Le dialogue, encore le dialogue, et toujours le dialogue. On n’en finira pas, et le pays est toujours en crise. Rien que par la mauvaise foi d’un groupe de potentats, qui n’ont aucune envie de céder à l’alternance. En plein siècle de mutation, le Togo s’illustre négativement par son refus systématique de la démocratie. A la suite de la pression populaire exercée par le peuple, tout le peuple réuni au sein du Collectif sauvons le Togo, le pouvoir de Faure Gnassingbé dresse encore le tapis noir du dialogue, auquel l’on ne peut plus se faire berner. Le rendez-vous manqué de l’opposition est cette fois plus sérieux. Plus de confiance, plus de sincérité, plus de bonne foi à espérer du pouvoir de Faure Gnassingbé qui s’accapare du pouvoir politique et économique, sans partage et dans la gabegie la plus totale. Il y a aujourd’hui donc de très bonnes raisons pour dire non au dialogue lancé par le pouvoir aux abois et penser à négocier le départ de régime de la torture, de l’impunité, de la mal gouvernance, de l’arrogance, des répressions, des tueries, des massacres. Il est temps que tous et ensemble, les peuples s’unissent et que la communauté internationale aide à une transition pacifique au Togo. L’Etat de Droit et la démocratie en ont besoin. L’histoire politique a donc eu raison d’un régime qui est habitué à flouer un peuple, une Afrique, un monde, et l’avenir politique oblige à obtenir le départ de ce pouvoir.
Un dialogue en appelle un autre, une histoire politique en appelle une autre, un fait politique en appelle un autre. Aujourd’hui encore, le pouvoir appelle les acteurs politiques à un nouveau dialogue, dans le mépris, l’inconsidération et la mauvaise foi. Le folklore organisé vendredi dernier entre Ahoomey-Zunu et des partis satellites du régime en place n’avait pour but que de distraire une opinion de plus en plus exigeante et menaçante. Mais les faits tels que vécus dans le passé avisent à suffisance qu’aucun dialogue dans les conditions actuelles ne peut ramener la confiance au Togo. Un marché de dupes constamment organisé.
Un passé assez édifiant
La situation au Togo est marquée depuis une vingtaine d’années par une impasse sociopolitique, un déclin économique et financier, une pauvreté croissante, un désengagement des bailleurs de fonds en raison du déficit démocratique. C’est ainsi que le pouvoir incarné par Gnassingbé Eyadema a été contraint d’accepter le multipartisme qui devrait faire obligation à la démocratie. L’opposition togolaise pour mener à bien son combat s’est organisée au prime abord en Collectif de l’opposition démocratique (COD) I et II. La dislocation de ce collectif a laissé place au Front d’action pour le renouveau puis par la suite à certains partis politiques présents actuellement sur l’échiquier national. Au moment où le multipartisme suit son cours, la démocratie, quant à elle, traîne les pas. Les élections législatives et présidentielles sont organisées d’année en année pendant que les locales sont laissées aux oubliettes. Mais les résultats de ces élections sont toujours contestés et les manifestations réprimées dans le sang. Le pouvoir RPT (Rassemblement du peuple togolais) est très hostile aux mouvements de protestation et à la démocratie. L’opposition qui voulait coûte que coûte l’avènement de la démocratie ne baissait pas les bras dans la contestation. Des mouvements se succédèrent jusqu’en Janvier 1993 où le massacre de Fréau Jardin (actuelle Place Anani Santos) a eu lieu devant deux ministres européens (français et allemands). De retour dans leur pays respectif, l’Union européenne a décrété l’embargo économique en suspendant sa coopération avec le Togo pour déficit démocratique. Des années passèrent et le pouvoir de Lomé essayait de lancer des dialogues avec l’opposition afin que l’Union européenne puisse reprendre sa coopération avec le pays. Des négociations et des dialogues, il y en a eu : de Colmar à Ouagadougou en passant par Cotonou, on note près d’une quinzaine. En avril 2004 des consultations entre le Togo et l’Union Européenne ont été engagées au titre de l’article 96 de l’Accord de partenariat de Cotonou. Dans ce contexte le gouvernement a pris 22 engagements dans le domaine du renforcement de la démocratie, des droits de l’homme et du respect des libertés fondamentales, avec des principes de bonne gouvernance. Pendant cette période on a constaté un début de renforcement du dialogue politique entre le Togo et l’Union européenne, illustré par la tenue des missions de suivi des 22 engagements. Entre temps Eyadema mourut et son fils Faure prit la relève.
