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KARA : Chasse gardée, parent pauvre du clan Gnassingbé

Kara, l’’évocation du nom de cette ville située à près de 420 kilomètres au nord de Lomé fait tourner le regard de la plupart des Togolais vers une famille : la famille Gnassingbé, et plus particulièrement Gnassingbé Eyadéma (président du Togo de 1967 à 2005) et Gnassingbé Faure (président de la République depuis 2005). C’est justement cette ville qui, avec Lomé, a fait la une de l’actualité il y a deux semaines, en raison du grand incendie qui a complètement ravagé et réduit en cendre son grand marché 48 heures avant celui de Lomé. Et pour cause, non seulement les secours ne sont pas arrivés à temps, mais aussi ils étaient mal, très mal équipés. En 46 ans de règne, près d’un demi-siècle, les Gnassingbé n’ont pas été en mesure de doter leur propre localité de provenance d’infrastructures dignes de ce nom. Une situation qui suscite l’attention.

Kara et ses habitants se souviendront encore bien longtemps de la date du 10 janvier 2013. Et pour cause, c’est ce jour là que le grand marché de la ville est parti en fumée, avec tous les biens et marchandises de valeur qu’il contenait. Même si les activités commerciales semblent avoir  repris  timidement, le marché, lui, est toujours méconnaissable deux semaines après le terrible incendie de jeudi dernier. Marchandises parties en fumée, étalages complètement calcinés, infrastructures carrément détruites, hangars et bâtiments démolis, les stigmates du drame sont encore visibles et la douleur encore présente dans les cœurs de ceux qui ont vu des années d’efforts emportés par les flammes.

« Tout a brûlé. Il ne reste plus rien de notre marché. Le feu a tout emporté. Magasins, marchandises, étalages, plus rien ne reste et rien n’a été ménagé. Les dégâts sont très importants et leur montant sera sûrement très élevé », témoigne un habitant de la ville.

« J’ai tout perdu dans l’incendie. Les flammes ont brûlé tout ce que j’avais comme marchandise et que j’ai dépensé beaucoup d’argent pour acheter. Je ne sais vraiment quoi faire. Je ne sais pas encore pour le moment », a indiqué une commerçante, visiblement touchée par cet événement malheureux.

Incendie criminel ou accidentel ? Rien ne permet, pour le moment, de répondre à cette question. Sûrement que les enquêtes promises par le chef de l’Etat, qui était sur les lieux, permettront d’en savoir un peu plus sur ce qui a engendré cet événement. Mais encore faut-il que ces investigations aboutissent à de véritables conclusions. Quand on sait que dans notre pays les enquêtes ne donnent pas très souvent des résultats probants, il y a de quoi être pessimiste.

Retard des secours, cause principale de l’étendue des dégâts

De l’avis de plusieurs témoins de l’événement, l’incendie se serait déclenché vers 01 heure du matin. D’autres estiment pour leur part que le feu a commencé à brûler aux environs de 02 heures, tandis que pour certains, le déclenchement de l’incendie se situerait en 01 heure et 02 heures du matin. Que ce soit dans le premier, second ou troisième cas, cela n’a pas d’importance. Toutefois, une chose est sûre, les secours ne sont pas arrivés sur les lieux à temps. Les sapeurs pompiers de la ville qui sont arrivés des minutes après le déclenchement de l’incendie ne disposaient pas de moyens suffisant pour affronter les flammes. C’est du moins l’avis de plusieurs témoins des faits.

« Lorsque les habitants et notamment ceux qui se trouvaient dans les environs immédiats du marché ont constaté l’incendie, ils ont prévenu les pompiers. Mais ceux-ci n’étaient arrivés que tardivement. Le feu s’était déjà beaucoup agrandi et avait consumé une grande partie du marché. Le pire c’est que les pompiers qui ont débarqué n’avaient même pas suffisamment d’eau. Craignant que le feu ne finisse par atteindre leurs domiciles, ceux qui habitent dans les environs immédiats du marché ont dû se mobiliser rapidement pour jouer aux pompiers. Ils étaient aidés par d’autres personnes venues d’autres quartiers », ont témoigné certains habitants de la ville.

Face à des pompiers impuissants et mal équipés et des habitants qui, en dépit de leur bravoure, ne pouvaient rien faire face à un incendie aussi dévastateur que celui-ci, les flammes ont eu du temps pour dévaster à suffisance le grand marché de la ville et consumer tous les biens meubles et immeubles qu’il contenait. Il a fallu l’arrivée des soldats de feu de l’aéroport international de Niamtougou (ville voisine de Kara située dans la préfecture de Doufelgou), un peu plus mieux équipés, pour venir à bout des flammes. Trop tard, tout était déjà parti en fumée. Même jusqu’à 08 heures du matin, le feu brûlait toujours. Médecin après la mort.

