En dépit de la crise sanitaire qui bouleverse le quotidien de nombreux togolais, les querelles politiques nées de la récente présidentielle ressurgissent et alimentent la scène politique. Depuis quelques jours, les membres de la dynamique Kpodzro sont poursuivis par la justice. Ce regroupement de plusieurs leaders de l’opposition sur l’initiative de Mgr Kpodzro se trouve dans une situation critique après leur contestation des résultats de la présidentielle du 22 février 2020. Après l’interpellation et la libération de son leader, la dynamique Kpodzro a montré ses limites. L’heure est au bilan pour la quête de l’alternance au Togo.
« Initiative salutaire divinement inspirée » pour certains, « errements d’un vieillard déboussolé … » pour d’autres, l’avenir de la dynamique Kpodzro semble désormais incertain.
La crise du covid-19 ne freinera vraisemblablement pas les poursuites contre les membres de cette dynamique. Le mardi 21 avril dernier, le leader de cette initiative Agbéyomé Kodjo, arrivé deuxième à la présidentielle est arrêté avec certains de ses compagnons par les agents du Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) pour avoir à trois reprises refusé de se présenter à la convocation de la gendarmerie nationale. Cette arrestation était évidente. Agbéyomé Kodjo avait contesté les résultats de la présidentielle et s’était proclamé « président élu ».
Depuis lors, il avait mené de multiples actions jugées illégales qui ont conduit aux poursuites contre lui et toute son équipe. Les charges retenues contre lui sont : troubles aggravés à l’ordre public, diffusion de fausses nouvelles, dénonciations calomnieuses et atteinte à la sûreté intérieure de l’État. Il est surtout reproché à l’ancien premier ministre de s’être autoproclamé Président élu. Les déboires judiciaires du candidat ne sont qu’à leur début.
A la suite de son arrestation, des piliers de la dynamique, Kafui Brigitte Adjamagbo, Fulbert Sassou Attisso, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro et d’autres sont placés sous contrôle judiciaire et obligé de se soumettre à plusieurs restrictions alors que de nombreux autres membres de cette dynamique ont été déférés à la prison civile de Lomé en attendant leur jugement.
Agbéyomé Kodjo est actuellement en liberté mais sous contrôle judiciaire. La menace plane toujours. La plus grande crainte est que l’opposant se retrouve en prison dans les prochains jours, fort probable si l’homme fidèle à son attitude de subversion viole les restrictions judiciaires à lui imposées.
L’union née d’“une vision“ de l’archevêque Fanoko Kpodzro et de son désir ardent de voir enfin l’alternance dans son pays, semble s’effriter.
Cette union s’est construite sur une base qui s’avère fragile et éphémère. Le soutien au candidat Agbéyomé Kodjo était le seul leitmotiv de cette coalition. Aujourd’hui que la majorité de ses membres sont poursuivis, l’on se demande quel sera l’avenir de cette dynamique.
Pour beaucoup, c’est la fin de l’initiative du prélat car rien ne présage une sortie de crise. Au contraire, la situation semble jouer en défaveur de la dynamique. La pandémie du covid-19 oblige la communauté internationale à s’intéresser plus aux dispositions à prendre pour mettre fin à la crise sanitaire.
Le règlement des différends politiques n’est donc pas une priorité. Les autorités ont semble-t-il trouvé le moment idéal pour un coup de grâce.
Cela fait deux mois déjà que l’élection présidentielle a eu lieu. Les contestations, il y en a toujours eu et l’histoire du pays montre qu’elles n’ont jamais abouti à des résultats appréciables. Pour bon nombre d’observateurs, l’heure n’est plus à la contestation, mais à la restructuration des partis d’opposition.
L’avenir politique du Togo s’annonce sombre. Il urge donc de reconstituer l’opposition pour une lutte plus efficace. Les différentes coalitions et unions de partis politique que l’on a eues jusque-là ont été éphémères. La coalition des quatorze partis d’opposition (C14) incarnait pour bon nombre de citoyen, la solution, la posture idéale à adopter face au régime en place. L’idée était bonne, la mission, noble ; mais l’égoïsme et les grandes ambitions de certains ont très vite noyé cette coalition. Toutefois, l’espoir est-il permis ?
Certains partis d’opposition n’avaient pas hésité à dénoncer les conditions dans lesquelles était organisé le scrutin présidentiel.
Au nombre de ces partis, se compte le Parti national panafricain PNP de Tikpi Atchadam, l’instigateur d’une révolte populaire en 2017.
La stratégie politique de ces partis pour les prochaines années n’est pas connue.
De plus, l’implosion de la C14 et la fin probable de la dynamique Kpodzro feront sans doute naître de nouvelles idées.
Il est fort probable qu’une nouvelle coalition se crée sur les ruines des deux précédentes ; cette hypothèse est réaliste car les partis de l’opposition pris séparément n’ont jamais abouti à grand-chose.
Critiqué la présidentielle du 22 février ne servira plus à rien, c’est certain.
La communauté internationale et les grands Etats, dont la France, l’Allemagne, mais aussi l’Union Européenne ont apporté leur bénédiction à Faure Gnassingbé, malgré les contestations internes. Le candidat du parti au pouvoir avance inexorablement vers son quatrième mandat dans l’annonce de la prestation de serment prévue dans les jours à venir.
Face à ce boulevard, aucune manifestation d’envergure, aucun lobbying de couloir, aucune pression imminente, rien que des discours et des annonces fracassantes sur les réseaux sociaux. Combattre la dictature, c’est avoir les moyens à la hauteur. Ce n’est pas manipuler l’opinion en tirant des plans sur la comète comme l’a fait Agbéyomé Kodjo et la dynamique Kpodzro dont nous connaissons aujourd’hui les limites. C’est un épiphénomène qui vient de prendre fin.
La scène politique actuelle nécessite une restructuration. Ceci est un impératif pour un aboutissement des efforts commun de l’opposition pour une alternance.
Ce n’est que par cette reconstitution de l’opposition crédible et légitime qu’on arrivera à bout de la dictature des Gnassingbé.
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Eric G.