Le poste de coach intérimaire est toujours difficile. Encore plus à Chelsea. Non seulement, il faut gagner tout de suite, mais en plus, il faut satisfaire Roman dans la manière. Dans ce contexte, remplacer Di Matteo, légende vivante des Blues (dans le 11 idéal de l’histoire du club), s’annonce périlleux. D’autant, et il n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat en ressources humaines pour se rendre compte, que Benítez n’a pas le profil idéal pour un poste d’intérim, lui qui a toujours exigé deux choses : du temps et de l’argent.
Gestion des cadres : un AVB bis ?
À l’été 2010, Rafa arrive à Milan avec un tas d’idées pour transformer l’Inter de Mourinho. La défense profonde qui avait fait le succès de Samuel et Lúcio ne lui plaît pas, et le milieu de terrain intériste ne presse pas assez. Benítez exige Kuyt et Mascherano, fait jouer Biabiany et Coutinho, et se met à dos les cadres du vestiaire. Il finit par se faire virer après la victoire au Mondial des clubs, lors duquel il préfère donner quelques minutes de jeu à Mariga plutôt qu’à Materazzi. Marco dira plus tard de lui : « Il pensait tout savoir, mais un homme qui agit ainsi a tout simplement peur de son ombre. (…) Benítez était un agent de circulation au volant d’une Formule 1 ».
Après être parti de Valence et de Liverpool sur des désaccords avec la direction, Benítez réitère avec Moratti. Les négociations s’annoncent musclées avec Roman… L’histoire est souvent pleine de malice, car le rapprochement avec Villas-Boas est évident. À l’été 2011, AVB débarque dans le West London avec ses théories et ses certitudes, et finit par se faire dégager par les cadres du vestiaire au bout de quelques mois. Sacchi le dit lui-même en 2010 : « Benítez est un entraîneur qui s’est formé théoriquement et non de manière pratique. (…) C’est un universitaire ». La première condition de succès sera donc de savoir convaincre le vestiaire de ses idées tactiques. Et elles sont nombreuses.
Roman s’achète Arrigo Benítez
On sait que Roman Abramovitch fonctionne depuis des années selon une logique de marques. Villas-Boas le faux Mourinho. Obi Mikel le faux Essien. Lukaku le faux Drogba. Cahill le faux Terry. L’image est importante, et celle donnée par la victoire en LDC n’a pas plu au Russe, qui veut à tout prix du tiki-taka, ou au moins du beau jeu. Benítez « le nouveau Sacchi » est un choix évident, et tant pis si les mauvais souvenirs de Luis García sont encore frais dans les mémoires blues. Effectivement, lors de ses fréquentes visites à Coverciano (centre d’entraînement de la Fédération italienne de football), Benítez était surnommé Arrigo Benítez. L’héritage du maître italien étant complexe, tant le 4-4-2 et l’idée de football total semblent opposées dans les normes tactiques actuelles. Disons donc que Benítez est aujourd’hui le technicien dont les idées sont « les moins éloignées » de celles de Sacchi.
C’est-à-dire ? « J’aime les équipes techniques et agressives qui ne laissent pas les adversaires jouer. J’aime les équipes qui jouent le ballon avec vitesse et cherchent à marquer avec le moins de passes possibles ». Le Madrilène aime le 4-2-3-1 (ou 4-5-1), la possession, le pressing et la vitesse. Décrit comme un tacticien très dur et exigeant, ses formations ont ainsi toujours donné l’impression d’un bloc très compact, avec une défense haute, très peu d’espace entre les milieux et les centraux plus des ailes doublées en défense. En phase de possession, on retrouvera les remontées de balle en triangle si chères au Madrilène. En phase défensive, on verra un pressing intense et d’importantes prises de risque…
Et si cela marchait ?
S’il remporte la Liga dès sa première saison à Valence, les différences dans le jeu sont minimes avec la formation défensive d’Hector Cuper (seulement 51 buts marqués notamment). Et c’est finalement au bout de sa troisième saison au Mestalla que ses idées prennent forme, avec une saison fantastique : 71 buts marqués, la Liga et la Coupe UEFA. Donc, si Benítez a besoin de temps, il a montré à Liverpool (Champions League 2005) et à Valence qu’il savait gagner dès sa première saison. D’une, Benítez retrouvera Fernando Torres, qui ne doit pas être contre l’idée d’avoir plus de possession et plus de ballons à négocier. De deux, ce Chelsea est bien plus jeune que celui de Villas-Boas.
Azpilicueta, David Luiz, Cahill, Ramires, Mata, Hazard, Oscar, Mikel ou encore Romeu sont tous dans une forme physique idéale pour supporter les exigences des idées de Rafa. Les cadres Terry (blessé) et Lampard auront de moins en moins d’influence avec le temps. De trois, l’équipe est nouvelle et plus apte à recevoir de nouvelles idées. Si Benítez et Roman trouvent en janvier ce fameux milieu organisateur, ce Modrić ou ce Xabi Alonso, pour contrôler les rythmes du match, il se peut que Chelsea grandisse sous les ordres de Rafa. Il faudra d’abord réussir à convaincre tout un vestiaire. Samedi, c’est le leader City qui rendra visite à Stamford Bridge.
So Foot