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Simone Gbagbo : La parodie…

Scandaleuse parodie de procès où se sont invités, aux yeux du monde, magistrats et juges, avocats et politiques dans une affaire qui finira par déboucher sur un verdict, injuste, à la limite, ridicule. Simone Gbagbo, l’épouse de l’ex-chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo (en instance de jugement à la Haye) a été condamnée à 20 ans de prison et 10 ans de privation de droits civiques, dans un procès chaotique où tout a été dit sauf …le droit universel.

Le procès de Simone Gbagbo et de ses co-accusés a étalé aux yeux du monde la dépendance de la justice ivoirienne à l’exécutif en dépit des belles professions de foi des autorités.

La justice n’a pas su jouer son rôle de faire triompher la vérité absolue.

Durant les débats, les témoins à charge n’ont pas démontré ou apporté les preuves d’accusation des inculpés pour leur rôle lors de la crise postélectorale.

Sur quelle ‘’conviction intime’’, la Cour a-t-elle rendu son verdict aussi disproportionné que diffus ? Que pouvait-on attendre d’une Cour où les jurés sont à majorité issus d’une région du pays (le Nord) dont les populations clament haut et fort qu’elles ont été victimes du précédent régime dont des tenants comparaissaient ? Et la cerise sur le gâteau, la présence parmi ces jurés de la porte-parole adjointe du parti d’Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR). Tout était accompli pour une mascarade.

Au cours du procès donc, le constat était clair : la justice a royalement ignoré l’absence de preuves contre Simone Gbagbo, Abou Drahamane Sangaré, Géneviève Bro Grébé, Affi N’guessan, Jean Jacques Béchio,…pour les condamner à des peines qui frisent l’indécence.

«C’est un verdict scandaleux et de loterie », a dénoncé Me Mathurin Dirabou, doyen du collectif des avocats de la défense qui a annoncé un pourvoi en cassation.

Comme dans un film d’action où le ‘’brave’’ apparaît dans les ultimes moments pour sauver les siens, l’Exécutif ivoirien s’apprête à jouer sa partition.

Pour attester de la ‘’légendaire’’ magnanimité du chef. Me Habiba Touré , avocat de Simone Gbagbo en référence à une probable grâce présidentielle , a imagé, pour sa part une situation qui vaut son pesant d’or : « Maintenant, si Alassane Ouattara se prend pour un César, qui peut lever ou abaisser le pouce pour sauver un condamné, c’est son problème, » une possibilité de plus en plus évoquée dans les salons feutrés d’Abidjan et dans les chancelleries occidentales établies en Côte d’Ivoire.

D’ailleurs, le président ivoirien avait laissé entrevoir cette possibilité quand en janvier, soit quelques jours après l’ouverture du procès, il faisait remarquer qu’une fois que l’affaire sera au jugement, il (le chef de l’État) a un certain nombre de prérogatives en matière de grâce et d’amnistie à proposer à l’Assemblée nationale.

Quand lui-même, chante à qui veut l’entendre que « les Ouattara font toujours ce qu’ils disent », il n’y a pas de doute que dans les jours, semaines ou mois à venir l’une de ces options soit engagée en faveur des condamnés : ‘’Cela montre bien que la démocratie n’est pas réelle en Côte d’Ivoire où la justice est instrumentalisée’’ se désole Me Habiba Touré.

Une remarque justifiée d’autant plus que les condamnés et principalement, Simone Gbagbo n’a pas encore regagné la tristement célèbre Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) où elle devrait séjourner pour purger sa peine au lieu d’être gardée en ‘’lieu sûr’’ dans une ‘’villa aménagée’’ de la capitale économique ivoirienne après 3 ans en ‘’résidence surveillée’’ à Odienné (970 km au nord-ouest du pays).

Ce procès rendu la semaine dernière à Abidjan en rappelle un autre qui avait inspiré un avocat célèbre à qui nous donnons raison aujourd’hui. Me Sidiki Kaba, actuel ministre de la justice de son pays affirmait à la barre du procès de Laurent Gbagbo en 1992 au palais de justice d’Abidjan que « si la politique entre dans le temple de Thémis par la porte, le droit sort par la fenêtre ».

Citation à l’époque pour décrire la parodie de procès ‘’des casseurs’’ dans lequel Laurent Gbagbo, alors Secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) et plusieurs démocrates étaient poursuivis suite à la marche pacifique du 18 février de la même année.

Cette marche, on se rappelle était consécutive à une descente punitive de la Firpac (Force d’intervention rapide et para commando), une élite de l’armée ivoirienne sur la cité universitaire de Yopougon (quartier populaire d’Abidjan), en mai 1991.

L’élite militaire, dans sa fougue, avait sur son passage, tout cassé, bastonné d’une rare violence les étudiants, avec mort d’hommes, et violé les étudiantes…

L’impunité dont ont bénéficié ces militaires sous le régime de feu Houphouët-Boigny a révolté l’opposition conduite par le FPI de Laurent Gbagbo pour réclamer justice.

Le président Houphouët-Boigny avait donné dans l’impunité. Il s’était justifié à l’époque en déclarant ne vouloir pas subir un effet boomerang de sa politique de sanction des éléments en treillis : « je ne peux pas retourner mon propre couteau contre moi-même », comme pour décerner un « brevet de tuer » aux soldats.

Le verdict spectaculaire dans l’affaire Simone Gbagbo et ses 78 co-accusés, a le mérite de creuser davantage la méfiance du justiciable, envers une justice qui refuse, curieusement, de prendre son indépendance.

Des hommes et femmes politiques sont condamnés alors qu’aucun témoignage crédible encore moins de preuves irréfutables ne les accusaient dans un procès fort médiatisé qui a duré, exactement, 2 mois, 1 semaine et 3 jours pour rendre un verdict qui résume la plaidoirie de Me Kaba en 1992 : « « si la politique entre dans le temple de Thémis par la porte, le droit sort par la fenêtre.».

Pour le procès de Simone Gbagbo, c’est clair, le droit s’est échappé par la fenêtre, parce que, la politique est rentrée par la porte…. La grande porte.

 

Yann K. David

Alassane OuatarraCôte d'Ivoiresimone Gbagbo
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