La mort du djihadiste Abou Zeid reste « hypothétique » tant qu’elle n’est pas confirmée par un réseau islamiste, juge Matthieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université Toulouse 2. Selon lui, cette mort signifierait la « fin officielle » d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) mais pas de la mouvance djihadiste au Sahel « qui s’est fragmentée ».
Q: L’annonce de la mort d’Abou Zeid vous parait-elle crédible ?
R: La manière de l’annoncer est étrange. Déjà il y a deux versions: une où il a été tué dans un bombardement français, une autre où il a été tué dans un accrochage avec les Tchadiens il y a une semaine.
Ensuite, ni Aqmi, ni une brigade concurrente, ni Al-Qaïda centrale, ni aucun réseau islamiste n’ont confirmé l’information. Or l’expérience montre que les djihadistes ne cachent jamais leurs morts et en font immédiatement un martyr.
Enfin la source initiale de l’annonce de la mort, ce sont les renseignements algériens. Il est tout à fait possible qu’on soit dans une opération où on prêche le faux pour connaître le vrai. L’objectif serait d’obliger Abou Zeid à communiquer pour démentir sa mort auprès des autres chefs djihadistes et ainsi relocaliser sa piste grâce aux moyens de surveillance.
Les Américains ont utilisé cette technique en Afghanistan pour éliminer des numéro deux ou trois d’Al-Qaïda: on annonce leur mort pour les faire sortir du bois et ensuite on leur envoie un missile d’un drone. Et pour les Tchadiens, annoncer cette mort est important en interne alors qu’ils ont eu des pertes importantes au combat.
Q: Si cette mort est confirmée, quelles seraient les conséquences sur le sort des otages français ?
R: Les chefs djihadistes ont tendance à prendre les otages avec eux. Cela leur sert de bouclier humain et ils peuvent aussi engager des négociations très rapidement si nécessaire. Si la mort d’Abou Zeid fait suite à un bombardement, ils seraient des victimes collatérales de cette attaque. Si elle fait suite à un combat, alors ils devraient être cachés non loin de là.
Mais quand les djihadistes sont attaqués, les représailles sur les otages sont quasi systématiques. Les islamistes somaliens ont annoncé avoir tué leur otage français, Denis Allex, 24 heures après l’échec de l’opération commando pour le libérer. C’est oeil pour oeil, dent pour dent.
Q La mort d’Abou Zeid signifierait-elle la fin d’Aqmi ?
R Abou Zeid avait imposé une ligne dure au Mali avec l’application de la charia par la force. Cette ligne a fait fuir tous les autres chefs. Le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) est né d’une scission avec Aqmi, Mokthar Belmokhtar (qui a revendiqué la prise d’otages d’In Amenas en Algérie) a quitté lui aussi l’organisation pour fonder la brigade des « Signataires par le sang » sans compter une multitude d’autres petits groupes.
Abou Zeid restait seul. C’est l’aboutissement d’une statégie radicale qui est en train de faire disparaitre officiellement Aqmi et a conduit à la fragmentation de la mouvance djihadiste au Sahel. Mais cela ne met pas fin, loin de là, à celle-ci.
AFP