Et pourtant, Kara est présentée comme la chasse gardée…

Mis au courant du drame, le chef de l’Etat, qui était à Kara, s’est dépêché sur les lieux avec certains membres de son gouvernement pour constater de visu l’ampleur de l’incendie.

« Je suis venu voir ce qui s’est passé. Cela m’a permis de mesurer l’ampleur de ce qui s’est passé. Nous sommes de cœur avec les habitants de Kara en général et ceux qui ont perdu leurs marchandises dans l’incendie en particulier », a indiqué Faure Gnassingbé avant de promettre : « Nous ferons ce qui est en notre pouvoir pour soulager les victimes de cet incendie. Bien sûr, nous ne pouvons pas tout faire, mais nous ferons ce que nous pouvons ». Pour le moment, cela reste encore au stade de simples promesses non encore tenues. L’avenir nous en dira plus.

Par ailleurs, tout comme dans le cas de l’incendie du grand marché de Lomé, le gouvernement a, par le biais d’un communiqué rendu public le jour du drame, manifesté sa compassion et sa solidarité envers les victimes du drame.

Mais, à quoi cela sert-il de jouer au médecin après la mort si on pouvait prendre au préalable des mesures pour éviter que de tels drames ne se produisent. Ou alors, même si ces drames devaient se produire, qu’ils fassent le moins de dégâts possibles. La question mérite d’être posée. Car, au-delà de tout, qui pourrait le croire ? Qui pourrait croire que dans une ville aussi petite que Kara et qui, en plus, est la ville d’origine des Gnassingbé, les pompiers en seront encore à manquer de matériels pour venir à bout d’un incendie. En 38 années de règne d’Eyadéma et 8 années de pouvoir de son fils Faure, ce qui fait au total 46 années de règne des Gnassingbé, les deux n’ont pas été en mesure de doter leur propre ville, celle qu’ils ont toujours considérée comme leur fief, d’une caserne de sapeurs pompiers bien équipée et digne de ce nom.

Même si Faure Gnassingbé est censé être le président de tous les Togolais et de tout le Togo et non d’une seule localité, la logique voudrait qu’il prenne soin au moins de sa localité de provenance s’il n’arrive pas à faire grande chose pour le reste du pays. Mais tout comme son géniteur, voici 8 ans qu’il est au pouvoir sans chercher à développer Kara.

Kara est à l’image de toutes les autres villes du Togo qui sont en état de décrépitude avancée. Sale, très mal éclairée, dépourvue d’infrastructures dignes de ce nom, elle joue pourtant le rôle de deuxième ville et de capitale politique du Togo. Une honte, quand on sait que la grande partie de ceux qui dirigent le pays viennent de là. A tous cela, s’ajoute la pauvreté ambiante qui règne au sein de la population de cette localité considérée par la version complète du Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP-C) comme l’une des plus démunies du Togo.

Bref, à l’instar des autres localités du pays, Kara, fut-elle ville des Gnassingbé, ne connait aucun développement et aucune avancée notable. Pire, rien n’est fait par le chef de l’Etat et ses amis de la même localité pour changer la donne. Pourtant, comme s’ils étaient déconnectés de toute réalité, quelques jeunes manipulés de la ville ont eu l’audace de dire aux responsables du Collectif Sauvons le Togo que Kara est un paradis, qu’ils ont tous et qu’ils n’ont pas besoin de l’opposition et encore moins du CST.

C’était au cours d’une manifestation organisée par le CST l’année dernière dans cette ville. Une manifestation d’ailleurs empêchée. Mensonge, car une ville développée, c’est une ville dotée d’infrastructures dont elle a besoin pour faire face à des événements comme un incendie. Et ce n’est pas le cas de Kara.

Devant tout ce marasme, on parle d’un taux de croissance en hausse au Togo. Une croissance, on peut s’en réjouir. Mais à quoi sert-elle si elle ne profite à personne. La pauvreté est toujours endémique au Togo et concerne plus de 61% de la population. Cette croissance dont on se réjouit n’arrive même pas à faire émerger une classe moyenne comme c’est le cas dans d’autres pays. Au contraire, elle ne bénéficie qu’à une minorité qui en profite de plus en plus, au détriment d’une majorité qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la pauvreté. Au cœur et dans les alentours du pouvoir, on a de l’argent à gogo, on se bourre le ventre à volonté et on multiplie les voitures et les maisons de luxe. Au sein de la population de plus de 6 millions d’habitants, on trouve à peine à manger deux ou trois fois par jour. Dans ces conditions, à quoi bon se réjouir d’une croissance en hausse ?

Rodolph TOMEGAH

 

GnassingbékaraTOGO
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