En politique, il faut savoir prendre la balle au bond, pour devancer l’adversaire et pour ce faire, toutes les occasions sont permises. C’est comme en basketball. Toutes les erreurs et les faiblesses de l’adversaire sont des occasions pour provoquer logiquement sa chute, c’est pourquoi, chaque obédience politique tient à s’informer au quotidien des faits et gestes de son antagoniste. L’UFC semble trouver l’occasion en or, celle de la faiblesse médiatique actuelle de l’alliance Nationale pour le Changement (ANC) pour le clouer au pilori. La formule longtemps adoptée contre le pouvoir est appliquée à ses lieutenants d’hier. A la lecture de ce mémorandum, plus de peur que de mal. De la redondance puérile s’articulant autour d’une idée et d’une seule résume le document qui cache le malaise ressenti par ses dirigeants, de la disparition latente actuelle du plus grand parti d’opposition qui hier faisait la pluie et le beau temps, et qui aujourd’hui, est conduit avec son leader au sépulcre de la déception et de la trahison. Gilchrist Olympio livre ses dernières batailles, non contre le pouvoir, mais contre ses propres fils.
C’est par indulgence morale et tolérance professionnelle que nous osons évoquer le redondant galimatias étalé dans le mémorandum de l’Union des Forces de Changement, l’UFC. Raison suffisante au nom de l’adhésion populaire portée de par le passé par l’ensemble du peuple togolais à l’UFC et à son Chef Gilchrist Olympio. Aujourd’hui, n’étant pas dupe, les militants de l’opposition comprennent assez aisément que depuis plusieurs années, plus de 20 ans, le leader de l’UFC, fils de Sylvanus Olympio n’a constitué qu’un cancre politique qui a abusé de la naïveté de tout un peuple et qui aujourd’hui se mord les lèvres de regret et de remord pour avoir tourné le dos à un peuple qui l’a porté et qui l’a soutenu.
Au lieu de s’en prendre à lui-même et à ses dérives politiques, le parti qui se résume aujourd’hui à une poignée d’opportunistes trouve sa cible au sein de l’ANC en évoquant des sujets qui sont pour les uns et les autres totalement décousus, ce qui devrait susciter, mieux la haine, la révolte contre Gilchrist Olympio et le reliquat de ses employés.
Une longue histoire
L’histoire, loin d’être le musée itinérant qui accumule et encaisse les faits reste plus que vivante dans le vécu de l’humanité et fini par rattraper ceux qui posent des actes en totale ignorance du passé.
Depuis son retour d’exil au Togo, Gilchrist Olympio a pris la tête de l’opposition togolaise, ceci par des tréfonds politico-historiques liés au drame de l’assassinat de son père, Sylvanus Olympio et de son remplacement à la tête de l’Etat togolais par son présumé assassin, Gnassingbé Eyadéma. Eyadéma, il est vrai a réussi à rendre populaire de gré ou de force, par des arrangements superflus racontés par un témoin de l’histoire, Andoch Bonin.
Avec son parti, l’Union des Forces de Changement, il a réussi à emballer, à défaut, l’ensemble des citoyens togolais épris de justice et d’équité. Affichant de jour un profil de guérillero urbain, il était vénéré par le bas peuple, craint par le pouvoir en place et envié par les autres leaders de l’opposition. Cette notoriété lui permettait tout, et finira par faire de lui un gourou, non seulement de son parti, mais de toute l’opposition.
Le gourou dans son sens positif est un expert dans un domaine particulier dont les avis sont largement partagés et reconnus. Dans le rôle joué par Gilchrist Olympio à la tête de l’UFC, par définition, le gourou est un chef d’un petit groupe spirituel, manipulateur, sectaire, fantaisiste et même dangereux. C’est ce que Gilchrist fut à la tête de l’UFC. Pour preuve, tous ses appels étaient largement suivis, qu’il soit au Togo ou à l’étranger. Il se permettait d’envoyer des milliers de togolais dans la rue se faire massacrer par la soldatesque du général Eyadéma alors qu’il ne poursuivait que des objectifs que lui seul maîtrisait. Des milliers de togolais ont été tués, des personnes ont été mutilées, de centaines partis en exil et d’autres continuent de subir les stigmates d’une adhésion aveugle à la politique de Gilchrist Olympio.
C’est vrai, la responsabilité est collective lorsqu’il s’agit du parti politique et de ses responsables, mais elle est individuelle à Gilchrist Olympio, lorsqu’on connait un peu le fonctionnement de ce parti.
