Le camp du Premier ministre kényan Raila Odinga, qui est l’un des deux favoris de l’élection présidentielle, a demandé jeudi l’arrêt du dépouillement en cours, en dénonçant comme « trafiqués » les résultats partiels qui donnent en tête son grand rival Uhuru Kenyatta.
Alors que le Kenya demeure traumatisé par les violences du précédent scrutin présidentiel de décembre 2007, le colistier de M. Odinga, Kalonzo Musyoka, a cependant assuré que ses accusations « ne constituaient pas un appel à la rue ».
« Nous continuons d’appeler à la paix (…) Nous sommes attachés à l’Etat de droit », a déclaré devant la presse le vice-président sortant, alors que le Kenya attend toujours les résultats définitifs du scrutin tenu lundi.
« Nous avons des preuves que les résultats que nous avons reçus ont été trafiqués, » a-t-il affirmé. « Dans certains cas, le nombre total de bulletins dépasse le nombre d’électeurs enregistrés. » M. Musyoka a également affirmé que des observateurs de sa coalition, Cord, s’étaient « fait expulser de centres de dépouillement. » « Nous n’avons pas pu vérifier les résultats (…) cela affecte tous les partis, » a-t-il ajouté. « En raison de ces préoccupations », le colistier de M. Odinga a estimé que « le processus de dépouillement manqu(ait) d’intégrité et (devait) être stoppé ».
La Commission électorale indépendante kényane, qui a sept jours pour publier les résultats à compter du jour du scrutin, les promet désormais pour vendredi. Le décompte partiel des voix donne toujours le principal adversaire de M. Odinga, le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta, en tête : à 12H00 (09H00 GMT), il était crédité de près de 2,5 millions de voix (54%) contre près de 1,9 million à M. Odinga (41%), sur un total de près de la moitié de suffrages exprimés dépouillés à ce stade (4,6 millions).
Multiplication des critiques
L’élection présidentielle kényane est la première depuis celle de fin 2007, qui avait vu la réélection contestée du président sortant Mwai Kibaki — qui ne se représente pas — face, déjà, à Raila Odinga, aujourd’hui âgé de 68 ans.
Des soupçons de fraude massive avaient débouché sur de sanglants affrontements politico-ethniques: plus de 1.000 personnes avaient été tuées et des centaines de milliers d’autres déplacées.
Uhuru Kenyatta, 51 ans, avait lui aussi été un acteur important du précédent scrutin, comme soutien à Mwai Kibaki. Il est inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans les massacres d’il y a cinq ans, des accusations dont il se dit innocent.
Depuis deux jours, les critiques se multiplient sur l’organisation du vote et du dépouillement par la Commission électorale.
Car les couacs se sont accumulés dans cette élection qui se voulait exemplaire de transparence pour éviter de nouveaux soupçons de fraude.
Le système de reconnaissance biométrique des électeurs s’est d’abord effondré dans de nombreux bureaux, forçant les agents électoraux à vérifier manuellement les listes. De nombreux Kényans ont aussi dit avoir eu du mal à déterminer dans quelles urnes placer leurs bulletins: en plus de la présidentielle, cinq autres scrutins étaient organisés en même temps (législatifs et locaux notamment).
Le système d’envoi des résultats provisoires — par SMS — s’est ensuite à son tour effondré.
Avant de planter, il a recensé un nombre considérable de vote nuls — plus de 300.000 –, que la Commission électorale a décidé d’intégrer dans la base de calcul de la majorité absolue requise pour une victoire au premier tour, à la fureur du camp Kenyatta: cela diluait son avance et renforçait la probabilité d’un second tour.
Depuis, la Commission électorale a abandonné le décompte électronique et n’affiche plus que des résultats définitifs sur la base des procès-verbaux que lui rapportent ses agents déployés sur les terrain.
Mais si l’avance de M. Kenyatta s’est confirmé avec le passage au décompte à partir des procès-verbaux, le nombre de bulletins nuls a, lui, fondu, rajoutant à la confusion. Ils étaient jeudi midi inférieurs à 50.000, sans qu’aucune explication ne soit fournie.
AFP