Le dialogue politique, présenté comme le passage obligatoire pour les reformes constitutionnelles et institutionnelles a bel et bien démarré hier dans les locaux de Togotélécom. Les choses sont allées assez vite avec la mise en place du bureau provisoire et l’identification de 12 points qui feront l’objet de débats dans les discussions. L’atmosphère était détendue et les différents protagonistes manifestent un optimisme quant à la réussite de cette énième rencontre. Si et seulement si les acteurs s’entendent sur les différents points qui ne sont pas moins sensibles et qui comportent les sujets qui fâchent.
Les hostilités pour la relance du dialogue ont commencé en mars dernier, lorsque le Chef de file de l’opposition togolaise, Jean-Pierre Fabre a adressé une lettre au chef de l’Etat lui demandant d’ouvrir un dialogue pour mener à bien les reformes constitutionnelles et institutionnelles.
Les choses se sont réajustées avec les consultations des états-majors des partis politiques par le Premier Ministre, sur ordre du Chef de l’Etat. Tous, pouvoir et opposition se sont donc accordés sur le principe du dialogue mais divisés sur la question du cadre.
L’opposition insiste sur le cadre prévu par l’accord politique global, le cadre permanant de dialogue et de concertations, le pouvoir évoquant des débats à l’assemblée nationale.
Les protagonistes ont coupé la poire en deux après la relance des discussions le 13 mai dernier en s’entendant de les mener avant de les envoyer à l’assemblée nationale.
C’est ce qui a donc commencé hier à Togotélécom avec la mise en place du bureau et l’énumération des thèmes à l’ordre du jour.
Le bureau provisoire
Il sera présidé par le parti satellite de l’ANC, l’ADDI, l’Alliance pour la démocratie et le Développement Intégral représenté à l’Assemblée nationale.
Le parti présidentiel occupe la vice-présidence, le groupement Arc-en-ciel composé de plusieurs partis occupe le poste du premier rapporteur, suivi de l’ANC puis de l’UFC.
Une composition qui donne des chances à l’ANC, principal parti de l’opposition, presque doublement représenté de façon arithmétique avec son allié ADDI.
Le consensus étant retenu comme règle, les partis politiques devront s’accorder pour mener des reformes chères à l’apaisement, à l’organisation des élections crédibles et transparentes. Les points à l’ordre du jour, sont, il est vrai, des sujets constamment défendus par les deux parties.
Parmi ces points, il y e na qui fâchent. La limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin.
Analyse des 12 points retenus
Le régime politique est le premier point à l’ordre du jour. Le régime politique togolais n’est ni présidentiel, ni parlementaire, ni semi présidentiel, ni monarchique. Il est hybride, semblant donc de rassembler des critères propres à ces différents régimes.
C’est dans cette impasse politique que le président de l’UFC, Gilchrist Olympio, inventait le régime tempéré qui ne rimait à rien du tout et qui fera long feu dans le fameux accord historique entre le parti UFC et le RPT devenu Unir.
Sur la question du régime politique, il est important non seulement de se pencher sur les régimes qui marchent le mieux pour les Etats politiquement fragiles comme le Togo.
Dans la sous région, le régime parlementaire, qui permet à l’assemblée de peser dans la balance politique par le vote des lois et leur application.
Au Togo, c’est pour l’heure, la démocratie de façade, où on semble se fier à l’assemblée nationale, qui, dominée par la majorité présidentielle se courbe sous l’échine du pouvoir exécutif.
Un président de la république plus fort que l’assemblée nationale qui a le pouvoir de passer outre des lois de la République ne garantit pas une démocratie sereine.
Le point 2 relatif à la nomination et aux prérogatives du Premier Ministre permet d’éviter au chef du gouvernement d’être non seulement le fusible éjectable à volonté par le Chef de l’Etat, mais aussi de se réduire à son valet comme c’est le cas aujourd’hui.
Les points 3 et 4 concernent les sujets sensibles qui divisent, mieux qui irritent la classe politique et les populations togolaises.
