On en parle très peu au sein de la société togolaise. Certains en ont entièrement fait un sujet tabou et c’est à peine qu’ils osent s’aventurer sur ce terrain lors de leurs causeries ou discussions. Les émissions-débats animées sur les radios et télévisions de la place n’abordent presque pas le sujet. Et pourtant, l’homosexualité, cette forme d’inclinaison sexuelle qui conduit un individu (masculin ou féminin) à avoir des rapports sexuels avec une personne de même sexe, existe bel et bien au Togo, comme partout ailleurs en Afrique et dans le monde. Chose inquiétante, ce ‘’phénomène’’ semble se développer de plus en plus. Et contrairement à certains Etats africains, le législateur togolais ne prend pas des mesures radicales contre ces attitudes que d’aucuns qualifient de perverses. A croire qu’on veuille délibérément laisser l’homosexualité gagner du terrain.
Des femmes s’embrassant entre elles en pleine rue ou sur les lieux publics comme c’est le cas en Afrique du Sud ou dans les pays occidentaux, on n’en voit pas encore dans les coins de Lomé ou à l’intérieur du pays. Des hommes marchant bras dessus, bras dessous comme des amoureux et se faisant parfois des câlins, on en trouve encore moins. Mais, cela ne fait pas pour autant du Togo un pays sans homosexuels. Il en existe bel et bien sur la « Terre de nos aïeux » tout comme dans d’autres pays du continent noir qui voient ce phénomène se développer de plus en plus en leur sein. C’est ainsi qu’on peut rencontrer les « lesbiennes » qui désignent généralement les femmes qui ont des penchants sexuels ou intimes pour d’autres femmes ou d’autres individus de même sexe qu’elles et les « gays » c’est-à-dire les hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec d’autres hommes.
Généralement très mal vus par la société, les homosexuels togolais ou du moins ceux qui tendent à le devenir, ont du mal à s’afficher en public et à assumer ouvertement leur orientation sexuelle. Ils sont contraints de vivre cachés et de se constituer en réseaux fermés, restreints et pratiquement inaccessibles. De nos investigations, il ressort que leurs lieux de rencontres obéissent à des lois internes. Ceci, pour empêcher toute personne étrangère d’y avoir accès. Mais toujours est-il qu’ils se réunissent pour se divertir comme ils peuvent et où ils peuvent. C’est ainsi qu’on peut retrouver certains d’entre eux dans des boîtes de nuit de la capitale ou dans des clubs à eux spécialement réservés. Les devantures des hôtels font également partie des lieux où on les rencontre très souvent. Il se susurre que c’est à ces endroits qu’ils retrouvent leurs partenaires venus de l’étranger (très souvent des Blancs) avec qui ils ont entre temps réussi à nouer des relations grâce à internet.
L’homosexualité, très mal vu par les Togolais
« Des porcs et des cochons », c’est ainsi que le président zimbabwéen, Robert Mugabe, qualifient ceux qui se livrent aux pratiques homosexuelles dans son pays. Pour cet ennemi juré des Occidentaux, « l’homosexualité est une tare de la société blanche qui ne doit pas s’appliquer aux Africains ! ». Même si les Togolais n’utilisent pas des maux aussi durs que ceux du président Mugabe, tous sont d’avis que l’homosexualité constitue une pratique perverse, indigne de nos sociétés qui restent très attachées à la coutume et aux religions. C’est en cela qu’ils le rejettent avec la dernière rigueur.
Tout en qualifiant l’homosexualité de pratique absurde et immorale, un pasteur d’une église éveillée de la place estime que les homosexuels ne sont que l’incarnation du diable sur la terre. Pour lui, les pratiquants d’un tel comportement n’auront à coup sûr qu’une seule et même fin : l’enfer.
« Ces gens là auront leur place en enfer car ce qu’ils font est en total contradiction avec les principes divins. Dieu a si bien fait les choses en créant l’homme et la femme, deux individus de sexes différents et en leur permettant de procréer. Comment les homosexuels peuvent-ils inverser cette tendance en se permettant de coucher entre hommes ou entre femmes. C’est comme s’ils reprochaient à Dieu de n’avoir pas bien fait les choses. Je le répète, ils auront leur place en enfer », indique-t-il.
