L’été américain avait facilité les choses et la rencontre était plutôt décontractée. Pas de tenues lourdes, pas de stress encore moins de zèle. Diverses délégations se succédaient dans les couloirs des hôtels. La délégation togolaise était loin de se mettre en rang d’oignons derrière le chef de l’État Faure Gnassingbé qui partageait le même hôtel avec ses homologues du Cameroun, de la RDC, du Congo Brazzaville et de la Guinée etc.
Le programme était plutôt chargé et chacun était donc mandaté pour assurer une tâche précise avec des résultats. Le ministre des affaires étrangères Robert DUSSEY, en sa qualité de chef de la diplomatie était donc dans l’obligation de résultats. C’est pourquoi, il avait réussi à charger l’agenda du Chef de l’État de rendez-vous et d’audiences divers.
Une fois une audience obtenue et introduite, le ministre Dussey repartait à la conquête d’une autre, dans le lobbying avec d’officiels américains qui exprimaient leur satisfaction à la presse après chaque audience avec le Président : Johnny Carson, ancien secrétaire d’État, l’OPIC, le CCA, le MCC se sont succédé.
Dans la méthode, les journalistes étaient autorisés à accéder à la salle d’audience pour prendre les images du début des discussions avant de laisser le Chef de l’Etat et son hôte poursuivre les discussions.
A la sortie, ils se confiaient et manifestaient leur disponibilité à poursuivre les efforts du développement, à condition que naturellement les promesses soient tenues : celles des engagements à assurer la transparence, l’État de droit et la démocratie.
Dans les coulisses, Faure a parlé Anglais
La surprise de la plupart des journalistes qui étaient de la délégation était de voir, en entrée de jeu, le président togolais s’exprimer en anglais. Les audiences que les journalistes ont eu l’occasion de couvrir se sont déroulées sans interprète. C’est à la sortie, pour traduire l’intervention presse des invités américains que le conseiller de l’ambassade des USA, Innoncent Pato se mettait dans le rôle d’interprète.
Alors que le Chef de l’État est taxé dans son pays d’être taciturne et de ne jamais s’exprimer, la presse dans son ensemble a été surprise de voir Faure Gnassingbé se mettre à l’aise dans la langue de Shakespeare.
Hôtel 4 saisons, le rendez-vous des courtisans
L’hôtel présidentiel qui avait accueilli plusieurs chefs d’État africains à Washington est l’hôtel 4 saisons (Four Seasons). Dans le hall de l’hôtel, l’africanité s’est encore transportée. Diaspora Camerounaise et congolaise traînaient dans le couloir attendant d’applaudir l’arrivée de leurs chefs d’États. Les uns portaient des tenues imprimées à l’effigie de leur Président bien aimé, les autres croisaient les doigts d’obtenir une audience. Ce qui avait entretenu une atmosphère débraillée dans le hall d’entrée de l’hôtel qui trahissait les motivations.
Les chefs d’états africains dans de pareilles circonstances relevaient les défis de leurs oppositions qui mobilisaient leurs partisans dans des manifestations musclées. L’appât, des billets flambants distribués à tour de bras pour calmer les ardeurs.
Le Togo, ni neutre ni partisan
Faure Gnassingbé a tout hérité de son père sauf de la mobilisation de railleries à l’étranger. Le Président Eyadéma, lors de son règne a subi tous les affronts : les œufs pourris et les tomates, les manifestations musclées, les jets de pierres finissaient par avoir raison de l’ancien Chef d’État togolais.
A Washington, des citoyens ghanéens s’étaient mobilisés contre leur président et clamaient des slogans hostiles à John Mahama traité par des manifestants ghanéens de corrompus et de voleurs.
Joseph Kabila de la RDC n’a pas été épargné. Une forte mobilisation de Congolais manifestait bruyamment devant les locaux du sommet. Des photos de citoyens congolais tués et torturés portaient le message du départ du président Kabila qui est resté longtemps dans la salle avant de passer inaperçu.
Blaise Compaoré lui est passé par un porte dérobée pour rentrer à l’hôtel, histoire éviter les manifestants Burkinabè, qui, devant le désir de leur président de se représenter à la présidentielle de 2016 ont exprimé leur colère à Washington face à un impressionnant dispositif de sécurité américaine.
Le Togo n’a pas été objet de ces genres de spectacle à Washington. On n’a pas vu des togolais décorés à l’effigie de Faure Gnassingbé venir applaudir, les togolais n’ont pas non plus été aperçus dans les manifestations d’opposition comme pour dire que les togolais sont restés dans la logique de ni neutre, ni partisan. La diplomatie doit s’en frotter les mains.
Les grands sujets du sommet
Les interventions des officiels américains ont été mesurées contrairement aux attentes des peuples qui attendaient que Obama ou John Kerry inflige des remontrances aux dirigeants africains.
