Le récit que vous allez parcourir est émouvant et si l’auteur a décidé de dire ces vérités, c’est qu’il refuse de se laisser infliger une injustice issue d’un complot ourdi par la société Total Gaz, la maison d’Assurance ALLIANZ et la Justice togolaise. Depuis douze ans qu’il a failli perdre la vie dans l’explosion de gaz qu’il s’est procuré, tout le monde le tourne en bourrique, priant sadiquement qu’il perde la vie et que le dossier se noie définitivement en leur faveur. Des sociétés de gaz et d’assurance qui refusent de faire dire le droit, une justice qui planque le dossier dans les placards, un avocat nommé Tchitchao Tchalim qui semble se mettre en complicité dans le complot, face à son silence suspect, tout était réuni pour que le dossier Bonnet reste éternellement dans l’impasse. 12 ans après donc, le dossier a été jugé après une cinquantaine de renvois. Il sera délibéré et vidé le 03 avril prochain. Une bonne nouvelle pour la victime française que nous avons approchée et qui est revenu sur cette période difficile de sa vie marquée de douleurs, de privations et d’angoisse.
- Philippe Bonnet s’est rappelé de ce jour du 03 mai, de cette brûlure, de ces jours d’hospitalisation, de ses masques de contention, de ses activités économiques, mais aussi de son traumatisme.
Sur le délibéré, il espère que le droit sera dit pour qu’il bénéficie d’un jugement digne d’une justice souveraine. Voici l’interview accordée par l’expatrié français.
ACP Inter : Monsieur
Philippe Bonnet : Merci, c’est vrai, j’aime plus trop parler de cette affaire, mais le devoir de vérité et votre insistance me l’imposent. Je m’en souviens comme si c’était encore hier, c’était le 2 mai 2003, comme régulièrement, j’ai eu besoin de gaz pour la cuisine de mon restaurant. J’ai chargé dans ma voiture deux bouteilles de gaz vides que je suis allé échanger a la station essence TEXACO sise angle avenue de Duisburg a Lomé, pour les remplacer contre des bouteilles pleines, je me souviens d’ailleurs que c’était les dernières en stock.
En tant que cuisinier, par méfiance envers le gaz, je charge moi-même les bouteilles dans le coffre en vérifiant qu’elles soient bien fermées et calées. Ce que j’ai fait.
Ensuite je me suis rendu a l’hôtel Ecole du Bénin devenu Hôtel IBIS, ou j’avais rendez-vous avec deux amis dont Monsieur GEORGES André patron du restaurant IBISCUS et Monsieur BONNET Eric chef de cuisine au MERCURE SARAKAWA, pour une vente de matériel d’occasion suite à la cession de l’Hôtel Ecole du Bénin.
Je me suis donc garé à l’ombre devant l’hôtel. Après environ trente minutes nécessaires a la visite du matériel, mes amis m’ont raccompagné à la voiture. Toujours par soucis du gaz, j’ai ouvert mon coffre pour vérifier si les bouteilles étaient bien calées et à ma grande surprise, j’ai senti que les deux bouteilles fuyaient.
Aussitôt avec mes amis nous avons retiré les deux bouteilles du coffre pour les poser sur le trottoir en resserrant les bouchons qui s’étaient desserrés. Ensuite nous nous sommes salués et j’ai regagné mon véhicule .
Je dois préciser que ce véhicule m’avait été prêté par Monsieur LABLAIS François (garagiste) . C’était une VOLVO immatriculée RT 6649 V.
Lorsque je suis remonté dans la VOLVO, j’ai senti une forte odeur de gaz. J’ai aussitôt ouvert les deux vitres avant et j’ai encore attendu deux minutes avant de démarrer le moteur. Passé ce temps j’avais l’impression de ne plus sentir le gaz, j’ai donc pris la décision de démarrer. J’ai roulé environ 20 mètres et au moment où j’ai mis mon clignotant pour tourner à gauche, une très forte explosion s’est produite suivie immédiatement de l’embrasement total de l’intérieur du véhicule.
C’est pendant ce laps de temps que j’ai brulé vif. J’ai enfin pu m’extraire de la VOLVO tant bien que mal. J’ai pu me rendre compte que j’avais des lambeaux de peau qui pendaient sur mes mains, mes bras et mes jambes. J’ai rejoint mes amis qui assistaient impuissant à la scène d’horreur.
Ils m’ont aussitôt installé sur la banquette arrière de leur voiture pour me transporter a la clinique ESPERANCE de Lomé.
Vous devriez avoir vécu l’enfer avec la brûlure, on imagine ?
Bien sûr, pendant le transport, je me sentais horriblement mal et j’avais très soif. Ne sachant pas, mes amis n’ont pas osé m’hydrater.
Arrivé à la clinique ESPERANCE vers 11 heures, j’ai aussitôt été pris en charge par le personnel hospitalier et le Docteur AYEVA. Heureusement nous étions assurés pour le rapatriement et la maladie par EUROP ASSISTANCE et la MFFOM.
Sans cela je ne serai plus de ce monde.