Le gouvernement, l’opposition, les 22 engagements et l’UE
Faure Gnassingbé, après son avènement au pouvoir a lancé le dialogue national inter togolais le 18 novembre 2005 dans le cadre de ces 22 engagements dans l’optique de consolider les progrès réalisés. Ceci a abouti à la signature le 20 août 2006 d’un Accord Politique Global entre le Gouvernement, les partis politiques et la société civile. Un Gouvernement d’ Union nationale a été constitué avec comme mission principale la tâche d’organiser les élections législatives, qui se sont finalement tenues le 14 octobre 2007. Ces élections ont été jugées globalement satisfaisantes par la mission d’observation de l’Union Européenne. Mais cela n’était pas de l’avis de l’Union des forces de Changement (UFC) qui continue de dénoncer des résultats disproportionnés par rapport au nombre de voix obtenus en sa faveur. Le découpage électoral étant mal fait. Sur la base des résultats de cette élection, l’Union européenne a décidé de lever certaines restrictions qui pesaient sur le Togo et d’abroger la décision portant conclusion de la procédure de consultation avec le Togo.
Des secteurs de développement étaient financés pour donner un peu de souffle à la population. Le premier secteur de concentration retenu était la gouvernance et l’appui aux réformes économiques et institutionnelles. Les principaux objectifs étaient le renforcement de l’état de droit et de la démocratie et le respect des libertés fondamentales conformément aux 22 engagements avec l’UE : appui à la réforme de la justice, appui aux processus électoraux, y compris le soutien à une réforme du secteur de la sécurité. L’appui institutionnel aux administrations et à la gestion des finances publiques devrait contribuer à soutenir les réformes institutionnelles.
Le second secteur où les efforts de l’UE étaient concentrés concerne l’Appui à la relance économique à travers l’appui aux infrastructures. Les principaux objectifs visés étaient l’intégration dans l’économie régionale à travers une meilleure interconnexion des infrastructures de transport, l’amélioration de l’efficacité du sous-secteur des infrastructures routières, notamment leur réhabilitation et entretien périodique, l’amélioration des conditions d’existence et du cadre de vie des populations à travers la réhabilitation et la construction d’ouvrages d’hygiène et d’assainissement et la lutte contre le chômage par l’utilisation des techniques à haute intensité de main d’œuvre. Dans le cadre de l’appui macro-économique, l’apurement des arriérés de paiements sur la dette extérieure permettra d’aider le Togo à normaliser ses relations avec la communauté financière internationale. Ces appuis de l’UE et d’autres partenaires ont été obtenus et pourtant les problèmes politiques et sociaux restent entiers : réformes constitutionnelles et institutionnelles restent entières, le verbe chômer se conjugue toujours au présent chez les jeunes, la croissance toujours à la traîne et la survie quotidienne demeure un parcours de combattant. Et pourtant l’APG était brandi comme un trophée de guerre par le gouvernement qui se félicitait d’avoir fait beaucoup de concessions à l’opposition.
Un régime jamais sincère
Les clauses de l’APG en ce qui concerne les réformes constitutionnelles et institutionnelles devraient se poursuivre après la mise en place du gouvernement d’Union présidé à l’époque par Me Yawovi Agboyibo. Mais rien n’y fut fait. Très tôt, Faure Gnassingbé a pris le goût du pouvoir et n’entendait pas voir ces réformes s’opérer. Tout était mis en œuvre pour rafler les résultats des élections législatives de 2007 pour avoir les coudées franches pour mener à bien ses manœuvres et s’éterniser au pouvoir. Le CAR s’en était sorti avec un piètre score et le RPT s’est vite débarrassé de lui.
Mais dans la logique de l’APG, quel que soit le premier ministre qui est aux affaires, les réformes devraient se poursuivre de bonne foi. Mais les calculs politiciens et la logique de conservation du pouvoir font fouler aux pieds ces réformes qui sont jugées dérangeantes notamment la limitation du mandat présidentiel et le scrutin à deux tours. C’est ainsi que beaucoup de politiciens togolais se sont rendus compte que le pouvoir RPT est déterminé à les flouer à travers le jeu de pseudo-dialogues.
