Les fêtes de fin d’années, elles arrivent à grands pas. Et naturellement, chacun cherche à mettre le paquet pour les fêter de la plus belle des manières. Si les parents se cassent la tête dans cette situation de vie chère et de précarité pour satisfaire leurs enfants pendant la Noël et le Nouvel an, les jeunes filles, elles, multiplient leurs copains à volonté, histoire de se donner les moyens pour des festivités grandioses comme elles les aiment. Quant aux garçons, c’est le moment de fuir les « go » et de se faire plus discret pour éviter de faire face à de longues factures. Les voleurs ne sont pas du reste. C’est pendant ces périodes d’avant fêtes qu’ils accentuent leurs opérations pour ne pas rester en marge des festivités. Bien qu’étant un grand événement pour tout le monde, les fêtes de fin d’année sont perçues de différentes manières par les Togolais. Elles s’annoncent toujours avec leur lot de surprises, d’insolites et leurs différentes facettes.
Qui n’aimerait pas vivre les fêtes de fin d’année pleinement ? Presque tout le monde cultive ce désir. Car, bien que célébrées tous les ans, ces fêtes sont à chaque occasion considérées comme quelque chose de nouveau. Certains aiment les vivre dans tous les sens du terme pour remercier le ciel d’avoir préservé leur vie durant douze longs mois. D’autres sont prêts à mettre des sommes astronomiques dans ces festivités, prétendant qu’ils ne savent pas s’ils auront l’occasion de vivre jusqu’à l’année qui suivra. Pour cette raison, autant fêter, de manière exagérée s’il le faut, pour ne rien regretter si la mort venait à les emporter avant l’avènement de la prochaine année. Chacun y va donc de sa manière d’appréhender et de comprendre les grandes festivités de fin d’année.
Face à une situation économique morose
Plus que quelques jours et ce sera la Noël puis le Nouvel an. D’ailleurs les décorations des magasins, des boutiques et de quelques rues de la capitale annoncent déjà l’imminence de ces deux fêtes de fin d’année tant prisées par les Togolais. Malheureusement, ces signes visibles contrastent avec une autre réalité. La situation financière des Togolais est des plus moroses et beaucoup d’entre eux n’ont vraiment pas le cœur à la fête.
« Ce n’est pas une préoccupation chez moi. J’attends que cette période passe pour être plus dégagé dans ma tête. Bien sûr que je vais faire quelque chose pour les enfants. Mais les fêtes ne sont pas ma première préoccupation car il y a d’autres choses plus importantes dans la vie », confie un fonctionnaire. « Ça ne dure qu’une journée. Donc, ce n’est pas la peine de faire des dépenses pour ça », ajoute un autre qui estime que la situation économique est suffisamment mauvaise pour dit-il, investir dans des futilités comme la fête.
C’est justement cette situation économique catastrophique ajoutée au contexte de vie chère que déplorent d’autres habitants de la Terre de nos aïeux qui voient leur rêve de faire une fête grandiose s’envoler. « Les prix des articles ont presque doublé. Tout ce qu’on veut acheter coûte les yeux de la tête. Je me demande comment on pourra fêter dans ces conditions », se plaint une dame rencontrée dans les alentours du grand marché de Lomé. Thèse que confirme une commerçante de pagne qui, de son côté, parle de la mévente qui s’est installée à la veille des fêtes de cette année.
« Contrairement aux années précédentes où on vendait beaucoup en décembre, nous ne vendons pas grand-chose cette année. Quand les clients viennent, tout ce qu’ils veulent c’est d’acheter l’article à leur prix. Or, nous ne pouvons pas le leur vendre les articles comme ils le souhaitent parce que cela risque de nous porter préjudice. Donc on ne vend que très peu. Il n’y a pas de véritable engouement », dit-elle.