Et qui s’est donc occupé de vous pour la suite de la mésaventure ?
C’est mon épouse et le médecin de l’Ambassade de France de l’époque qui ont pris les choses en main et qui ont fait le forcing auprès du Docteur AYEVA pour me faire rapatrier car je pense qu’il ne s’était pas rendu co
Nous avons attendu jusqu’à 4 heures du matin pour qu’un Falcon médicalisé arrive de France avec a bord deux médecins urgentistes et que je puisse enfin recevoir de la morphine.
Mon épouse m’a accompagné, mais notre fille Marie alors âgée de 16 ans, étant en période d’examens au Lycée Français de Lomé n’a pas pu venir avec nous. Elle a été prise en charge par Monsieur BONNET Eric, cuisinier au MERCURE SARAKAWA, avec tout ce que cela comporte de traumatismes pour elle et pour nous.
Arrivé à l’hôpital PERCY de Clamart, Centre de Traitement des Grands Brulés, le 3 mai à 16 heures, j’ai été pris en charge et les médecins m’ont mis dans un coma artificiel avec morphine et assistance respiratoire jusqu’au 25 mai 2003 (plus de 3 semaines).
Sans doute des séquelles important pendant cette mort artificielle et quel a été le résultat ?
Bien entendu, de ce mois, je n’ai aucun souvenir.
Le compte rendu de l’hôpital PERCY est que j’ai été brûlé et greffé à 31% de la surface cutanée avec 5% de blessures profondes. Ces blessures ont nécessité une transfusion sanguine.
Pendant ce mois, mon épouse a dû se loger à l’hôtel, manger au restaurant, prendre des taxis et effectué plusieurs dépenses….dans l’urgence et la douleur….sans forcément pensé à rassembler les factures.
Vous en êtes sorti fort heureusement de l’hôpital de Percy, mais vous n’étiez donc pas sorti de l’auberge ?
Je suis sorti de l’hôpital PERCY le 2 juin 2003 en fauteuil roulant et j’ai été transféré par ambulance jusqu’à l’hôpital LEON BERERD de Hyères (VAR) avec à bord deux ambulanciers et mon épouse. Le voyage a été pénible pour moi car l’effet de la morphine avait disparu et les ambulanciers n’avaient pas l’autorisation de m’en injecter.
Je suis arrivé dans la soirée du 2 juin a l’hôpital LEON BERARD, Centre de rééducation fonctionnelle pour entamer une longue période de rééducation et continuer les soins de cicatrisation de mes greffes et brulures. Je suis resté dans ce centre jusqu’au 9 août 2003 ou j’ai reçu de nombreux soins.
Heureusement mon épouse venait tous les jours pour me rendre visite car cette période a été très dure pour moi. A savoir les séances de pansement qui duraient parfois plus de 2 heures sans anesthésie. Les infirmières m’entendaient hurler dans tout l’étage. A cause de ces pansements qui recouvraient la totalité de mon corps et de mes mains (comme une momie!), j’ai été dépendant durant 2 mois avec tout ce que cela comporte. C’est-à-dire une assistance permanente pour la toilette, les besoins naturels et l’alimentation.
Pendant ce séjour de rééducation, j’ai du réapprendre à marcher, monter et descendre les escaliers et faire bouger mes mains. J’ai été suivi par un psychologue car mon moral n’était pas bon et je faisais des cauchemars dans lesquels je revivais les scènes de l’accident. J’ai d’ailleurs gardé une phobie des bouteilles de gaz et encore à l’heure actuelle. J’ai du mal à les regarder (presque 11 ans après).
J’ai dû faire une recherche HIV et hépatite C suite à la transfusion sanguine que j’ai reçue à l’hôpital PERCY.
Lorsque ma sortie de LEON BERARD a été prévue, on m’a fourni des vêtements de contention que je devais porter en permanence et qui recouvraient mes bras jusqu’aux épaules, mes mains, mes jambes ainsi qu’un masque qui recouvrait entièrement mon visage et que je devais porter la nuit. Tout ceci pour éviter que mes chaires cicatricielles enflent. Cet appareillage m’a été prescrit pendant 1 an et demi. J’avoue les avoir portés pendant 1 an seulement car l’inconfort était réel.
Je suis sorti le 9 août 2003 pour ma convalescence et je suis allé chez mes beaux-parents au Lavandou (Var).
Avec la permission du Docteur QUERUEL de BERARD, j’ai été rapatrié au Togo par Europe Assistance, le 30 août 2003 sur Air France.
Enfin vous avez retrouvé le Togo, avec vos activités commerciales logiquement affectées par cette épreuve ? Comment vous en êtes vous sortis pour relancer votre restaurant ?
Après 4 mois d’absence, j’ai refait mes premiers pas à Lomé dans la chaleur et l’humidité difficiles à supporter a cause de mes vêtements de contention. J’ai dû subir le regard des gens qui ne comprenaient pas et me posaient mille questions.
