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Tchad : Idriss Déby Itno soutenu dans ses dérives paranoïaques

Tentative de coup d’Etat, tentative de déstabilisation ou conspiration ? Difficile de qualifier avec certitude ce qui se passe au Tchad depuis le début du mois de mai, tellement les choses sont confuses. Se disant victime d’un complot visant à le renverser,  le pouvoir d’Idriss Déby Itno, en pleine dérive paranoïaque, multiplie des arrestations injustes d’opposants, d’officiers de l’armée et de journalistes sans aucune condamnation de la communauté africaine et internationale. Des dictateurs qui crient au complot et au coup d’Etat, on en voit fréquemment sur le continent. Dans un Tchad dirigé d’une main de fer et où les soupçons sont fréquents, il y a de quoi penser que le président tchadien cherchent des arguments pour museler l’opposition et faire taire une presse trop gênante.

Depuis le début de ce mois, le Tchad vit au rythme d’un présumé complot ourdi contre la personne du président Idriss Déby Itno. Dans la nuit du 1er mai, date à laquelle le gouvernement a annoncé avoir déjoué ce complot visant à déstabiliser le pouvoir du chef de l’Etat tchadien, des échanges de coup de feu ont fait six morts et plusieurs blessés. « Un groupuscule d’individus mal intentionnés a cherché à mener une action de déstabilisation contre les institutions de la République », a en effet indiqué le gouvernement tchadien, précisant que les personnes impliquées « conspiraient depuis plus de quatre mois pour remettre en cause la paix chèrement acquise »

Depuis, environ une vingtaine de personnes ont été arrêtées, dont des députés, en dépit de leur immunité parlementaire. Des officiers de l’armée ainsi que certains journalistes ont subi le même sort.

D’après Idriss Deby qui a convoqué une réunion qui a réunit les responsables de l’opposition et de la société civile, ce qui s’est passé n’est pas une tentative de coup d’État mais une « conspiration ». « Ce qui s’est passé est une conspiration, une très grave conspiration (…) Quelques présumés auteurs et complices ont été appréhendés et remis à la justice », a indiqué le président tchadien qui faisait une mise au point à propos de la situation.

Selon Idriss Déby, des preuves accablantes incriminent un « groupuscule qui aurait des connexions avec un groupe armé, au Tchad ainsi qu’en France ». Le N°1 tchadien a par ailleurs fustigé les critiques de l’opposition qui, selon lui, ternissent l’image du Tchad. Il a ajouté, à propos des arrestations en cours dans le pays, qu’il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières.

Encore faut-il croire en ces propos. Surtout qu’ils viennent d’un président considéré par certains comme l’un des plus farouches dictateurs du continent. Un président-dictateur qui, à l’instar de certains de ses homologues d’Afrique, est prêt à tout pour conserver son règne sur un pays qu’il dirige pourtant depuis 23 ans.

Presqu’aucune condamnation internationale…

Cela fait presque deux semaines que les rafles et arrestations se déroulent dans le cadre de ce soit disant « conspiration » ou « tentative de complot ». Mais, jusqu’alors, aucune condamnation ferme ni africaine, ni internationale, n’a été envoyé aux autorités tchadienne pour les rappeler à l’ordre. Au contraire, tout est fait pour encourager Idriss Deby Itno et les siens dans leur tentative d’en finir avec l’opposition.

Fidèle à ses positions souvent ambigües et contradictoires, l’Union Africaine (UA), sans même chercher à connaître le fonds du dossier, a rendu public une note dans laquelle elle dit avoir pris connaissance « avec préoccupation » de la tentative de déstabilisation contre les institutions tchadiennes, dont a fait état le communiqué du Gouvernement tchadien du 1er mai 2013.

Tout en condamnant fermement cette tentative de déstabilisation qui, selon elle, intervient à un moment où le Tchad déploie des efforts soutenus pour promouvoir son développement socio-économique et faciliter le dialogue politique, la Présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini Zuma, a rappelé la position de principe de son institution sur le rejet total des changements anticonstitutionnels de gouvernement et du recours à la violence armée pour faire valoir des revendications politiques. Par ailleurs, la patronne de la Commission de l’UA a réitéré l’appui de l’Union aux efforts en cours du Gouvernement tchadien tant sur le plan du développement que de la promotion du dialogue politique et a saisi cette occasion pour réitérer la profonde appréciation par son institution de la contribution remarquable du Tchad à la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) et a souligné les sacrifices énormes consentis dans ce cadre.

