Tous les coups sont permis en politique, dit-on souvent dans les milieux où les coups bas, les attitudes machiavéliques et toutes sortes d’attaques sont érigés en méthode. Ce qui était une rumeur devient réalité. Faure Gnassingbé laisse faire, ou plutôt, organise l’inculpation de Pascal Bodjona, le tout puissant, ministre, homme à tout faire qui, aujourd’hui, est réduit à multiplier des rendez-vous devant les juges pour soit témoigner, soit se faire inculper dans la confusion la plus totale. C’est clair, tout est mis en œuvre pour arrêter et mettre en prison le fils de Kouméa qui, semble-t-il, fait ombrage au Chef de l’Etat sur l’échiquier politique. C’est l’affaire Sow Bertin AGBA dont on se sert pour neutraliser un ministre qui a tout fait pour Faure Gnassingbé et qui risque de subir le sort d’un certain Kpotivi Djidjogblé Laclé, ce puissantissime ministre de l’Intérieur de Gnassingbé père à qui on a mis des menottes pour tout simplement réduire son influence et sa puissance sur l’échiquier national. Faure Gnassingbé vient de trouver son « Laclé », en la personne de Pascal Bodjona. Récit d’un feuilleton qui débouche sur la nuit des longs couteaux entre Faure Gnassingbé et Pascal Bodjona.
On se rappelle, qu’à la prise de pouvoir par coup d’Etat de Faure Gnassingbé, le 05 février 2005, un homme faisait feu de tous bois pour défendre la succession père-fils, incarnée par Faure.
On se rappelle, sur les chaînes internationales, un homme qui s’époumonait à présenter Faure Gnassingbé comme la solution qui faisait éviter le pire au Togo, au nom d’une fidélité à la famille monarchique des Gnassingbé.
On se rappelle, l’homme qui, becs et ongles, appelait à la retenue pour préserver la cohésion nationale, au nom d’une protection en filigrane des fils du dictateur défunt.
On se souvient encore d’Abuja, de Ouaga, de Niamey et aussi de Lomé avec le dialogue qui a débouché sur l’Accord politique global.
On se souvient de la défense par un homme de la loi liberticide des manifestations qui porte aujourd’hui son nom.
On se rappelle encore et c’est récent, de l’introduction et la défense de nouveau Code et découpage électoral.
On se rappelle donc de cet homme qui a consacré sa vie à une famille, à des filles et fils d’une dictature qui, finalement est remercié en monnaie de singe.
Il a travaillé pour le roi de Prusse, dit-on. Pascal Akoussoulèlou Bodjona est véritablement dans le collimateur du système Faure Gnassingbé. Un système de neutralisation, de faux renseignements, d’acharnement, de délations, de mensonges, de règlement de comptes, de paranoïa, d’humiliations et d’attaques. Pascal Bodjona en est conscient. Même si son mentor essaie par hypocrisie de le flatter, de lui faire croire que rien n’adviendra, il aura compris que c’est du saupoudrage, du pur saupoudrage. Tout est mis en œuvre, les consignes sont données, les conclusions sont établies, pour mettre Pascal Bodjona sous les verrous.
La preuve est assez édifiante et tangible. Le silence coupable de Faure Gnassingbé face à cette série d’humiliations et de tortures psychologiques déguisés en procédure judiciaire qu’on inflige à un ministre qui vient de sortir du gouvernement. Pascal Bodjona a frôlé vendredi dernier le pire et n’a pas franchi les portes de la prison. Mais, à ce jour, ses bourreaux n’ont pas baissé les bras, et veulent à tout prix mettre l’ancien Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation en tôle.
Invraisemblable mais vrai ; avec des signes avant-coureurs.
C’est un complot bien ourdi
Dans une discussion informelle recueillie dans l’indiscrétion auprès d’un conseiller du Chef de l’Etat, Pascal Bodjona n’aurait plus de chance. Sa situation est réglée. Il va être envoyé en prison. Ce conseiller, acteur principal du dossier dans lequel on implique aujourd’hui le ministre Bodjona, aura confié à des confidents : « Au lieu de plaider coupable auprès du Chef de l’Etat et de demander pardon pour ses fautes, il finance la presse et corrompt les juges pour le défendre. Je viens d’en discuter avec le Président, il n’a aucune chance ».
Hier, le Secrétaire aux affaires politiques du RPT, parti qui régente le Togo, et ancien Directeur de cabinet du Chef de l’Etat devrait encore répondre d’une nouvelle convocation de la justice. D’abord, comme pour la précédente rencontre, on annonçait une heure normale avant d’évacuer l’audition de Pascal à 18 heures. Les avocats ont envoyé une correspondance aux juges en leur signifiant que la procédure n’était pas respectée et qu’il faille au moins, selon la bonne procédure, 72 heures pour inviter une personne à répondre à une audition au tribunal. Donc, Hier, comme prévu, Pascal Bodjona ne s’est pas présenté devant le tribunal. On attend donc les prochains jours pour se situer sur le sort qui est réservé à l’homme de Kouméa.
