togolais, ce énième dialogue initié par le gouvernement n’a finalement accouché que d’une souris, une très petite souris. Honte aux particules et aux sigles qui y ont participé…
La satisfaction était à peine perceptible dans le visage des représentants des particules et des sigles qui ont accepté, sans mûrir leur réflexion de façon approfondie, de répondre à ce énième dialogue lancé par le gouvernement sous la houlette du Premier ministre Arthème Ahoomey-Zunu.
Au fond d’eux, ils savent qu’ils ont été une fois de plus floués et ridiculisés par le régime de Faure Gnassingbé. Seuls les représentants du parti au pouvoir avaient le sourire. Et pour cause, tout a été fait pour permettre au RPT, devenu UNIR, de frauder à nouveau et rafler la mise lors des législatives prochaines. Dialogue a-t-on dit ? Non. En réalité, il ne s’est agi que d’un monologue entre le gouvernement et ‘’ses formations politiques alliées’’ car rien n’a été discuté en fait. Pour l’essentiel, les participants au dialogue sont revenus sur les conclusions des discussions menées au sein du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC) rénové. Voilà pourquoi l’opposition rejette les conclusions de ce dialogue car elles sont bien loin de répondre à ses attentes, attentes tout à fait logiques. « Les conclusions de ce dialogue ne concerne que ceux qui y ont participé », a réagi Edem Atantsi de l’ANC. Même son de cloche du côté du Collectif Sauvons le Togo où on estime que le gouvernement s’est encore une fois moqué des Togolais. « Nous disons que le mode de scrutin doit changer, ils n’ont rien dit là-dessus. Nous exigeons l’application immédiate de la limitation du mandat présidentiel. Faure Gnassingbé a participé à la falsification du rapport de la Cndh. Il est disqualifié pour continuer par présider aux destinées du pays », a laissé entendre Me Zeus Ajavon, coordonnateur du CST.
Aucune avancée notable
Oui, on peut l’affirmer sans courir le risque de se tromper. Ce énième dialogue n’a ni apporté une avancée notable, ni trouvé une solution à la crise qu’on était supposé résoudre en l’initiant. Bien au contraire, elle va contribuer à durcir les positions du CST et de la Coalition Arc-en-ciel et à les mettre sur un pied de guerre, surtout que nous sommes à quelques mois des prochaines législatives.
Autrement dit, la vraie crise est à venir. Et il ne peut en être autrement dans la mesure où à chaque fois qu’un dialogue est initié pour résoudre les problèmes du Togo, le pouvoir cherche toujours à tirer les draps de son côté en usant de contorsions et de la mauvaise foi qu’on lui connait. D’ailleurs, à quel autre résultat peut-on s’attendre après ce dialogue si les principaux points de discorde entre l’opposition et le gouvernement n’ont pas été pris en compte ?
MODE DE SCRUTIN : Il est l’une des plus importantes questions en ce qui concerne les réformes constitutionnelles mais n’a jusqu’alors pas trouvé de solution. Au cours de la 14ème séance du CPDC rénové tenue en janvier dernier, la question a été mise sur le tapis. Mais malgré le choix porté par la majorité des membres de ce cadre sur le retour du scrutin uninominal à deux tours tel que contenu dans la Constitution du 14 octobre 1992, les représentants du pouvoir s’y sont opposés alors que le règlement intérieur du CPDC stipulait que le débat soit clairement tranché une fois que la majorité s’est prononcée. Déjà laissée en suspens par les discussions susmentionnées, la question relative au mode de scrutin a une fois encore été négligée par l’actuel dialogue. Ceci prouve combien de fois le pouvoir est hostile au scrutin uninominal à deux tours. Etonnant ? Pas du tout. Au vu du refus catégorique qu’a toujours opposé Faure et les siens aux multiples souhaits et tentatives de l’opposition d’appliquer ce mode de scrutin lors de l’élection présidentielle passée.
Or, cette question est l’une des plus importantes qui divisent le régime de Lomé et ses opposants car, pour ces derniers, les réformes constitutionnelles doivent à tout prix passer par le retour du scrutin uninominal à deux tours. C’est dire que la bataille entre les deux parties sur ce point est loin de s’achever.
LE DECOUPAGE ELECTORAL : le CPDC rénové a essayé à sa façon de corriger l’injuste découpage électoral sur la base de laquelle ont été organisé les législatives de 2007. C’est ainsi qu’il a été proposé de passer, conformément aux recommandations de la mission d’observation de l’Union Européenne, de 81 à 91 députés afin de corriger certains déséquilibres. Au lieu d’aller dans le même sens ou de faire mieux, le dialogue d’Arthème Ahoomey-Zunu a plutôt choisi d’opter pour une autre injustice. Il a décidé non seulement de garder l’ancien découpage, mais aussi de n’ajouter que deux sièges contrairement aux 10 concédés par le pouvoir sous le pilotage de Pascal Bodjona. Les deux sièges devant aller à la commune de Lomé et son hinterland. Les législatives prochaines vont une fois encore se faire sur la base du découpage électoral inique de 2007. Pour quels résultats ?
Revenons une fois encore sur certains chiffres clés du découpage de 2007. Cela nous permettra de constater qu’il a été taillé sur mesure pour le pouvoir.
En effet, avec 153.181 inscrits, la circonscription électorale de Tône avait 4 sièges à pourvoir. Tandis qu’avec 497.000 inscrits, la circonscription de Lomé-commune, souvent favorable à l’opposition, n’en avait que 5. Les circonscriptions électorales du Golfe, Binah et Doufelgou avec respectivement 270.098, 36.757 et 39.919 inscrits ont chacune 2 sièges à pourvoir. Quant aux circonscriptions de Bassar (56.551 inscrits), Kozah (121.041 inscrits), Kloto (113.461 inscrits) et Lacs (122.430 inscrits), elles se sont vues attribuer chacune 3 sièges à pourvoir.
