Présentée lors de la conférence annuelle sur le rétrovirus à Seattle, mardi, deux études ont montré que la prise du Truvada, à titre préventif, avant et après une relation sexuelle à risque, offre une protection élevée contre le VIH.
C’est officiel : il existe désormais un médicament de prévention élevée du sida. Son nom : le Truvada. Cette petite pilule bleue prise par un séronégatif juste avant et juste après un rapport sexuel avec un séropositif est efficace à 86 %. « C’est une excellente nouvelle, ça faisait des années qu’on attendait un outil, autre que le préservatif », s’est réjoui Vincent Pelletier, directeur général de l’association de lutte contre le sida AIDES. « C’est même mieux que ce que pourrait faire un vaccin », a commenté de son côté le Professeur Molina, de l’Hôpital Saint-Louis, à Paris.
L’essai clinique, baptisé Ipergay, lancé il y a deux ans, était une première du genre, ont souligné les chercheurs de l’Agence nationale française de recherche sur le sida (ANRS). Il a été mené auprès de 414 homosexuels « à risque » âgés de 35 ans en moyenne en France et au Canada, dont la moitié ont pris un placebo et l’autre du Truvada au moment des rapports sexuels, deux comprimés 24 heures avant et deux de 24 à 48 heures après.
Diminution de 86 % du risque d’infection
Une deuxième étude menée par des chercheurs britanniques (baptisée Proud) sur le même sujet a également été présentée à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), réunie cette semaine à Seattle. Dans les deux études, les résultats sont étonnants.
Ils font état d’une diminution de 86 % du risque d’infection. Les résultats d’Ipergay et de Proud « confortent l’efficacité de la prophylaxie pré-exposition (Preep) pour réduire le risque d’infection par le VIH », a déclaré dans un communiqué le Dr Jonathan Mermin, directeur du centre du sida aux Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Le Truvada, uniquement commercialisé pour traiter les séropositifs
Le Truvada n’est pas une nouveauté. Il est commercialisé en France depuis une dizaine d’années, mais il est exclusivement réservé dans le traitement des personnes déjà contaminées : les séropositifs. Il est interdit à la prescription à titre préventif. Les différentes associations de lutte contre le sida attendent une nouvelle autorisation de mise sur le marché pour pouvoir le commercialiser aux populations séronégatives les plus exposées.
« Nous avons demandé il y a deux ans une RTU [recommandation temporaire d’utilisation] pour pouvoir le délivrer en urgence aux personnes les plus à risques en attendant sa mise sur le marché à titre préventif », explique Antoine Henry, responsable de la communication chez AIDES qui rappelle le prix du médicament : 500 euros, intégralement remboursés, pour une boîte de 30 comprimés. Le Truvada est en revanche disponible sur le marché américain, à titre préventif, depuis 2012.
Le Truvada n’est pas la panacée
Reste à savoir comment les populations à risques se comporteront face à ce médicament préventif. Vont-elles abandonner le préservatif ? Plusieurs associations s’inquiètent. Son port est pourtant indispensable pour limiter la contamination d’autres MST, comme la gonorrhée, la syphilis, l’hépatite C ou une infection à Chlamydiae. « Le préservatif reste pour l’heure la meilleure prévention », souligne le Pr Jean-Michel Molina qui a coordonné l’essai clinique Ipergay.
L’hebdomadaire « Courrier international » rappelle à ce titre que la AIDS Healthcare Foundation de Los Angeles craignait déjà en 2012 que la prise de Truvada ne précède « un désastre de santé publique en gestation ». « Les hommes préfèrent les rapports sexuels sans préservatifs. C’est un fait. Et si vous leur donnez un blanc-seing, ils vont l’utiliser. Ceux qui se protègent aujourd’hui pourraient cesser de porter des préservatifs », s’alarmait Michael Weinstein, président d’AIDS au Toronto Star.
Avec AFP et France 24