Claude, étudiant en BTS, dit ne pas comprendre comment une personne peut être attirée par une autre de même sexe. Il en conclut que cela ne peut être autre chose que l’œuvre du mauvais esprit. « Avec toutes les filles qui abondent et qu’on trouve à tout coin de rue, je ne peux pas comprendre qu’un individu de sexe masculin puisse être attiré par un autre de même sexe. C’est dégoutant. Il faut vraiment être sous l’emprise d’un esprit maléfique pour ressentir de telles choses », dit-il. Avant d’ajouter : « voir des hommes s’embrasser est si dégoutant que ça me donne envie de vomir ».
Idem chez Déborah, une couturière pour qui les lesbiennes ne sont que l’incarnation de l’esprit de sirène communément appelé « Mami » dans le vernaculaire. « C’est pour nous les femmes que Dieu à crée les hommes afin que nous puissions les épouser et fonder une famille avec eux. Quand je vois dans des films des femmes qui disent entretenir des relations amoureuses entre elles, ça me dégoute. Moi je trouve pour ma part qu’elles sont possédées par l’esprit ‘’mami’’. Au cas contraire, elles ne peuvent s’adonner à cette pratique », déplore-t-elle.
Joël, étudiant en année de DEA en Sociologie à l’Université de Lomé tente pour sa part de donner une explication sociologique au phénomène. D’après lui, l’apparition de l’homosexualité au Togo est due d’une part au fait que les Togolais, ou du moins certains d’entre eux, veulent imiter les Occidentaux.
« L’homosexualité n’est pas une pratique d’origine togolaise, loin de là. Il a vu le jour parce que certains ont voulu imiter les Blancs dans ce qu’ils font. Bref, certains le considèrent comme une mode. En ce début du 21è siècle, l’homosexualité est de plus en plus exhibée comme une pratique normale aux yeux de l’opinion. Au Togo, on a envie de ressembler aux Occidentaux et de faire comme eux », explique-t-il.
D’autre part, Joël explique ce phénomène par le besoin de survie de la population togolaise en général et des jeunes en particulier. Parce qu’ils vivent dans la misère, dit-il, les gens sont prêts à se livrer à n’importe quoi. Pourvu que cela leur procure de l’argent. Une homosexualité de subsistance en somme.
« La pratique de l’homosexualité est quelque part due au besoin de survie. Les difficultés de chaque jour poussent les gens à s’adonner à toutes les pratiques, même les plus obscènes et les plus ignominieuses. Lorsque certains jeunes rencontrent des Blancs sur internet qui leur disent qu’ils sont des ‘’pédé’’, ça ne leur dit rien. Bien au contraire, ils cherchent à nouer des relations avec ces personnes et arrivent même à les faire venir au Togo. Tout simplement parce qu’ils savent qu’en acceptant d’entretenir une telle relation, ils auront la chance d’avoir un peu d’argent ou mieux encore, de s’envoler pour l’Europe ou les Etats-Unis », affirme cet étudiant en Sociologie. Il poursuit en insistant également sur le fait que pour certains, l’homosexualité est une pratique mystique par le biais duquel ils s’enrichissent dans les sectes.
Une pratique tolérée au Togo ?
La question mérite d’être posée. Car, au moment où certains pays africains comme le Cameroun ou le Zimbabwe prennent des mesures radicales contre ce phénomène, le Togo lui se cherche encore et se demande s’il faut le tolérer où le « réprimer ». Même si le législateur n’a pas été bien explicite, l’article 88 du Code pénal stipule tout de même que : « sera puni d’un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 100 000 à 500 000 francs quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ». Mais, tout semble se passer comme si les autorités fermaient les yeux sur les pratiques homosexuelles qui ont cours dans le pays.
