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TELECOMS: Cina Lawson mélange les pédales

 

Le développement de tous les pays aujourd’hui est conditionné par la qualité des technologies de l’Information et de la Communication. Les restrictions faites sur les TIC dans certains pays sont interprétées comme une violation des Droits de l’homme, notamment de la liberté d’expression. C’est pourquoi, lorsque la communication téléphonique ou Internet connaît des anomalies dans certains pays, l’on est en droit de s’inquiéter sur la volonté des dirigeants à aspirer à un véritable développement. Au Togo, les problèmes liés à la communication sont nombreux. La cherté du téléphone et la mauvaise qualité du service Internet. Cela est dû à plusieurs raisons notamment la fourniture d’accès et la distribution de la connectivité. Depuis quelques semaines, on annonce le lancement des câbles sous marins qui permettront donc au Togo d’obtenir un réseau de qualité et beaucoup moins cher. A côté de ce projet qui dure depuis plusieurs années, c’est le gouvernement, à travers la ministre des Postes et Télécommunications, qui semble mélanger les pédales en évoquant des projets et des conclusions qui sèment une véritable confusion parmi les prestataires des télécommunications au Togo. Une situation qui nous interpelle et qui suscite des réflexions.

Cina Lawson, la quarantaine, sportive, allure féline, yeux pétillants, a effectué quelques stages  dans des succursales d’entreprises européennes, notamment à Orange, dit-on. Elle est la ministre des Postes et télécommunications au Togo. Elle a été dénichée de l’Occident pour servir et valoir ce que de droit dans le Gouvernement HOUNGBO II. Ministre toute faite, elle a démarré timidement sa carrière avec un recul significatif de ce qui lui a été soufflé avant la prise du cabinet : ne jamais se laisser faire, avec des Togolais qui réservent des surprises et qui complotent. Elle est restée braquée pendant un moment avant de tomber depuis quelques semaines dans des déclarations et projets tapageurs qui indisposent les acteurs du monde des télécommunications au Togo.

La première grande sortie de la dame Télécom est celle liée à la réduction du coût de téléphone: « Le Togo reste un pays de la zone UEMOA où les tarifs des produits et services de télécommunications demeurent élevés », peut-on lire dans le communiqué final dans lequel dame Lawson a présenté une communication sur la question. Pour mettre la charrue devant les bœufs, elle a envisagé des solutions qui créent des remous :  « …la nécessité de  rechercher d’autres solutions pour faire baisser substantiellement les tarifs de ces différents services ».

Parmi les mesures envisagées pour faite baisser les prix, l’arrivée d’opérateurs de réseaux mobiles virtuels (Mobile Virtual Network Operator, MVNO). Il s’agit de sociétés de téléphonie mobile qui ne disposent ni d’infrastructures, ni de fréquences et qui louent leur réseau à des opérateurs sous leur propre marque.

Les MVNO se positionnent sur une offre tarifaire plus agressive, en misant sur des coûts d’acquisition clients et des coûts opérationnels maîtrisés. Cette solution un peu trop facile se base sur des conditions difficilement maîtrisables. D’abord elle pénalise les opérateurs locaux qui y ont investi depuis plusieurs années, ensuite elle est souvent susceptible  d’aboutir à des prestations de très mauvaise qualité. L’idée serait encore plus acceptable si on demandait aux opérateurs déjà sur le terrain de trouver une formule pour rendre la communication plus accessible dans un créneau juridique qui permette d’harmoniser les coûts au profit des clients.

L’expérience des MVNO est faite dans certains pays européens. Ce sont souvent des investisseurs qui s’implantent virtuellement sans matériels et qui fixent des tarifs assez intéressants pour des services qu’ils ne rendent pas nécessairement. Bonjour les dégâts.  Les désagréments sont  fréquents. Parfois, ce sont des communications qui n’aboutissent pas ou qui n’arrivent pas à rallier l’étranger, ou ce sont des sms qui ne passent pas, ou encore des cartes qui ne marchent pas. C’est un système très complexe et s’il était  avantageux, beaucoup de pays de la sous-région auraient déjà opté pour cela. A moins que la ministre ait déjà dans sa gibecière une compagnie fictive qu’elle voudrait mettre en marche. Avec sa position actuelle vis-à-vis du chef de l’Etat togolais, cela n’étonnerait personne. Naturellement, qui travaille à l’hôtel, dit-on, vit de l’hôtel.

L’autre difficulté dans la proposition de la Ministre des Postes et Télécommunications est la question de la disponibilité de la plate-forme qui devrait alimenter ces MVNO pour rendre la concurrence effective. Depuis quelques semaines, il se dit de plus en plus que le fonctionnement du câble sous marin qui devrait rendre plus facile les communications, surtout internet, serait effectif. Le mois de Juin, a-t-on annoncé. Togotélécom qui a investi, d’après nos investigations, des dizaines de milliers de dollars pour s’approvisionner le câble du réseau WACS  devrait trouver la formule adéquate pour la rendre disponible, mais pas à n’importe quelle condition, puisqu’il a investi.

Le système WACS est un réseau de câble sous-marin s’étendant de Cape Town en Afrique du Sud jusqu’à Londres au Royaume Uni, soit plus 14.600 km avec des points d’atterrissement dans les pays suivants : Namibie, Angola, République Démocratique du Congo, Congo Brazzaville, Cameroun, Nigéria, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Cap vert, Iles Canaries, Portugal et Royaume Uni. Son coût total est de 650 millions de dollars US.