Malgré mon apparence, j’ai dû prendre la décision de rouvrir mon restaurant. Mais auparavant celui-ci nécessitait beaucoup de travaux. La réouverture s’est faite le 26 septembre 2003. Pendant cette longue période d’absence, tout mon personnel du restaurant et de la maison a reçu intégralement leurs salaires, le 1er de chaque mois par notre comptable Monsieur AKPAKI. Mon épouse avait pris soin de lui laisser la somme d’argent nécessaire. J’ai tenu rigoureusement à cela.
Ma reprise au travail n’a pas pu se faire que grâce au personnel que j’avais formé depuis plusieurs années car j’étais dans l’incapacité de me servir de mes mains.
J’ai contacté Maitre Charles DEBBASCH, alors Conseiller du Président de la République qui m’a proposé de rencontrer Maitre Tchitchao TCHALIM Avocat à la Cour. J’ai conclu avec ces derniers une convention d’honoraires le 30 septembre 2003. Aussitôt Maitre TCHALIM a engagé les poursuites de façon à ce que mes droits soient respectés.
C’était donc le début d’une procédure judiciaire ? Comment elle s’est donc déroulée ?
Le 17 mai 2005 sur convocation de la Direction Générale de la Police Nationale, j’ai été entendu par les autorités ainsi que Monsieur LABLAIS François propriétaire de la voiture, Monsieur TSOGBE Koffi pompiste à TEXACO et Monsieur GEORGES André témoin de l’accident.
Sur ordonnance du tribunal, j’ai du subir en 2010 une expertise médicale par le Docteur TAGAYI à Lomé et une expertise Oto-rhino-laryngologique par le Docteur AMANA. Lors d’un séjour en France en 2010, je suis allé consulter le Docteur ANTOLINI ORL car mes problèmes d’audition s’aggravaient.
Egalement en 2010, le tribunal a ordonné une expertise sur ordonnance n°1663/2010 chez TOTAL GAZ TOGO. Celle-ci a été effectuée par Monsieur LEGUEDE Expert en Pétrochimie. Il apparait clairement que la responsabilité de la société TOTAL soit entièrement engagée.
Et dans le silence total de la procédure judiciaire vous avez décidé d’étaler l’affaire sur la place publique en la confiant à la presse ?
Rectificatif. Ce sont les journalistes qui m’ont approché en fin d’année 2013. Ils enquêtaient sur les problèmes liés à Total Gaz et sont tombés fortuitement sur mon affaire. Ils ont cherché en savoir plus et je me suis confié à eux. Je me rappelle, ils sont venus me rendre visite dans mon restaurant, ils m’ont demandé si j’acceptais de leur en parler. Ce que j’ai fait. Je dois dire que depuis le 19 novembre 2013, les médias n’ont cesse de se déchainer contre la justice Togolaise et contre la Société TOTAL. J’avoue en approuver certaines paroles et certains contenus. Ces journalistes continuent de me rendre visite 1 a 2 fois par semaine mais j’ai pris le décision de les contenir en attendant un heureux dénouement.
C’est donc l’histoire de toute une vie, que votre histoire qui a passé un long temps dans les couloirs de la justice. Comment résumez-vous cette étape de votre vie depuis 12 ans ?
Je ne peux toujours pas me servir de mes mains normalement. Mes doigts sont déformés et sont bloqués au niveau des articulations. Il m’est impossible de m’en servir surtout des tâches minutieuses. Je fais tomber régulièrement mes couverts lorsque je mange. J’éprouve certaines difficultés à écrire. Sur le plan auditif, ma situation se dégrade d’années en années car je perds jusqu’à 5 décibels par an. Sur le plan psychologique, le souvenir de ce jour reste gravé dans mon esprit mais ma mémoire immédiate est inexistante. Ce qui me cause de nombreux désagréments tant dans ma profession que dans ma vie de famille.
Je suis obligé de tout écrire. C’est une cause due au traumatisme des grands brûlés. Mon épouse se plaint de mon caractère cyclothymique qui est le résultat d’après les médecins d’une longue période d’absorption de morphine.
Après tant de bataille, je demande que mon droit soit respecté et j’invite la société TOTAL à assumer entièrement ses responsabilités.
Ah oui, M. Bonnet, nous sommes presque au bout du tunnel et c’est logique que la justice vous rétablisse dans vos droits. Une réparation conséquente ?
Ah, J’espère que le droit sera dit, pour l’honneur de la justice togolaise dont les partenaires, parmi lesquels mon pays, financent les reformes. Et je vous dis avec honnêteté que je ne me contenterais pas des miettes. J’ai subi trop de préjudices pour être réparé d’une façon méprisante.
Et si vous n’avez pas obtenu satisfaction dans le délibéré du 03 avril ? Quelle autre option pourriez-vous envisager ?
Si a l’issue du délibéré du 3 avril 2015 aucun résultat me satisfaisant n’en ressort, je n’hésiterais pas a aller devant la cour de Justice de la C.E.D.E.A.O
Monsieur Philippe Bonnet, Merci
C’est moi qui vous remercie et vous convie le 03 avril prochain à la justice pour le délibéré.
Interview réalisée par le Groupe ACP Inter et Partners.