Réforme du système éducatif togolais, oui. Mais quand cette réforme n’avantage en rien les apprenants et devient un obstacle à l’épanouissement des élèves, cela devient un véritable problème. C’est justement ce que fait le ministre des Enseignements primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, Esso Solitoki, qui ne semble pas comprendre les choses ou plutôt les comprend à l’envers. L’ancien secrétaire général du défunt RPT vient de prendre une décision qui ne fait pas du tout l’unanimité et qui est en plus rétrograde, anachronique avec un monde en plein essor avec les TIC et une éducation en marche. L’âge de la scolarité.
D’après une note que le ministre entend faire circuler dans les établissements publics, aucun élève de moins de 11 ans n’est autorisé à passer le Certificat d’étude du premier degré (CEPD). De même, si un apprenant n’a pas 16 ans, il ne pourra s’inscrire à l’examen du Brevet d’étude du premier cycle communément appelé BEPC.
Fini également les inscriptions des élèves de moins de 6 ans au Cours préparatoire 1ère année (CP1). Pour s’y inscrire, il faut avoir six ans et plus, comme dans l’ancien temps. Un recul, une démence qui, sous d’autres cieux, susciterait la colère d’élèves, de parents et d’académiciens. Mais la décision se consomme pieusement au Togo et risque de prendre effet.
Une décision qui ne fait pas l’unanimité
D’après un responsable d’un établissement scolaire, la décision du ministre des Enseignements primaire et secondaire est mal venue et ne valait pas la peine d’être prise. Ceci, dans la mesure où elle risque d’être à l’ origine de nombreux problèmes. Selon ce directeur d’école primaire, il y a présentement sur l’étendue du territoire national environs 8.000 élèves de moins de 11 ans qui sont au Cours moyen 2ème année et qui s’apprêtent à passer le CEPD en juin prochain. Et même si, dit-on, une dérogation spéciale leur sera donné pour qu’ils passent exceptionnellement le CEPD 2013, il y a de quoi être inquiet par rapport à ceux qui passeront au CM2 l’année prochaine. Car, nombreux sont ceux d’entre eux qui ont 8 ou 9 ans et qui n’auront pas l’âge requis pour être accepté à l’examen de 2014.
« Nous ne savons pas comment nous pouvons régler ce problème. Dans mon établissement, il y a des élèves de 8 ans qui sont au Cours moyen 1ère année (CM1). Ce qui veut dire qu’ils seront au CM2 l’année prochaine à 9 ans. En 2014, année où ils sont supposés passer le CEPD, ils n’auront que 10 ans et ne seront pas autorisés à passer cet examen », fait observer ce chef d’établissement avant de poser un certaine nombre de préoccupations :
« Je me demande ce qu’on pourra faire pour ces enfants par exemple. Les obliger à faire deux ans au CM1 pour avoir les 11 ans requis au moment où ils passeront le CEPD ou les renvoyer carrément au CE2 pour qu’ils soient dans les normes à leur arrivée au CM2 ? Voilà le problème. A cette allure, nous risquons de renvoyer beaucoup d’élèves vers des classes inférieures car, de même qu’il y a des élèves de 8 ans au CM1, il y en a qui ont 7 ans au CE2 et ainsi de suite. Cette situation risque d’engendrer un désordre général », déplore-t-il.
Le problème est le même dans les Collèges d’enseignement général (CEG) où beaucoup d’élèves, actuellement en classe de 3ème, n’ont que 14 ans. Ce qui voudrait dire qu’ils auront au plus 15 ans l’année prochaine. Dans ces conditions, il leur faut aussi une dérogation spéciale pour passer leur examen l’année prochaine.
Tout compte fait, cette décision du ministre des Enseignements primaire et secondaire ne fait l’unanimité ni chez les chefs d’Etablissement, ni chez les parents d’élève qui y voient une façon de faire régresser leurs enfants.
Vieilleries et réformes à reculons
En prenant une telle décision, le ministre Esso Solitoki croit peut-être faire du bien au secteur de l’éducation qui a besoin d’être totalement réformé. Mais, ceci est loin d’être le cas. Pire, cette décision risque d’assombrir un peu plus les pages d’un secteur éducatif togolais en mal de décollage.
