Fatigués mais souriants, les sept Français d’une même famille, dont quatre enfants, libérés après avoir été retenus en otages par le groupe islamiste Boko Haram au Nigeria, sont arrivés samedi matin à Paris, deux mois après leur enlèvement au Cameroun.
« Aujourd’hui, c’est la vie qui a gagné », a déclaré devant la presse le président François Hollande, venu accueillir les anciens otages au petit matin à leur arrivée à l’aéroport d’Orly, en provenance de Yaoundé, après leur libération dans la nuit de jeudi à vendredi.
Le père de famille Tanguy Moulin-Fournier à ses côtés, le chef de l’Etat a souligné que « les autorités françaises (avaient) fait leur devoir, dans la discrétion ». Il a « remercié aussi bien le Cameroun que le Nigeria », avec une « pensée particulière pour le président (camerounais Paul) Biya, qui dans ces derniers jours a eu un rôle important ».
Les otages « ont souffert de la chaleur et du manque d’eau, mais ont été correctement traités », a ensuite confié à des journalistes François Hollande, « impressionné » par les enfants, quatre garçons de 5 à 12 ans. « Ils ont été des appuis solides. S’ils (la famille Moulin-Fournier) ont pu retrouver leur liberté, les enfants y sont pour beaucoup », a ajouté le président.
Les anciens otages sont arrivés à 06H00, à bord du Falcon du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui avait fait un aller-retour au Cameroun pour aller les chercher. Sur le tarmac attendaient une dizaine de membres de leur famille, frères, soeurs et grands-parents, et une soixantaine de journalistes.
« Immense bonheur »
Des couvertures sur les épaules pour se protéger du froid, ils sont tombés dans les bras de leurs proches, avant de s’acheminer vers le pavillon d’honneur où ils sont restés un moment, à l’écart de la presse.
Tanguy Moulin-Fournier, visage amaigri, épaisse barbe, a ensuite fait part de son « immense émotion », de son « immense bonheur ». « C’est fini, on en est sortis… », a-t-il déclaré. « Je suis très heureux d’être de retour en France, c’est un grand moment. Après, on retournera également au Cameroun, qui est un très beau pays où on se plait beaucoup », a-t-il ajouté.
La famille est ensuite partie dans un véhicule monospace, sous escorte policière. Les enfants, en short, avaient les yeux cernés mais le sourire aux lèvres.
Les trois adultes et quatre enfants – Clarence, 5 ans, Maël, 8 ans, Andeol, 10 ans, et Eloi, 12 ans – avaient été enlevés le 19 février alors qu’il étaient en vacances dans un parc national dans l’extrême nord du Cameroun.
Le père, la mère et leurs quatre garçons résidaient depuis 2011 à Yaoundé, où Tanguy Moulin-Fournier est employé comme expatrié par GDF Suez. Cyril Moulin-Fournier, le frère de Tanguy, qui vit en Espagne, les avait rejoints pour des vacances. Le PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet, était présent à leur arrivée à Orly.
« Non versement de rançon »
Les autorités françaises et camerounaises ont indiqué que la famille avait été libérée dans la nuit de jeudi à vendredi à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria.
Très peu d’informations ont filtré sur les conditions de cette libération, annoncée par la présidence camerounaise dès vendredi matin. François Hollande avait alors remercié les autorités camerounaises et nigérianes, faisant valoir que « c’est en étant le plus discret possible que nous pouvons être les plus efficaces ».
Il avait également assuré que la France ne changeait pas son « principe », qui est « le non versement de rançons ». L’Elysée a également affirmé que la libération des otages n’était pas « une action de force » mais le fruit de « contacts multiples ».
« L’heureux dénouement de cette affaire est incontestablement le fruit d’une coopération exemplaire entre les gouvernements français, nigérian et camerounais », a de son côté estimé le président camerounais Paul Biya, appelant à un « renforcement » de la coopération internationale pour faire face à l’insécurité sur le continent africain.
Les ravisseurs des Moulin-Fournier se réclamaient du groupe islamiste Boko Haram, actif dans le nord du Nigeria, une zone troublée depuis plusieurs années par des attentats et des assassinats violemment réprimés par les forces de sécurité nigérianes.
Ils demandaient notamment la libération de membres de leurs familles « emprisonnées au Nigeria et au Cameroun ».
Ces revendications avaient été jugées « hors de portée de la France » par Laurent Fabius, qui avait toutefois effectué un voyage au Cameroun à la mi-mars et y avait rencontré le président Biya.
« Pour les otages qui viennent d’être libérés, des contacts avaient pu être établis ces dernières semaines et en particulier ces derniers jours », a-t-il dit, M. Fabius indiquant avoir parlé avec le président Biya « presque tous les jours au cours de ces dernières semaines ».
La France compte encore au moins sept de ses ressortissants otages en Afrique. Des rapts revendiqués par des groupes islamistes dont six par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Sahel.