Tous ceux qui ont participé aux différentes négociations, entre l’UFC ancienne version et le pouvoir RPT, que de soit à Lomé, ailleurs, sous la houlette de Sant’Egidio ou d’autres médiateurs se sont toujours moqués des lieutenants du leader de l’UFC. En effet, Jean-Pierre Fabre et Patrick Lawson étaient ridicules, lorsqu’il s’agissait de prendre une décision. Ils étaient obligés de demander la suspension des discussions pour demander, ou qu’il soit, par téléphone l’avis et la dernière décision de leur leader. Il était donc le seul à se prononcer définitivement sur les points à l’ordre du jour des discussions, et sa décision s’imposait, irrévocablement.
Personne n’osait apporter la moindre contestation à ses décisions. Pour être plus explicite, Gilchrist était libre de choisir d’aller ou non à des discussions et dialogue avec le RPT et sa décision s’imposait à tous les autres. Parfois, Jean-Pierre Fabre qui était le plus radicale des collaborateurs refusait d’y aller, mais était obligé de se plier au désidérata de Fogil, par respect et soumission aveugles.
Ce n’est qu’après l’éclatement de l’UFC que beaucoup d’observateurs se sont rendu compte qu’une situation de dictature et de mesquinerie entretenue par le leader de l’UFC couvait depuis et devrait logiquement provoquer la dislocation du parti avant même les récentes années de la rupture. Mais les collaborateurs de Gilchrist Olympio ont pris leur mal en patience jusqu’à ce que le leader ne décide lui-même de tourner le dos aux mouvement radicaliste qu’il a créé pour donner l’occasion à ceux-ci de se maintenir dans son légendaire populisme qui devient du coup pour lui, et paradoxalement l’objet de convoitise.L’ANC. Dans le fumeux mémorandum à la mèche mouillée, le parti évoque une certaine stratégie d’alternance « C’est cette volonté d’arriver à une alternance politique pacifique et négociée facilitant le vivre-ensemble qui a incliné notre parti à accepter d’entrer en négociation avec le RPT au lendemain du scrutin présidentiel de 1998 que le Président Gnassingbé Eyadema avait perdu. L’accord-cadre signé à Lomé en juillet 1999, était un compromis politique qui devait favoriser une transition politique pacifique et constituer pour le Chef de l’état togolais s’il quittait son poste, une garantie d’amnistie » cette idée, si elle était l’objectif à l’époque de la création de l’UFC était bête. Très bête et si Gilchrist Olympio continue de l’évoquer et de la revendiquer comme stratégie de conquête de pouvoir après avoir vendu son âme à ses ennemis d’hier, il mérite aisément se faire traiter d’un novice en politique, d’un nain politique ou d’un analphabète du 21ème siècle.
Dans aucun pays, l’alternance d’une dictature célèbre et entretenue à une démocratie n’a jamais été effectuée dans la négociation, encore moins dans un transfèrement pacifique du pouvoir. Jamais. Les dictatures s’enlèvent soit par la force armée, soit par révolution populaire ou par une stratégie intelligente des forces de l’opposition à la mort du dictateur.
Le parallèle fait par le mémorandum en comparaison avec l’Afrique du Sud est totalement stupide. C’est un blasphème pour Gilchrist Olympio de se mettre dans la peau de Nelson Mandéla. Il n’arrive même pas à la chaussure de ce monsieur dont le monde entier a célébré la mort récemment.
A sa sortie de prison, Nelson Mandela avait réussi à maîtriser deux courants contradictoires contre le pouvoir d’apartheid. Celui pacifique moulé dans la négociation incarné par son ANC et une autre branche militaire également opposée au pouvoir en place. Dans les négociations, il menaçait intelligemment le pouvoir blanc du risque de dégénérescence de la situation par le groupe armé au cas où les discussions avec l’ANC échouaient. Ce qui mettrait complètement les blancs dans une situation totale de faiblesse, en raison de l’effectif du groupe armé. Les deux méthodes, le dialogue et la menace armée ont mis le pouvoir blanc dans la totale logique de l’alternance. C’est ce qui porta donc Nelson Mandela au pouvoir sans la moindre compromission. Que Gilchrist arrête ses rêves d’enfant en se comparant à Nelson Mandela et en comparant le Togo à l’Afrique du Sud.
