Dans une interview accordée ce vendredi 20 novembre au journal “Le Correcteur“, le leader de l’ANC, Jean Pierre Fabre explicite la situation politique actuelle et donne sa perception de la lutte de l’opposition ces dernières années. Après la défaite cuisante à la présidentielle du 22 février 2020, l’opposant ne perd pas espoir. Même si l’opposition a du mal à s’unir, pour lui, la volonté du peuple à obtenir l’alternance est infaillible et cette lutte aboutira indéniablement.
Questionné sur son silence gardé plusieurs mois après la présidentielle, Jean Pierre Fabre explique qu’il lui fallait prendre du recul sur tous les événements qui se produisaient pour ne pas tirer de conclusions hâtives et afin de trouver réponses à certaines questions primordiales.
A en croire ses propos, l’opposant a été très affecté par le choix de Agbéyomé Kodjo comme candidat unique de l’opposition par Mgr Kpodzro. Pour lui, les manœuvres du prélat se résument à une intrusion et une instrumentalisation de la religion à des fins politiciennes. Pis, il estime que la mystification et la mise en scène du Saint-Esprit n’est qu’une supercherie et de l’escroquerie politique dont beaucoup de personnes ont été victimes.
Même s’il a refusé de retirer sa candidature au profit de Agbéyomé Kodjo à la présidentielle du 22 février, JP Fabre affirme qu’il l’aurait soutenu s’il avait fourni les preuves de sa victoire.
Et de surcroît, il n’est pas question d’accorder sa confiance à quelqu’un qui s’est illustré par le mensonge à plusieurs reprises avant la présidentielle et même au cours du scrutin. Ce « candidat unique » a toujours oscillé entre le pouvoir et l’opposition, et pour Jean-Pierre Fabre, il n’est pas digne de confiance.
Certes, Agbéyomé Kodjo s’est joint à la revendication de la victoire de l’ANC en 2010 suite à la présidentielle, mais Fabre précise que dans son cas, les faits étaient bien clairs. Comme il l’explique, les magouilles de la gendarmerie, les arrestations tous azimuts des responsables du dépouillement et la saisie du matériel informatique ont été la preuve du tripatouillage des résultats de cette élection qu’il avait remportée. Mais dans le cas Agbéyomé, aucune preuve de cette victoire. Même si le scrutin du 22 février 2020 a été entaché de fraudes, on ne peut en déduire que Agbéyomé Kodjo a été le vainqueur.
L’opposant ne mâche pas ses mots. Même si ses propos risquent de frustrer encore plus la “Dynamique“ constituée par Mgr Kpodzro et déjà fragilisée d’ailleurs, Fabre déballe sans complexe sa perception de la situation et dénonce, à travers des exemples précis, les manipulations et les propos mensongers dont a fait usage cette coalition depuis sa mise en place par le prélat.
Pour ce qui est des approches de solution pour mettre un terme à ces rivalités qui déchirent l’opposition, le leader de l’ANC pense que Mgr Kpodzro a les cartes en main. Pour lui, il est évident que le prélat est la principale cause de la dislocation de l’opposition depuis la mise en place de la coalition des quatorze partis d’opposition (C14).
A travers ses propos mensongers, ses calomnies et son ingérence inappropriée dans les affaires politiques, Mgr Kpodzro est ainsi perçu par une partie de l’opposition comme le maître d’œuvre qui a sapé la lutte de la population togolaise pour l’alternance- qu’il l’ait fait intentionnellement ou pas. Jean Pierre Fabre préconise donc que Mgr Kpodzro ait le courage et l’humilité de reconnaître publiquement ses erreurs ; des erreurs qui ont nui considérablement aux efforts et aux sacrifices de l’opposition.
Revenant sur les dissensions au sein de la C14 qui s’est disloquée depuis, le président de l’ANC explique à travers des exemples brefs et précis, le rôle trouble du parti PNP dans cette coalition. Il fait état des entraves aux différentes manifestations organisées avec le consentement de tous les partis membres de la coalition, y compris le PNP, des campagnes de désinformation et des manœuvres du parti de Tikpi Atchadam, visant à nuire au reste de l’opposition.
Cet acharnement du PNP à salir l’opposition, en l’occurrence l’ANC, rappelle l’affaire des 30 millions d’Alassane Ouattara.
Selon les explications du maire, cet argent reçu du président ivoirien a servi à la lutte commune de la C14 ; mais dans le but de salir sa réputation et celle de son parti l’ANC, des propos mensongers ont été colportés par des partisans du PNP, insinuant que l’argent a été reçu par Jean Pierre Fabre lui-même.
Propos hautement calomnieux s’ils sont justifiés.
La situation politique au sein de l’opposition togolaise ressemble plutôt à un imbroglio total ou se perdent quelquefois, même les plus férus.
S’exprimant sur la situation politique dans la sous-région, en l’occurrence en Guinée et en Côte d’Ivoire, Jean Pierre Fabre estime que le coup de force des Présidents de ces deux pays, pour se faire réélire pour un troisième mandat est la preuve, que la C14 n’aurait pas dû leur faire confiance quand ils étaient impliqués dans la facilitation du dialogue de 2018 au Togo.
Pour Jean Pierre Fabre, la lutte pour l’alternance politique au Togo n’est possible que si l’opposition exclue de son langage, le mensonge et la calomnie. Pour ce qui est de son parti l’ANC, une nouvelle dynamique s’observe. Le parti est résolu à laver son image de toutes ces calomnies et à asseoir de nouvelles bases pour une lutte rigoureuse et à terme, atteindre ses objectifs.
La bataille est lancée, persévérance et détermination sont de mise pour que dans quelques années, les résultats soient au rendez-vous.
Eric GAGLI