Profitant de ce contexte de vie chère, certains commerçants véreux, sous prétexte de liquider leurs marchandises, n’hésitent pas à mettre sur le marché des produits avariés et périmés, qui peuvent même intoxiquer ceux qui les consomment. C’est leur manière à eux de concevoir les fêtes de fin d’année : en profiter pour se faire un peu plus d’argent, au péril de la vie de leurs clients.
Partout donc, la chanson est la même, les Togolais se plaignent de manque d’argent, à croire qu’ils vont boycotter les festivités. Mais ce sont les mêmes Togolais qu’on retrouvera dans les bars et bistrots les 24 et 31 décembre prochains. Le Togolais aime trop la fête. Il se plaint toujours, mais n’oublie jamais de réserver quelque chose pour s’épanouir.
Les enfants ne veulent rien entendre
Eux, ne leur parler surtout pas de crise et de vie chère. Ils s’en foutent pas mal et ne l’entendront jamais de cette oreille. La seule chose que les enfants veulent, c’est manger et avoir des cadeaux. C’est en tout cas la conception qu’ils ont des fêtes de fin d’année. Se voir offrir un cadeau le jour de Noël et bien manger le nouvel an, surtout ce qu’ils ne mangent pas d’habitude, telle est leur principale préoccupation.
« Cette année, papa va m’acheter beaucoup de jouets. Des avions, des autos, de petites voitures. Je lui ai aussi demandé un gros nounours », dit un enfant de six ans issus d’une famille modeste. Ceci, sans se soucier du fait que son père est au chômage depuis trois ans et à même de la peine à prendre en charge les besoins de la famille.
Les jeunes filles, le 24 et le 31 décembre
Mesdemoiselles, avez-vous déjà trouvé vos 24 et vos 31 décembre ? Rassurez-vous, 24 et 31 décembre ici ne désignent pas les dates, non. C’est comme cela que nos jeunes filles appellent les copains occasionnels qu’elles trouvent pour bien passer la veillée de Noël et la nuit de la saint Sylvestre. Les gars, vous ne le savez peut-être pas encore. Mais, vos copines vous ont tous doublés. Autrement dit, elles ont, en plus de vous, d’autres copains occasionnels de qui elles pourront mieux profiter cette fin d’année. C’est le propre et l’habitude des jeunes filles togolaises. A l’approche des fêtes de fin d’année, elles ont toujours tendance à avoir, en plus de leur petit ami, un copain souvent plus nantis que le titulaire. Ce copain est communément appelé « copain de décembre ». D’autres peuvent avoir plus d’un. Tout dépend de l’immensité de leurs besoins.
Les filles qui savent que leur copain titulaire à un peu de moyen pour leur offrir un cadeau, restent avec ce dernier tout en trouvant un moyen pour également passer du temps avec le ou les copains occasionnels. Si elles n’ont qu’un seul « copain de décembre », elles passeront la Noël avec lui et le nouvel an avec le titulaire, ou l’inverse. Au cas où le nombre de copains de décembre dépasse un, l’équation devient plus compliquée et il n’y aura que la ruse et le mensonge pour les sortir d’affaire. Dans ce cas de figure, la répartition se fera en tenant compte du 24 et du 25 décembre, ainsi que du 31 décembre et du 1er janvier. Chaque copain aura sa journée, mais la journée la plus importante, le 31 décembre, sera réservée à celui qui est le plus nanti de tous et qui sera prêt à sortir plus d’argent.
Si le copain titularisé ne peut pas faire de cadeau, il pourra passer un peu de temps avec sa copine si celle-ci le désire. Au cas contraire, il n’a presque aucune chance de passer les fêtes avec sa petite amie. Celle-ci trouvera un moyen pour le zapper juste pendant une semaine afin de mieux se consacrer à son ou ses copains de décembre. Elle pourra par exemple se servir d’une petite mésentente de rien du tout pour justifier sa disparition.