La plupart de ces derniers radicalisent leur position et ne veulent plus se faire prendre au piège.
Par contre, il y a des partis réduits à l’ombre de leur président ou qui se comportent comme des serpents de mer qui apparaissent lorsqu’un enjeu se présente et disparaissent lorsque cet enjeu n’y est plus.
Généralement, c’est le pouvoir qui ressuscite ces partis en voie de disparition pour en faire son opposition de circonstance. Des cadres de concertation et de dialogue (CPDC) se sont succédés chacun avec son qualificatif : dialogue inclusif, CPDC rénové, dialogue à quatre (partis parlementaires et gouvernement), patati patata.
Tous ont capoté à cause de la mauvaise foi des gouvernants. Le dernier en date est l’invitation adressée jeudi dernier par l’actuel Premier ministre, Séléagodji Ahoomey-Zunu aux partis politiques et à la société civile.
Vendredi dernier, certains ont répondu à son appel. Parmi eux, on note l’Union des forces de changement de Gilchrist Olympio, UNIR de Faure Gnassingbé, l’Alliance de Dahuku Péré, le PDR de Zarifou Ayéva, la CPP de Francis Ekon, ces trois derniers ne représentant que l’ombre de leur président.
A ces formations politiques se sont ajoutées deux organisations de la société civile, le REFEMP- Togo et GF2D qui soufflent elles aussi le chaud et le froid.
La réunion de vendredi avec le premier ministre a ressemblé fort à un conseil des ministres bis puisque la plupart des entités présentes ont déjà leurs membres au gouvernement.
Ainsi dialoguer avec ceux qui sont déjà acquis à sa cause n’est que du bluff.
Même Nicolas Lawson du PRR (Parti du renouveau et de la rédemption) qui a répondu à certains rendez-vous du CPDC, a décliné l’invitation en des termes sévères dans un courrier réponse adressé au Premier ministre.
Ceux qui prennent la peine de participer au dialogue avec le pouvoir finissent toujours d’une manière ou d’une autre à le regretter parce que les conclusions ou recommandations sont vite laissées dans les tiroirs et le gouvernement continue de faire à sa tête. Ce qui fait que les partis qui ont su refuser à temps l’invitation au dialogue, se trouvent ragaillardis et se félicitent d’avoir eu le flair de boycotter un marché de dupes.
En tout cas, les entités regroupées du Collectif Sauvons le Togo (CST) et la Coalition Arc-en-ciel ne veulent pas se faire prendre aux pièges.
Solidairement, ils ont opposé une fin de non recevoir à l’Exécutif qui fait la sourde oreille à leurs revendications en vue d’un apaisement sociopolitique. A en croire Me Zeus AJAVON du CST, « si nous devons dialoguer avec le pouvoir, c’est pour discuter des conditions de leur départ », avait –il confié lors de la marche de protestation samedi dernier.
Pour le Collectif, le pouvoir a montré ses limites en ce qui concerne les dialogues par manque de sincérité. Sinon comment inviter un Collectif dont les militants ont encore des plaies à panser et d’autres en prison? Pourquoi brimer les gens qui ne réclament que leurs droits constitutionnels ? Le Collectif estime que le pouvoir a rompu ses chances de dialoguer et ne mérite que la désobéissance civile pour plier ses bagages.
Au-delà de toute considération, il revient au pouvoir de prendre une résolution ferme et franche de mettre l’opposition et le peuple en confiance.
Sinon on n’a pas besoin de dialogue pour opérer les réformes tant voulues par l’opposition. Il en est de même pour les revendications sociales tous azimuts qui ont cours dans le pays.
Un entêtement de sa part risque d’envenimer la situation et engendrer le chaos.
L’heure est maintenant au réalisme et au concret. Un terme doit être mis à l’évasion pour une politique axée sur des résultats.
Le processus démocratique ne saurait être une marche à reculons ni une eau stagnante.
Autrement la multiplication des dialogues sans effets est une déperdition des ressources et de temps.
Les acteurs politiques et les observateurs devraient s’en aviser.