Cheik Modibo Diarra, le Premier ministre malien, ne veut décidément plus attendre. Il veut aller en guerre et tout de suite contre les groupes islamistes qui contrôlent le Nord de son pays depuis six mois. En marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies tenue la semaine dernière, il a formellement demandé à l’ONU une intervention militaire en vue de la reconquête de la partie occupée, soit les 2/3 du pays. C’est la même chose qu’il répète dans une interview accordée à nos confrères du journal Le Monde. Par sa position, Cheik Modibo Diarra s’oppose à ceux qui, jusqu’alors, prônent le dialogue dans la résolution de cette crise.
D’après Cheick Modibo Diarra, une stratégie en cinq points a été définie. Le premier point consisterait à sécuriser dès maintenant les grandes villes du Mali. Selon le chef du gouvernement malien, ce point importe beaucoup dans la mesure où une fois attaquée, les terroristes qui occupent le Nord du Mali auront tendance à commettre des actes de violences dans des zones peuplées. Il faut donc faire en sorte qu’il n’y ait pas d’infiltration, ni multiplication de cellules dormantes.
La deuxième étape de cette stratégie, poursuit M. Diarra, est de solliciter formellement l’aide de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine (UA), de l’Union européenne (UE), de la France et des Etats- Unis et de transmettre au Conseil de sécurité la requête d’intervention militaire internationale sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies. « Une fois votée, la résolution donnera une légitimité à tous ceux qui veulent et qui peuvent nous accompagner dans la libération du nord », indique-t-il avant d’ajouter que la phase deux se poursuivra avec des rencontres du gouvernement pour mobiliser toute la communauté internationale afin de voir qui veut participer, et comment, à la libération du nord.
Quant à la troisième phase, elle consistera à structurer et à solidifier l’armée malienne qui doit être le fer de lance de la bataille. La quatrième phase sera de reconquérir le nord et la cinquième permettra de sécuriser les régions libérées de façon durable.
Cheik Modibo Diarra ne veut plus attendre longtemps. Il espère que les débats sur la résolution de l’ONU vont commencer au Conseil de sécurité dès cette semaine afin qu’elle soit adoptée avant la mi-octobre. Tout en déplorant le fait que chaque jour qui passe au nord-Mali apporte son lot de mutilés, d’amputés et d’actes de barbarie, l’ancien fonctionnaire de la NASA se dit convaincu du fait que dès qu’une résolution sera votée, la plupart des « malfrats et bandits » essaieront de s’échapper avant même que les choses sérieuses commencent.
La Cedeao dit attendre la résolution de l’ONU pour se déployer au Mali. Mais problème, les pays qui fourniront de contingents ne sont jusque là pas encore connus. Sauf le Togo, le Niger ou encore le Nigeria, tous les autres pays hésitent. Mais, il n’y a pas de quoi effrayer le Premier ministre du Mali qui estime que l’organisation ouest-africaine n’attend que la résolution onusienne pour se mettre en branle.
« Vue l’insistance avec laquelle cette organisation nous a demandé de faire une requête d’intervention internationale, j’imagine que cela veut dire qu’il existe une telle force, quelque part. Une fois la résolution votée, on pourrait immédiatement demander à la Cédeao de se déployer pour nous aider à sécuriser la ligne de séparation entre le nord et le sud. Donc j’inviterai la Cédéao à se déployer presque immédiatement après l’adoption de la résolution. Même si ce n’est pas toute la force », affirme-t-il. Plus optimiste que jamais, il compte même sur l’Algérie et la Mauritanie, les deux pays qui sont les plus réticents à une guerre ouverte contre les islamistes du nord-Mali et qui ont officiellement déclaré qu’ils n’y participeront pas.
« La question du Mali ne concerne pas seulement la Cédéao, mais toute la communauté internationale. Le Mali et la Cédéao joueront un rôle-clé mais il faut aussi inviter des pays du champ, tels que l’Algérie et la Mauritanie dont la participation est incontournable, des amis, comme le Maroc ou le Tchad. Bref, tous ceux qui pourraient venir nous aider à contenir le problème à une zone très restreinte en attendant que la communauté internationale apprête sa force d’intervention pour faire un travail propre et rapide », indique Cheik Modibo Diarra.
Pour lui, la question n’est pas de savoir qui est pour ou contre une intervention. Chacun dans cette affaire a son opinion, dit-il. A ceux qui optent toujours pour un dialogue, Cheik Modibo Diarra leur répond tout simplement : certains pensent même qu’il faut négocier. Mais avec qui négocier ? Et pourquoi on ne l’a pas fait jusqu’à présent ? Et d’ajouter que ça fait six mois que durent les amputations, les flagellations, les viols, les destructions de sites, mais que tout cela se passe sans que ceux qui croient à la négociation ne montrent le chemin pour ramener les occupants à la raison. « Parler de négociation en ce temps-là en réalité ferait perdre un temps précieux. Chaque jour qui passe, ces terroristes se renforcent, mettent en place des infrastructures de plus en plus sophistiquées qui nous demanderont d’avantage d’efforts pour sortir de la crise. Le temps pour ces négociations est passé. Nous avons utilisés tous les canaux possibles », dit-il, fermement.
Tout en estimant que cette crise est un problème entre Maliens et terroristes, le Premier ministre a indiqué que même s’il faut négocier, il faut le faire avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et non avec les terroristes du MUJAO.
Isaac Mawuvi