Durement frappé depuis deux ans par les sanctions occidentales, l’Iran accueille avec méfiance la réélection de Barack Obama, sans toutefois exclure de renouer un contact direct avec Washington pour débloquer notamment la crise autour du dossier nucléaire iranien.
Coutumier des formules à l’emporte-pièce, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a qualifié jeudi l’élection présidentielle aux Etats-Unis de « champ de bataille pour capitalistes » lors d’un forum sur la démocratie en Indonésie.
Il a aussi fustigé les démocraties occidentales qui selon lui « sacrifient la justice, la liberté et la dignité humaines » au profit d’une « minorité puissante » disposant du pouvoir économique.
Au delà de cette rhétorique flamboyante, le régime iranien a cependant laissé percer quelques prudents signes d’intérêt pour la réélection de M. Obama, annoncée par le quotidien gouvernemental Iran Daily sous le titre: « Le lobby israélien perd, Obama gagne ».
« Les relations avec les Etats-Unis ne sont pas simples », a sobrement relevé l’ayatollah Sadegh Larijani, chef du pouvoir judiciaire iranien et proche du Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.
« Il y a quatre ans, Obama est arrivé (au pouvoir) avec le slogan du changement et il a affirmé qu’il tendait la main à l’Iran, mais dans la pratique il nous a imposé les sanctions les plus dures », a-t-il rappelé.
Cette personnalité influente du courant religieux conservateur au pouvoir en Iran a toutefois évoqué de possibles « négociations » avec les Etats-Unis, même si, a-t-il averti, « après tant de pressions et de crimes contre le peuple iranien, il est impossible de rétablir les relations en une nuit ».
Pas de tabou
Plus direct, l’un des frères de Sadegh Larijani qui est aussi son conseiller pour les affaires internationales, Mohammad Javad Larijani, a réaffirmé mercredi que « négocier avec les Etats-Unis n’est pas un tabou », même si toute décision de renouer un contact direct interrompu depuis 33 ans « est une prérogative du Guide suprême ».
« Si l’intérêt du régime l’exige, nous sommes prêts à négocier avec Satan au fin fond de l’enfer », n’a-t-il pas hésité à affirmer.
De plus en plus durement éprouvé par l’embargo financier et pétrolier imposé par les Occidentaux en représailles à son programme nucléaire controversé, le régime iranien « donne l’impression d’être prêt à se montrer plus réaliste dans ses négociations avec les grandes puissances pour peu que ces dernières lui proposent une porte de sortie honorable à la crise », estime un ambassadeur européen à Téhéran.
Y compris, selon de nombreux diplomates occidentaux en Iran, en renouant un contact direct avec le « Grand Satan » américain, vilipendé quotidiennement par le régime iranien depuis la rupture des relations entre les deux pays en 1979.
« Il y a manifestement un intérêt des deux côtés, mais la question est de savoir ce que les Iraniens vont demander, et si Washington sera prêt à le donner », analyse un autre ambassadeur européen.
Les Etats-Unis se sont déclarés à plusieurs reprises, ces derniers mois, prêts à des contacts directs avec l’Iran mais Téhéran a toujours décliné, jugeant que les conditions n’étaient pas réunies.
« La République islamique respecte le vote des Américains » mais le « mur de méfiance (entre les deux pays) ne peut être réduit que si le gouvernement américain respecte la volonté et les droits du peuple iranien et change ses politiques erronées du passé », a souligné mercredi le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Ramin Mehmanparast.
« Qu’il s’agisse des négociations nucléaires ou d’une éventuelle reprise du dialogue avec Washington, les Iraniens réclament surtout ce qu’ils appellent la +reconnaissance de leurs droits+ et un +respect réciproque+: la formulation est suffisamment vague pour permettre des solutions si les deux parties le souhaitent », relève le même ambassadeur européen.
« La réélection d’Obama, jugée à Téhéran comme un moindre mal face au très pro-israélien et anti-iranien Mitt Romney, ouvre en tout cas une fenêtre de quelques semaines ou quelques mois pour sortir de la crise », ajoute-t-il.
AFP