De son côté, la France, sans condamner l’attitude des autorités tchadienne, s’est dite préoccupée, se contentant d’appeler les autorités tchadiennes et l’opposition à poursuivre un dialogue politique serein et constructif. « Ce pays participe activement à la lutte contre le terrorisme au Mali et joue un rôle stabilisateur dans la région », a tenu à rappeler le Quai d’Orsay.

On le voit facilement. La France préfère saluer le rôle stabilisateur que joue le Tchad dans la crise malienne. Elle ferme donc les yeux sur les tueries et les violations des droits humains auxquelles se livrent les autorités de Ndjaména dans le cadre de la fameuse « conspiration ».

Tout compte fait, la participation tchadienne à la MISMA semble avoir profité à Idriss Déby. Il peut désormais tirer la conclusion qu’une totale impunité lui serait accordée par Paris en ce qui concerne les méthodes peu orthodoxes dont il use et abuse dans son pays.

Idriss Déby, dictateur et népotiste des temps modernes

Aucune tentative de coup d’Etat, aucune tentative de déstabilisation, aucune conspiration ou aucun complot ne se fait ex-nihilo. Si l’une de ces quatre situations survient, celui contre qui elle est dirigée doit avoir quelque chose à se reprocher. C’est bien le cas d’Idriss Déby Itno.

Arrivé au pouvoir en 1990 à la faveur d’un coup d’Etat, le président tchadien dirige depuis lors son pays d’une main de fer. La démocratie y est quasi absente, la presse est sous contrôle permanente, la liberté d’expression presqu’absente. Quant à l’opposition, elle n’a aucune marge de manœuvre et voit l’épée de Damoclès planer permanemment sur sa tête. Idriss Déby n’hésite pas à jeter ses opposants en prison quand il le désire, et pire, à les tuer s’il le juge nécessaire. Au cours de ses 23 ans de règne, de nombreuses disparitions d’opposants ont été signalées. La dernière est celle d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, dirigeant et porte-parole d’une coalition de partis d’opposition politiques non armés, arrêté et enlevé par les forces de sécurité tchadiennes en 2008 et plus précisément en février. A l’époque, l’opposition armée avait lancé une offensive contre la capitale du Tchad, N’Djamena. Depuis lors, plus aucun signe de vie de l’opposant. Pourtant, des témoins, dont sa femme, l’ont vu être arrêté à son domicile par des militaires et emmené vers une destination inconnue. Quatre ans durant que la Commission d’enquête tchadienne mise en place travaille pour faire la lumière sur cette disparition, sans aucun résultat.

Mais, ce n’est pas fini. En plus d’être un « massacreur d’opposant », le président Idriss Déby est l’un des chefs d’Etat les plus  népotiste du continent. Clientélisme, favoritisme et injustice, voilà les trois mots qui correspondent le mieux à son pouvoir.

Comme si le Tchad était la propriété privée de sa famille, Idriss Deby n’hésite pas à signer des décrets de complaisance et de favoritisme faisant la promotion de ses proches à des postes de responsabilité avec ou sans  bagage intellectuel requis ni expériences professionnelles prouvées.  Ces derniers temps, plusieurs de ses parents ont bénéficié des décrets présidentiels faisant d’eux des autorités administratives  au sein des fonctions publiques et privées au Tchad. Citons quelques exemples liés aux frères et sœurs ainsi qu’aux fils et filles du président Idriss Deby Itno.

Le Général Oumar Deby Itno est le frère du Président tchadien. Il occupe le poste de Directeur général de la DGSSIE (Direction générale des services de sécurité des institutions de l’Etat). Le Colonel Saleh Deby Itno, un autre de ses frères a été nommé Directeur général des douanes et droits indirects. Daoussa Deby Itno et Timan Deby Itno sont deux autres frères du N°1 tchadien. Ils sont l’un Ambassadeur du Tchad en Libye, PDG de la société nationale d’entretien routier (SNER), opérateur économique (monopole des marchés de l’Etat) et l’autre Sultan (par décret) de la communauté ethnique du Président Deby.