Les occasions ratées de l’alternance
Dans les années 90 à l’avènement du vent de l’est, Gnassingbé Eyadéma était dérouté, complètement déboussolé par la détermination du peuple togolais qui affichait son adhésion à l’avènement de la démocratie. N’ayant jamais été secoué par un vent populaire, Gnassingbé Eyadéma était au bord de la démission lorsqu’une transition mal ficelée et mal gérée à renforcé son pouvoir et l’a maintenu jusqu’à sa mort.
Les ténors de ce renforcement du pouvoir de Gnassingbé Eyadéma n’étaient autres que les leaders aujourd’hui qui traînent leurs nez aux culs des dirigeants du pouvoir. Gilchrist Olympio en tête qui sabotait systématiquement selon Andoch Bonin, tous les coups qui étaient destinés à déstabiliser le pouvoir, Edem Kodjo, l’autre sulfureux assoiffé de pouvoir pour qui, sans lui, Eyadéma pouvait continuer à diriger le Togo et le chef de la transition, Me Joseph Kokou Koffigoh qui avait monnayé la transition sans scrupule.
Eyadéma, il est vrai, était affaibli ; affaibli au point où, un chargé de mission au cabinet du Premier Ministre de la transition Koffigoh à l’époque, le sieur Winnie Dogbatsè, aujourd’hui richissime homme d’affaires avait réussi à déposséder le président de son avion présidentiel pour le vendre aux plus offrants et se partager l’argent en toute impunité.
Mais les coups bas, les contre attaques et les mesquineries entre les leaders de l’opposition avaient donné tout le pouvoir au général jusqu’à sa mort, suivie d’une succession désinvolte qui a porté son fils, Faure Gnassingbé au pouvoir.
Les mêmes tares affectant l’opposition togolaise, l’on n’a jamais pu juguler la question de l’alternance qui aura vu les opposants, même les plus irréductibles trainer leurs queues dans les jardins du monarque.
Me Yawovi Agboyigbo du CAR viendra succéder à Edem Kodjo à la tête de la Primature pour quelques mois, Léopold Gnininvi rentrera au gouvernement et Gilchrist enfoncera le clou en signant un accord dit historique avec le parti au pouvoir, le RPT devenu UNIR.
Ainsi, Gilchrist sonnera le glas d’une opposition sérieuse au Togo et laissera place à une nouvelle race qui prendra le relais. L’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) qu’incarne Jean-Pierre Fabre entouré des cadres démissionnaires du parti autrefois très populaire de Gilchrist, L’Union des Forces de Changement.
C’est clair, l’échec de l’alternance politique au Togo, les relations incestueuses avec le RPT, la duplicité politique ne peuvent trouver leurs auteurs ailleurs qu’au sein des leaders de l’opposition dont principalement Gilchrist Olympio qui ont perdu aujourd’hui le terrain.
L’envie, la jalousie, la vengeance et le refus de la succession à la tête de l’UFC ont mené Gilchrist Olympio dans cette aventure de collaboration avec le RPT.
Il ne s’en rendait pas compte, oubliant qu’un ancien ennemi comme le pouvoir RPT UNIR n’a aucun intérêt de lui dresser un lit électoral pour les législatives.
Son parti sera systématiquement laminé avec trois députés, dont l’un, l’irréductible Djimon Oré, finira lui aussi par claquer la porte pour laisser Gilchrist Olympio dans son amnésie.
C’est donc aujourd’hui que Gilchrist Olympio comprend qu’il avait eu la mauvaise idée de rejoindre le RPT UNIR à travers un accord sulfureux.
Jean-Pierre Fabre lui ayant ravi la vedette, le reliquat l’ayant abandonné, les cadres restants vivotant dans les intérêts offerts par le parti, Gilchrist se sent menacer et engage la fronde, qui loin de mettre en péril l’ANC, réajuste ce parti secoué par une affaire de 240 millions discrètement touchés dans les caisses du pouvoir en place.
L’élection présidentielle de 2015 arrive à grands pas et le leader de l’UFC, conscient de son incapacité à se manifester joue au jeu du mauvais perdant. Tout gâter dans une dernière bataille. Il pense avoir trouvé la cible. Jean Pierre Fabre et l’ANC, croyant mener une politique en faveur du pouvoir.
Il doit pouvoir cesser de rêver. Le pouvoir RPT UNIR ne s’est jamais inscrit dans sa logique d’alternance pacifique et négociée. C’est de la puérilité politique, pure et simple.
Carlos KETOHOU