Les candidats à la présidentielle kényane de lundi tenaient samedi leur derniers meetings avant la clôture officielle de la campagne pour un scrutin sur lequel plane l’ombre des violences meurtrières ayant marqué la précédente élection, fin 2007.
Les deux principaux candidats, le Premier ministre Raila Odinga et le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta, devaient réunir leurs militants dans la capitale Nairobi lors de deux grands meetings dans l’après-midi.
A la mi-journée, des milliers de partisans de M. Odinga, vêtus en orange et blanc, assuraient déjà l’ambiance dans le stade où devait s’exprimer leur champion.
En décembre 2007, M. Odinga était l’adversaire malheureux du président sortant Mwai Kibaki, dont la victoire annoncée avait déclenché une contestation violente qui s’était muée en tueries politico-ethniques, faisant plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés.
M. Kenyatta, fils du premier président kényan Jomo Kenyatta, et qui soutenait en 2007 M. Kibaki, est de son côté inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour son implication présumée dans l’organisation de ces violences.
Vendredi, dans un message radio-télévisé, le président Kibaki, qui, à 81 ans, ne se représente pas, a solennellement appelé les 14,3 millions d’électeurs à se rendre aux urnes pacifiquement et les candidats à accepter leur éventuelle défaite.
« Je vous encourage à aller voter et aider à décider de l’avenir de notre Nation. Je vous demande également ardemment à tous de voter pacifiquement », a déclaré le chef de l’Etat. « Montrons clairement au monde que notre démocratie a atteint sa maturité », a-t-il lancé. « A ceux qui ne gagneront pas: votre pays a encore besoin de vous. Il y a de nombreux autres rôles que vous pouvez jouer dans nos efforts de développement », a-t-il ajouté.
Lundi, les Kényans votent pour six scrutins au total et éliront en même temps que leur nouveau président, leurs députés, sénateurs, gouverneurs (exécutif départemental), membres des assemblées départementales et un quota de femmes à l’Assemblée nationale.
La nouvelle Constitution adoptée en 2010 attribue de larges pouvoirs, notamment financiers, à ces gouverneurs et certains observateurs craignent une bataille féroce génératrice de tensions autour de ce scrutin dans certains départements.
Quelque 23.000 observateurs, dont 2.600 observateurs internationaux, seront déployés à travers le Kenya pour surveiller le déroulement du scrutin, selon le président de la Commission électorale indépendante (IEBC), Ahmed Issack Hassan, qui a assuré que tout était prêt pour le jour du scrutin.
La campagne s’est jusqu’ici déroulée sans incident majeur, mais la Commission kényane des droits de l’homme (KHRC) a toutefois déploré la persistance de « discours de haine » en dépit d’une diminution notable par rapport à la précédente campagne.
« Dans certaines zones, la campagne était totalement ethnique, les hommes politiques et leurs amis continuant à jouer sur les émotions et les passions lorsqu’ils font campagne dans leurs principaux fiefs », a-t-il dit.
Intimidation et corruption
La commission a également dénoncé la corruption, les distributions au grand jour d’argent et autres tentatives d’achat de voix, et fait état d’accusations d’achat de cartes d’identité d’électeurs, présumés acquis à un adversaire, pour les empêcher d’aller voter.
Selon la KHRC, dans certaines zones, de nombreux électeurs sont partis « en raison soit d’intimidations soit de craintes de violences ». Vendredi, deux personnes ont été déférées pour « incitation à la haine » devant un tribunal et incarcérées pour avoir l’un imprimé, et l’autre – un adolescent – diffusé des tracts haineux à Nairobi.
A Limuru, dans le centre du Kenya, une région où les Kikuyus – principale ethnie du Kenya, dont est issue M. Kenyatta – sont majoritaires, un homme a également été arrêté vendredi soir alors qu’il distribuait des tracts appelant les non-Kikuyus à quitter la région.
A Kisumu, dans l’ouest, région majoritairement luo et fief du candidat Odinga, des Kikuyus sont partis après avoir trouvé des messages d’avertissement sous leur porte, ont témoigné des habitants luos, interrogés par l’AFP.
Et à Mombasa, principale ville de la côte kényane, des habitations ont été marquées d’une croix noire, dans la nuit de jeudi à vendredi, sans qu’il soit possible de déterminer dans quel but.
AFP