Les sœurs du président ne sont pas du reste. La première, Itir Deby Itno, est la Maire-adjointe de la ville de Ndjaména et opératrice économique. La seconde, Haïga Deby Itno, est opératrice économique, directrice d’un service de douane parallèle. Elle encaisse 15% sur toute transaction douanière selon certaines enquêtes.

Les enfants du président profitent aussi du clientélisme de leur géniteur. Zakaria Idriss Deby Itno, Adam Idriss Deby Itno, Mahamat Idriss Deby Itno et Daoussa Idriss Deby Itno sont quatre de ses fils. Ils occupent respectivement les fonctions de Directeur de Cabinet civil adjoint du Président de la République ; Chef d’Etat major de la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’Etat (DGSSIE) ; Commandant de la garde présidentielle et du groupement des blindés et Directeur Général des grands projets présidentiels. Leur sœur, Amira Idriss Deby Itno, est opératrice économique et détient le monopole du marché des véhicules de l’Etat.

La magnanimité du président tchadien s’étend également à ses neveux et cousins. Hamada Mahamat Youssouf Itno, Siddick Timane Deby Itno, Ousmane Bahar Mahamat Itno, Taher Youssouf Boye, Hissein Mahamat Tolli, tous ses neveux sont respectivement Chef d’état major général des armées 1er adjoint ; Directeur du matériel à l’état major général de l’armée ; Directeur général 2ème adjoint de la DGSSIE ; Directeur général adjoint de la Police nationale ; Directeur des écoutes téléphoniques à l’Agence nationale de sécurité (ANS), la police politique du régime.

15 autres neveux et nièces du chef de l’Etat tchadien occupent les postes de Directeur du génie militaire et incendie ; Aide de camp du Président de la République ; Ambassadeur du Tchad en Arabie Saoudite ; Directeur général des impôts et domaines ; Directeur général des impôts et taxes des grandes entreprises ; Directeur général de la cimenterie du Tchad ; Directeur administratif et financier de la cimenterie du Tchad ; Secrétaire général de la Primature ; Secrétaire général adjoint du ministère chargé des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Contrôleur financier au ministère de la Femme et des Affaires sociales ; Contrôleur financier à l’office tchadien de radio et télévision (OTRT) ; Opérateur économique, Fournisseur officiel de l’armée nationale Tchadienne ; Gardien Officiel des bétails (bovins, caprins, ovins) de l’Etat ; Directeur général de la société nationale d’établissement des passeports, cartes d’identité nationale, des permis de conduire et cartes grises ; Directeur général de la société nationale des services domaniaux et fonciers ; Directeur général adjoint de la société industrielle de matériels agricoles et d’assemblage des tracteurs (SIMATRAC).

Abdoulaye SOGOUR, cousin du président, est le Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Le Général de Brigade Daoud Yaya, Hachim Mahamat Direy, deux autres cousins d’Idriss Deby Itno, sont respectivement Directeur général de la DGSSIE, 1er adjoint (Direction générale des services de sécurité des institutions de l’Etat) et Directeur général de l’Agence Nationale de sécurité (ANS), la police politique.

Et comme si tout cela ne suffisait, le président tchadien à nommé à des postes de responsabilité et pas des moindres, les Epoux de ses filles et leurs frères. Trésorier Payeur Général ; Directeur Général de la Banque Commercial du Chari (BCC) ; Ambassadeur du Tchad aux Etats Unis d’Amérique ; Directeur des affaires administratives financières et matérielles au Ministère de la Santé ; Chef d’Etat-major de l’Armée de Terre ; Commissaire chargé de l’organisation du pèlerinage à la Mecque ; Directeur Administratif et Financier de la Société Tchadienne des Hydrocarbures (STH), voilà où ils ont été propulsés.

Quand on dirige mal son pays, quand la gouvernance rime avec la corruption, le vol, les détournements, le favoritisme et le clientélisme, quand le pouvoir commence par s’user du fait de sa longévité, on ne peut que soupçonner permanemment les autres d’être des comploteurs et des conspirateurs.  Idriss Déby, décidément, profite de la place que lui donne l’intervention de son armée au Mali, pour se débarrasser de ceux qui gênent son régime.

Rodolph TOMEGAH

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