Les Chefs d’Etat africains ont profité de cette ouverture pour se défouler sur les États-Unis, ayant conscience que pour ce sommet, c’est l’Amérique qui tend la main. Ce sont les États Unis qui veulent occuper une place dans ce continent qui devient la nouvelle attraction des puissances occidentales. Menacées par la Chine qui n’impose pas ces exigences démocratiques en droit de l’homme et démocratie, les USA de Obama n’ont pas trop haussé le ton face à ces sujets, Ils ont néanmoins dans leurs discours posé à nouveau, les principes cardinaux de la gouvernance, de l’alternance et des droits de la personne.
Les Chefs d’États ne sont pas restés dans leurs coquilles. Sans langue de bois, les uns exprimaient dans leurs débats que l’Afrique n’est plus le continent de Tarzan ce héros rustique de la bande dessinée qui traversait les forêts en compagnie des cynocéphales.
C’est pour exprimer que aujourd’hui, l’Afrique s’affirme, de part ses potentialités, ses richesses et ses efforts, même si visiblement dans la plupart des États le principe de l’alternance et la bonne gouvernance constitue un frein pour la valorisation de ces potentialités.
Le commerce, les finances, les banques, les grandes entreprises sont convoitées par les États-Unis d’Amérique et il faut de la méthode pour faire ce New deal que les Chefs d’États veulent gagnant-gagnant.
Les États-Unis sont d’accord. Chaque pays avait réussi à se forger une identifié remarquable.
Le Togo se préoccupe de la sécurité maritime, menace pour les économies, et la protection des espèces menacées, objet de la communication de Faure Gnassingbé.
La présence de la ministre du commerce, des représentants de la plate forme sur le millénium Challenge Account, des représentants de l’AGOA sont des signes d’une volonté pour le Togo d’assurer un épanouissement en matière économique et financière. Reste à y mettre du sérieux et à honorer les engagements, non seulement vis-à-vis des États-Unis d’Amérique sur ses programmes, mais aussi vis-à-vis des togolais qui espèrent que ce sommet puisse servir à quelque chose pour le Togo.
Le dîner à la maison blanche avait donné un cachet particulier au sommet.
Les présidents avaient le choix de venir accompagnés selon la disponibilité de leurs collaborateurs. Paul Kagamé avait fait le choix le plus spectaculaire. Il s’est fait accompagné de sa fille et à la photo, elle était plus géante qui son père et le couple Obama. Le président Rwandais venait de remporter le concours de taille.
A bâtons rompus avec le Président
C’est le dernier jour que la délégation togolaise a eu droit à une rencontre avec le Chef de l’Etat. Une rencontre plutôt décontractée qui a permis aux journalistes de s’en sortir avec quelques minutes de discussions qui devraient porter leurs fruits.
Le message de la subvention est passé.
Carlos KETOHOU, Jean Paul AGBOH, Augustin AMEGA, Dominique ALIZIOU, les journalistes de la presse privée invités à ce voyage doivent s’en réjouir d’avoir participé à ce sommet historique, plutôt enviable que le tout premier sommet USA-Afrique qui mobilisait les chefs d’État Africains autour des officiels américains sur des questions de développement du continent dans une logique de partenariat. Les quelques minutes de discussions avec Faure Gnassingbé étaient la cerise sur le gâteau.
C’est le Chef de l’État lui-même qui a abordé l’intéressante question de la subvention de l’État à la presse : « vous avez dit 800 millions ? 500 ne peuvent pas aller » a posé Faure Gnassingbé.
Après avoir balbutié quelques secondes, les journalistes se sont dits que qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. « 500 millions Monsieur le Président ça peut aller contre les 75 millions que nous avions. Mais 800 seraient l’idéal en raison des formations dont on a besoin pour renforcer nos rédactions… » La discussion s’est terminé sur quelques blagues non habituels. Il semble Faure ne se prononce jamais définitivement sur une situation donnée. Donc à priori, le fait d’avoir avancé les 500 millions comme subvention pour 2014 a donné du baume au cœur des journalistes en délégation présidentielle pour Washington.
Washington n’a pas été donc mal pour les journalistes.
Les rencontres et discussions privés, les coins chauds et les restaurants marocains, les bouteilles de vins et de bière, le massacre par les uns et les autres de la langue anglaise n’ont pas manqué à ce rendez-vous. Des histoires intéressantes au menu, et pour la petite histoire, une dame qui avait aimé la discussion à bâtons rompus entre Faure et les journalistes s’est approchée pour demander au Président d’immortaliser cette séquence avec une photo. La réponse de Faure Gnassingbé a été sans appel : « non laisse les, ce sont des bandits….. » ha ha ha ha ha ha ha ha !!!!!!!!!!
Carlos KETOHOU (Envoyé spécial à Washington).
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