Un exemple tout simple. En 2009, au grand étonnement des Togolais et de tous ceux qui condamne les comportements homosexuels, une manifestation dénommée « Miss gay » a été organisé à Lomé et plus précisément dans le quartier Kégué. Selon certaines indiscrétions, elle a été organisée avec l’appui financier de la Directrice de PSI d’alors qui serait elle-même une lesbienne. En dépit de toutes les précautions draconiennes prises par les organisateurs de cet événement pour empêcher les gens de se rendre compte de ce qui se passe, certains journalistes sont tout de même parvenus à soutirer quelques informations sur l’événement. De ces informations, il ressort qu’environ 120 homos ont participé à cette manifestation qui a même enregistré la présence des délégations ‘’gay’’ venues de la France, de la Belgique, du Bénin, du Ghana, du Nigeria et du Sénégal. A l’issue de la manifestation, dit-on, c’est un ‘’gay’’ togolais qui a été élu pour porter la couronne de « Miss gay » au cours de l’année 2009-2010. Les échanges et discussions auraient ensuite porté sur l’organisation d’un séminaire pour les homos à Lomé, pour sensibiliser et informer les membres de ces associations sur les risques de contamination au SIDA en cas de négligence des dispositifs de prévention au VIH. Bref, pendant une semaine, l’annonce de cette manifestation des ‘’gays’’ a alimenté les discussions. Chacun y est allé de son commentaire et certains ont même estimé le nombre des homosexuels au Togo à plus de 700. C’est dire que trois ans après, ils doivent être bien plus nombreux.
Vu le travail qu’accomplit les services de renseignement du Togo, il y a de fortes chances que les autorités togolaises soient au courant de l’organisation d’un tel événement dans la capitale. Le contraire étonnerait. Et si c’est le cas, pourquoi n’ont-elles rien fait pour l’empêcher ? Voilà qui pousse certains à tirer la conclusion que nos dirigeants préfèrent fermer les yeux sur cette pratique. D’autres vont même plus loin en émettant l’hypothèse selon laquelle la pratique est tolérée parce que certains de nos ministres et directeurs de société seraient des « pédés ». Vrai ou faux ? Personne ne saurait répondre à cette question. Mais toujours est-il que dans les pays occidentaux, il n’est pas étonnant de voir de grandes personnalités déclarer ouvertement leur penchant homosexuel. Mais les personnalités influentes qui ne tolèrent pas cette pratique mettent les bouchées doubles pour punir sévèrement des potentiels partenaires de leurs fils ou filles qui se livrent à ces pratiques. Des officiers de l’armée, des hommes politiques de poids menacent même de mort des homosexuels qui entretiennent des relations avec leurs enfants. La société togolaise elle-même, si elle avait les moyens de s’attaquer à cette catégorie de personnes, l’aurait fait. Les discussions autour du sujet ne vont jamais en faveur des homosexuels. Les religions africaines, les croyances, la moralité au Togo criminalise cette pratique.
Par ailleurs, pourquoi s’étonner du fait que l’homosexualité soit tolérée dans le pays quand on sait que l’une des filles du général Eyadéma et demi-sœur de l’actuel chef de l’Etat se livre à de telles pratiques au vu et au su de tout le monde. Cette lesbienne, d’après ceux qui la connaissent, n’hésite pas à « pêcher » ses partenaires sexuels à coup de billets de banque.
Au-delà de tout, ce sont les risques liés aux pratiques homosexuelles qui inquiètent le plus. Selon l’agence africaine de presse « APA » qui consacrait un article au phénomène en 2008, 60% des homosexuels au Togo ne savent pas que les rapports sexuels non protégés, quelle que soit la voie, constituent un mode de transmission du VIH.
De même, en 2007, une étude réalisée sur les homosexuels au Togo par l’Unité de recherche démographique de l’université de Lomé (URD), avec l’appui technique de PSI avait pour but de mettre à la disposition du Gouvernement togolais et des responsables de Programmes de Santé de la Reproduction des informations fiables pour la lutte contre le SIDA au sein de la communauté des homosexuels. L’étude a été principalement réalisée à Lomé et ses environs, mais aussi dans quelques villes de l’intérieur du Togo, à savoir Aného, Kpalimé et Kara. Cette étude a révélé une prévalence du VIH plus élevée au sein de cette communauté. Voilà qui doit pousser les autorités togolaises à sévir et à prendre les mesures les plus radicales en vue d’endiguer le développement de tels comportements dans le pays. Certes, chacun est libre de ses choix, mais, l’éducation reçue par les Africains ajoutée aux cultures que véhicules le continent noir ne permet pas, du moins pour le moment, d’accepter ces genres de pratiques, surtout si elles constituent une porte ouverte à la distribution du VIH/Sida.
Rodolph TOMEGAH