Les populations, lassées de se faire diriger pendant près d’un demi-siècle par la famille Gnassingbé père et fils nourrissent le désir ardent d’en découdre avec Faure Gnassingbé et son projet de troisième mandat.
C’est ainsi que naquit la question de la limitation du mandat présidentiel suivi du détail qui fâche, avec effet immédiat.
La question de la rétroactivité ou non de la loi se pose et sur la question les deux camps sont cramponnés sur leurs positions.
Autre couleuvre, le mode de scrutin.
Le pouvoir veut maintenir le mode de scrutin à un tour, l’opposition veut deux tours.
Nouvelle divergence. Seulement de source proche des deux camps, le pouvoir semble accepter de céder sur une de ces questions, sans doute après avoir trouvé la solution de contournement.
Elle consistera pour le pouvoir UNIR, cette solution, de réussir à obtenir la limitation du mandat sans effet rétroactif ou le scrutin à deux tours mais avec les moyens de faire remporter son candidat au premier tour. Rien n’est encore donc joué.
Les reformes concernant la cour constitutionnelle et la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication sont aussi vieilles que le monde.
C’est vrai, ces deux institutions font la pluie et le beau avec un lien commun : totalement inféodées au pouvoir, incapables de refléter le premier principe de leurs lois organiques ; l’autonomie et l’indépendance vis-à-vis du pouvoir.
Elles ont besoin d’être reformée et recomposées. L’accord politique global l’a d’ailleurs prévu.
L’armée, hautement ethnique, fidèle au chef de l’Etat dans toutes ses prises de position est un véritable obstacle pour l’instauration de la démocratie.
La garde prétorienne n’hésite pas souvent, en violation de la loi à s’ingérer dans les affaires politiques et à faire valoir sa loi.
C’est le cas en février 2005, après la mort de Gnassingbé père, où l’armée est entrée en jeu en imposant son fils Faure Gnassingbé, en lui ayant fait allégeance, dans des garde-à-vous des officiers supérieurs, les fesses serrées avec en tête, le chef d’Etat major.
Les conséquences ont été lourdes en perte en vies humaines pour le Togo. La reforme concernant l’armée est donc très importante.
Enfin, l’affaire d’incendie a empoisonné l’atmosphère politique du Togo avec les accusations réciproques.
Le pouvoir ayant inculpé les principaux leaders de l’opposition, l’opposition ayant sorti un rapport qui indexait des hommes du pouvoir d’être auteurs des incendies des marché de Lomé et de Kara.
Un sujet très houleux qui va diviser les acteurs.
C’est vrai, c’est maintenant que le plus dur commence pour la classe politique togolaise réunie à Togotélécom pour le dialogue.
L’Union Européenne avait averti, chacun doit mettre de l’eau dans son vin, chacun doit fait un pas pour réussir les reformes.
Ces sacrifices nécessitent donc la loi de concession pour gagner en retour.
Mais en réalité, les choses ne seront pas faciles comme on pourrait l’imaginer. Avec les douze points, ça passe ou ça casse.
Carlos KETOHOU
Voici la composition du bureau provisoire
Présidence : ADDI
Vice-présidence : UNIR
Premier Rapporteur : Arc en ciel
Deuxième Rapporteur : ANC
Troisième Rapporteur : UFC
Les points de discussions retenus sont les suivants
1- Le régime politique
2- La nomination et les prérogatives du Premier ministre
3- Les conditions d’éligibilité du Président de la République
4- La durée et la limitation du mandat présidentiel
5- L’institution d’un sénat
6- La réforme de la Cour constitutionnelle
7- Le mode de scrutin pour toutes les élections
8- L’amélioration du cadre électoral (CENI et ses démembrements, découpage électoral, financement public des partis politiques, des candidats et des délégués dans les bureaux de vote, statut de l’opposition, chambre administrative de la cour suprême, etc ;
9- Les élections locales
10- La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC)
11- Le caractère républicain de l’armée
12- les mesures d’apaisement du climat politique (sécurité des militants des partis politiques, libération des personnes détenues et annulation des poursuites dans l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Lomé, libération des condamnés dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, désignation des chefs traditionnels).