A l’analyse, on constate que Lomé-commune, avec une population qui vaut trois fois celle de la préfecture de Tône n’a qu’un seul siège de plus que cette circonscription électorale dont les 4 sièges ont été enlevés par le RPT.
La préfecture du Golfe, avec ses 2 sièges comme la Binah et Doufelgou, a une population électorale qui fait plus de 7 fois celle de la Binah. Même chose pour la circonscription de Doufelgou où la population électorale fait 1/6 de celle de la préfecture du Golfe. Bassar, avec ses 3 sièges à pourvoir et une population électorale estimée à 56.551, fait le quart de la population électorale de la préfecture du Golfe qui n’a que 2 sièges.
Les préfectures des Lacs, Kloto et Kozah font en termes de taille de population électorale le double de celle de la circonscription électorale de l’Amou qui a aussi 2 sièges à pourvoir. En d’autres termes, alors que 99.400 électeurs de Lomé-commune élisent 1 député, ce sont seulement 38.925 qui le font dans le grand Tône. De même, alors que 135.049 électeurs élisent 1 parlementaire dans le Golfe, 36.757 élisent 2 députés dans la Binah.
Avec ce découpage, le RPT a obtenu la majorité au parlement avec 50 députés. Alors qu’il a eu moins de voix dans les urnes que le CAR et l’UFC d’alors, qui ne s’en sont sortis qu’avec 31 députés.
Voilà la raison pour laquelle il était important de revoir un tel découpage. Mais, malheureusement, cela n’a pas été le cas. Ce qui veut dire qu’on risque de se retrouver avec les mêmes injustices et les mêmes résultats lors des prochaines législatives. Avec les crises qui s’en suivront.
LA LIMITATION DU MANDAT PRESIDENTIEL : Là aussi, rien de nouveau sous le soleil. Le dialogue n’a fait qu’entériner la proposition du CPDC rénové. Désormais, le mandat présidentiel est de cinq ans renouvelable une seule fois. Le dialogue aurait pu donner un résultat probant si cette mesure avait un effet immédiat. Mais non. Au contraire, elle ouvre la voie à Faure Gnassingbé et lui permet d’être aux affaires pour longtemps encore. Autrement dit, il ne devrait pas partir en 2015 en dépit de cette modification de l’article 59. Ce qui bouche toute issue à l’alternance tant souhaitée par les Togolais. Car, si les nouvelles dispositions ne devaient pas rétroagir, ayant à peine écoulé deux ans et demi sur les cinq ans de l’actuel mandat, le chef aura tendance à considérer ce mandat comme le premier. Dans ce cas, il se représentera de nouveau en 2015 et sera aux affaires jusqu’en 2020. Mais là, c’est le moindre mal car Faure Gnassingbé pourra choisir d’ignorer tout simplement le mandat actuel et remettre le compteur à zéro. Dans ce cas de figure, il aura la possibilité de se représenter en 2015, puis en 2020. Il restera ainsi aux affaires jusqu’en 2025.
En fin de compte, le dialogue d’Ahoomey-Zunu n’aura rien apporté de nouveau.
En fin de compte, le dialogue d’Ahoomey-Zunu n’aura rien apporté de nouveau. Mais, comme si elle était tombée sur la tête, l’Union Africaine (UA), par le biais de son président Jean Ping, se permet d’apporter son soutien à ce dialogue stérile. Tout en indiquant suivre de près « les efforts en cours visant à approfondir la démocratie au Togo et à créer les conditions du bon déroulement des élections locales et législatives à venir », l’institution africaine dit noter « avec satisfaction les conclusions auxquelles sont parvenues les acteurs togolais, le 13 septembre 2012, à la suite du dialogue politique qui a rassemblé le Premier Ministre du Togo, des partis politiques et des organisations de la société civile ».
Par ailleurs, le Président de la Commission encourage la poursuite des efforts engagés, et en appelle à tous les acteurs politiques pour qu’ils œuvrent en faveur du dialogue aux fins de trouver des solutions consensuelles aux questions qui font l’objet de préoccupations. Venant d’une institution aussi responsable que l’UA, cette réaction frise le ridicule. C’est vrai que lorsqu’on est à des milliers de kilomètres et qu’on se fie aux forfanteries d’un pouvoir qui présente les conclusions d’un dialogue impopulaire comme un trophée de guerre, on peut se tromper sur la forme et sur le fonds. C’est surement ce qui est arrivé à Jean Ping de l’Union Africaine.
L’UFC, la CPP, Alliance et le PDR devraient avoir honte
Ils ont choisi, eux, de participer à ce dialogue arguant de subterfuges et d’arguments qui tiennent à peine debout. Ils en ont le droit. Nous sommes en démocratie, dit-on, et personne ne peut les contraindre à refuser ou à faire le choix du CST et de la Coalition Arc-en-ciel. Malheureusement, voilà ce que ces particules ont pu obtenir pour les Togolais en tant que partis d’opposition au dialogue. Partis de l’opposition ? Non, ils ne le sont pas ou plutôt, ils sont encore loin de l’être. Car, un parti d’opposition, ça doit prendre la défense du peuple et non s’allier au régime en place. En réalité, ce dialogue n’a été qu’un monologue. L’UFC, Alliance, la CPP et le PDR se sont contentés d’être des observateurs et de voir UNIR manœuvrer la machine. Voilà ce qui arrive quand on ne réfléchit pas suffisamment avant de faire un choix. Gilchrist Olympio, Dahuku Péré, Francis Ekon et Zarifou Ayéva devraient avoir honte. Heureusement pour eux qu’ils ne représentent plus rien aux yeux des Togolais