Dans le plan, et d’après nos informations, une arrestation était prévue hier, juste après l’audition, et derrière les barreaux, l’homme à tout faire de Faure n’aura plus de marges de manœuvres pour s’exprimer. Une fois encore, le complot a été déjoué comme pour la première comparution.
La première comparution a été exceptionnelle. Les juges, loin d’écouter le sieur Bodjona en sa qualité de témoin dans l’affaire Bertin AGBA, ont décidé de l’écouter comme un inculpé. Ce fut un véritable tintamarre dans l a salle d’audience au point d’obliger les juges à refuser les injonctions émises par Tchitchao Tchalim, Ministre de la Justice, qui mettait la pression pour inculper immédiatement Pascal Bodjona. Finalement, l’ancien Ministre est rentré à la maison. « Ce n’est que partie remise, on finira par l’avoir », aura déclaré un sécurocrate, membre de la cellule de neutralisation de Pascal.
C’est ainsi que la nouvelle convocation est envoyé hier à 11h 35 pour comparution dans la soirée. Les avocats de Pascal Bodjona ont répondu à la Cour qu’il y avait donc vice de procédure, et la convocation pour comparaître en fin de soirée était suspecte. On le justifie. C’est pour des raisons de sécurité ; comme s’il s’agissait d’une atteinte à la sûreté de l’Etat. On n’est pas loin, comme pour le cas de Kpatcha Gnassingbé, d’envoyer un commando s’attaquer au domicile de Pascal Bodjona pour lui imputer des faits que lui-même, sans doute, n’aura jamais imaginé. C’est donc clair, Pascal Bodjona est dans le viseur et les acteurs politiques, l’opinion nationale et internationale ne savent pas à quelle sauce sera mangé l’ancien ambassadeur du Togo aux USA.
Maintenant c’est fait. Dans la soirée, une multitude de véhicules sont stationnés devant le domicile de l’ancien Ministre. Une grande foule s’est invitée sur place. Les faits ne trompent pas. La gendarmerie autant que les renseignements seraient sur place. C’est la nuit de longs couteaux.
Une affaire qui suscite polémique.
L’affaire dans laquelle Pascal Bodjona est mis en cause se trouve être une histoire d’un émirati qui convoitait une certaine richesse de l’ancien président ivoirien Robert Guéi et pour laquelle on lui aurait fait miroiter des centaines de millions de dollars. Le principal accusé se trouve être Sow Bertin Agba, richissime homme d’affaire togolais qui croupi depuis un an à la prison civile de Tsévié, malgré la décision de la Cour suprême qui a ordonné sa libération sous caution.
Pascal Bodjona, depuis le début de ce dossier, est cité comme témoin. Avec son titre de Ministre, il ne pouvait être auditionné sans l’accord préalable du chef de l’Etat. C’est ainsi que sa destitution du ministère donne droit donc à tous les abus qui débouchent aujourd’hui sur ces auditions nocturnes et son arrestation. Hier, avertis du complot contre l’ancien ministre, ses sympathisants et plusieurs Loméens ont pris d’assaut son domicile et disent attendre qui viendrait l’arrêter.
Dans la foulée, un communiqué a été rendu public sur la chaîne nationale, la télévision togolaise, informant l’opinion de l’audition et appelant à la sérénité pour la poursuite de la procédure dans le respect de l‘indépendance de la justice. Ce que les observateurs de la scène politique nationale ont suivi comme une manœuvre destinée à donner l’opium aux sympathisants de Pascal Bodjona et à les endormir avant de commettre le forfait.
La situation est tendue. Les ardeurs sont raidies et cela en ajoute à la complexe situation politique que Faure Gnassingbé a déjà du mal à gérer.
Pascal Bodjona, un potentiel challenger
De l’avis de tous les observateurs, il s’agit dans cette affaire d’un acharnement contre un ministre jugé modéré, qui a des compétences à faire valoir pour s’engager dans la course à l’élection présidentielle. Un homme qui fait l’unanimité au sein du pouvoir, de l’opposition et de la société civile, mais aussi de la presse. Un homme qui sait souffler le chaud et le froid pour gérer les situations extrêmes et qui ferait ombrage au chef de l’Etat qui lui-même s’emmure dans des hypothèses dictées par des sécurocrates.
L’affaire Bertin AGBA, en fait, n’a pas de sens. Voilà un émirati qui prétend venir chercher une fortune d’un ancien dirigeant ivoirien au Togo et pour laquelle il se dit escroquer à valeur de millions de dollars.
Il porte plainte auprès des autorités togolaises qui trouvent la raison d’interpeller la personne qu’il met en cause en élargissant la procédure à un ministre du gouvernement jugé gênant face à un président totalement absent sur les prises de décisions sur les questions de l’Etat.
A ce jour, ni le plaignant, ni les personnes impliquées directement dans ce dossier ne sont inquiétés et circulent librement.
Entre Pascal Bodjona et le régime Faure Gnassingbé, ce n’est qu’une question de cannibalisme politique. Et nous attendons de voir jusqu’où nous mènera la nuit des longs couteaux qui vient de tomber sur ces manitous de l’Etat togolais.
Carlos KETOHOU