Dès la mise en service de ce câble sous-marin, TOGO TELECOM sera définitivement affranchie de deux contraintes majeures auxquelles elle est confrontée jusqu’à aujourd’hui dans la fourniture des services de téléphonie à l’international et surtout de l’internet : le coût et la qualité de service. En effet, avec son point d’atterrissement WACS à Lomé, TOGO TELECOM ne sera plus exposée aux multiples désagréments subis du fait des coupures intempestives et de l’instabilité des liaisons louées auprès des opérateurs des pays de la sous-région. Le fait d’avoir un point d’atterrissement à Lomé et d’utiliser son propre réseau pour distribuer l’internet aux usagers, confèrera à TOGO TELECOM l’avantage de la supervision et de la maîtrise de la qualité de service de bout en bout.

 

En adhérant au projet WACS,  le TOGO a choisi d’investir pour disposer de grandes capacités en bandes passantes internationales sur le long terme. Il est donc évident qu’à la mise en exploitation de son point d’atterrissement, TOGO TELECOM mettra à la disposition du public de nouvelles offres de service internet avec des débits plus conséquents et à des tarifs compétitifs. Le Togo avait dans le temps l’occasion de disposer, comme certains pays de la sous région, de ce dispositif. Le  Projet de câble sous-marin SAT3 réalisé en 2002 et qui a permis à la plupart des pays situés sur la côte ouest de l’Afrique d’être connectés aux autoroutes de l’information et de la communication. Mais à l’époque, il y avait des conseillers politiques, esprits malins, qui ont eu l’occasion de raconter à Gnassingbé Eyadéma que l’abonnement à ce câble pouvait aboutir à la déstabilisation de son pouvoir. Et comme le vieux dictateur avait toujours la hantise de tout ce qui pouvait déstabiliser son pouvoir, le Togo n’a pu avoir accès à ce câble sous-marin. Les conséquences sont donc là aujourd’hui avec les défaillances connues dans les services de télécommunications.

C’est pourquoi, si à travers Togo télécom, l’on opte pour une nouvelle vision dans la fourniture de la plate forme dans un consensus avec les opérateurs des Télécoms qui sont sur le terrain, le consommateur togolais en sortira gagnant en matière de coût et de qualité et les prestataires locaux ne grinceront pas les dents d’avoir servi leurs compatriotes.

L’autre vœu pieu de la Ministre des Postes et Télécoms est la convention signée jeudi dernier avec les opérateurs sur place dans l’extension du réseau téléphonique et Internet. Il est vrai, le développement d’un pays passe de façon incontournable par les TIC. La convention en question oblige Togo Cellulaire à mettre 4 milliards de FCFA, Togo Telecom 1,1 milliard et Moov 900 millions pour installer 44 sites relais couvrant près de 190 localités au Togo. Dans une gouvernance épanouie et normale, l’extension d’un réseau devrait être l’affaire des opérateurs qui le font en fonction des coûts et des bénéfices. Si le gouvernement a les moyens de subventionner cette extension pour que le réseau soit disponible dans les hameaux les plus reculés, le gouvernement n’aura qu’à mettre la main à la poche. L’objectif est noble, mais le projet est assez théorique, comparable à un devoir de mémoire que devrait rendre une stagiaire qui prend le Togo, tout un pays comme cobaye.

Le développement d’un pays et les projets ne devraient pas se décider à vau l’eau comme c’est le cas actuellement.  Le développement se planifie en fonction des priorités.   Le Togo a des priorités en matière d’éducation, de santé et d’infrastructures. Le paysan de Glèkopé à 85 kilomètres de Lomé aura à gagner dans un bâtiment en lieu et place des trois cases qui abritent son collège qu’un réseau d’internet. De même, la ménagère de Doussidè, localité situé à environ 30Km au Nord de Sokodé, gagnerait en la construction d’un petit marché dans la localité que dans un projet d’Internet.

La population togolaise est analphabète à plus de 60%. L’Internet oblige à un niveau d’alphabétisation optimale. Donc il serait totalement absurde d’aller promouvoir l’Internet ou les nouvelles Technologies de l’Information et la Communication dans des localités ou les populations ont besoin de l’eau et de l’électricité, ou encore des soins primaires, populations qui sont en plus analphabètes. La réduction de la pauvreté devrait d’abord passer par le triptyque « se nourrir, se soigner, se vêtir ».

Les promesses démagogiques qui suscitent le décaissement des milliards de la part des opérateurs de téléphonie devraient laisser place à une gestion rationnelle et efficiente des produits des TIC au profit des populations. Le secteur des Télécommunications au Togo est très complexe depuis l’autorité de réglementations des Postes et Télécommunications jusqu’aux opérateurs en passant par le Gouvernement.

Il a été annoncé à plusieurs reprises l’arrivée d’un troisième opérateur. Pourquoi ce projet est abandonné ? D’autres propositions ont été faites dans le cadre de l’acheminement des fibres optiques, notamment à travers le réseau Haute tension de la CEB. Pourquoi ce projet est bloqué ? Qu’est ce qui motive la précipitation surprise de la Ministre des Postes et Télécommunications, Cina LAWSON, à s’intéresser du coup à la question de la qualité et du coût de la Communication avec des propositions  à la clé qui semblent trahir des deals ?

Autant de questions auxquelles nous apporterons des réponses dans nos prochaines parutions, nos investigations se poursuivant dans ce vaste domaine des télécommunications.

Carlos KETOHOU

 

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