Le constat est général. En décembre, la probabilité pour qu’une fille refuse les avances d’un garçon est faible. Elles sont de plus en plus nombreuses à se promener dans le souci de réunir tous les accessoires d’avant-fête, notamment les garçons. Et donc ce sont elles qui jouent les premiers rôles, prêtes à séduire et à impressionner les garçons. Au besoin, elles sont prêtes à draguer. Si elles n’étaient pas gentilles avec leurs gars auparavant, elles le deviennent subitement. Si elles étaient pingres avec eux, elles changent d’un coup et sont prêtes à les inviter au restaurant ou à leur préparer de bons plats à manger. Mais en réalité, c’est dans le but de leur présenter après la facture de ses dépenses pour les fêtes de fin d’année. Elles sont bien rusées ces filles !!!
Et les garçons plus malins…
Les filles se croient très rusées. Mais les garçons le sont tout autant. Dans cette situation économique difficile doublée du phénomène de vie chère, ils trouvent eux aussi leurs astuces pour dribbler leurs copines et éviter les factures de fin d’année.
Pour ceux qui ont déjà une ou des petites amies, ils mettent tout en œuvre pour couper tout contact avec elles. « Moi j’utilise plusieurs numéros. Et comme je sais qu’elles vont se mettre à me déranger, je n’utilise plus certains à partir de mi-décembre. Comme cela, je coupe tout contact avec elles », témoigne un jeune garçon qui ajoute qu’il ne renoue avec elles qu’après mi-janvier voire février. « En ce moment, elles ne peuvent plus demander de cadeaux de fin d’année. Et même si elles en demandent, tu sauras quel argument avancer pour ne pas le faire. Tu pourras leur dire par exemple que le temps des cadeaux est passé », affirme ce garçon.
D’autres n’y vont pas par le dos de la cuillère. Ils cherchent tout simplement un moyen pour mettre un terme à la relation, même si c’est momentanément. « Je ne fais des cadeaux qu’à ma petite amie titulaire. Quant aux autres, je passe par tous les moyens pour les accuser de quelque chose et je provoque délibérément une querelle entre nous pour éviter qu’elles me demandent quoi que ce soit. Après les fêtes, on pourra se réconcilier », dit un étudiant, en riant.
Pour les garçons qui n’ont pas de petite amie, pas question d’en chercher au cours du mois de décembre. « Elles vont te ruiner », indique un jeune homme qui dit avoir vécu l’expérience il y a de cela quelques années. « J’avais fait la cour à une fille et elle a accepté. J’avais cru qu’elle m’aimait vraiment. Or, ce n’était pas le cas. Elle est restée avec moi juste le temps de Noël et du nouvel an. Et après elle m’a laissé tomber. Depuis ce temps, j’ai juré de ne plus draguer en décembre ». Naturellement, ce jeune ne veut plus être juste le 24 ou le 31 décembre d’une fille.
La Noël et le nouvel an, les voleurs sont actifs
Pour ceux qui ne veulent faire aucun effort mais voudraient fêter comme les autres, la période d’avant Noël et le Nouvel an est le moment par excellence des vols, braquages et hold up de toutes sortes. C’est justement la raison pour laquelle ces périodes constituent de grands moments d’insécurité. Les voleurs sont à l’affût, prêts à dévaliser les gens ou à leur prendre leurs engins (motos, voitures) pour les vendre après dans le Ghana voisin et se faire un peu de fric pour les fêtes. Combien de voleurs n’a-t-on pas attrapé et brûlé entre novembre et décembre à Lomé ?
Ainsi donc, chacun a sa manière de concevoir les fêtes de fin d’année. Si elles sont de moindre importance pour certains, pour d’autres, c’est le moment le plus important de la vie. On est donc disposé à tout faire pour le vivre pleinement. Voler, mentir, tromper, être infidèle, ça importe peu. Fêter est le plus important. Bonnes fêtes de fin d’année…
Rodolph TOMEGAH