Si le ministre, dans les années 60, avait commencé le CP1 à 10 ans d’après nos informations, cela relève de certaines conditions de l’époque. Les parents surtout villageois avaient de la peine à laisser leurs enfants aller à l’école et les écoles n’étaient pas nombreuses. Les moyens des parents étaient limités et plus orientés vers la survie. Commencé le CP1 à six ans, çà, ce fut dans l’ancien temps, à un temps où la technologie n’avait pas encore connu les prouesses de ces dernières années.
Depuis quelques temps, les données ont changé. Les enfants d’aujourd’hui ne réfléchissent plus de la même manière que ceux d’hier. Ils ont une intelligence bien plus développée car ayant eu la chance de grandir ou de voir le jour à l’ère d’internet, du téléphone portable et de la modernité. A deux ans déjà, un enfant sait faire la différence entre un véritable téléphone cellulaire et un jouet. De même, des gamins de cet âge peuvent facilement verrouiller ou déverrouiller les téléphones de leurs parents. Comment voulez-vous qu’ils ne soient pas plus intelligents. Des enfants de six ans et même moins, on en rencontre dans les cybers café. Ils savent aller sur plusieurs sites, télécharger des chansons ou des dessins animés. Contrairement à un passé récent où les postes téléviseurs se comptaient sur le bout des doigts, aujourd’hui tout le monde en a chez lui. A peine venu au monde, un enfant sait déjà ce que c’est que la télé. Même bébé, il a l’opportunité de la regarder avec ses parents. Ce qui n’était pas le cas par exemple du ministre Solitoki lorsqu’il avait le même âge. Et donc forcément, cela contribuera à développer quelque chose de plus chez cet enfant. Même si le niveau de l’intelligence ne dépend pas forcément des facteurs technologiques.
Une décision à vau l’eau
Il n’y a qu’au Togo où des décisions importantes se prennent sans motif valable exprimé et sans consultation préalable avec les personnes concernées ou affectée par cette décision. Dans une norme éducative qui se respecte, une telle décision devrait avoir des motifs fondés et avalisés par les éducateurs, les pédagogues, les enseignants et les parents d’élèves. Une étude minutieuse devrait être menée pour maîtriser les tenants et les aboutissants, ainsi que les conséquences fastidieuses que peut entraîner la décision sur le temps. En prenant son exemple de cartouchard des années 60 et gaillard de sa classe, Le ministre Solitoki devrait savoir que le plus jeune enfant à avoir obtenu le Bac en France avait l’âge de 13 ans. Un record Guinness qui donne des opportunités à l’enfant. Il faut donc éviter de vouloir, sur un simple saut d’humeur, prendre des décisions à vau l’eau et suicidaires pou l’avenir des enfants. Le gouvernement est malheureusement complice de cette décision de racaille qui n’a aucun sens pour l’éducation de l’enfant. Il sera de l’intérêt de l’Etat d’amener le ministre à retirer le plus rapidement possible cette décision afin de garantir un cursus épanoui aux enfants.
Au moment où, sous d’autres cieux, des enfants sont congratulés, encouragés et couverts de cadeau pour avoir eu le Baccalauréat à 13 ou 14 ans, n’est-ce pas étonnant qu’on nous interdise au Togo de passer le BEPC à moins de 16 ans ? Alors, monsieur le ministre, réforme dans le secteur éducatif oui. Mais de grâce, pas de mentalité rétrograde. Les problèmes dans l’éduction du Togo sont ailleurs. En exemple la multiplication abusive et anarchique des écoles privées, la qualité douteuse de l’enseignement, le traitement des enseignants et les cotisations parallèles qui se font dans les écoles de brousse, histoire de gruger les parents. Des décisions dans ce sens pourront profiter à l’éducation togolaise.
Avec cette sortie démentielle du Ministre Esso Solitoki, on comprend assez aisément pourquoi il est classé dans son parti comme la race des retardés passéistes, hostiles aux réformes politiques.
Rodolph TOMEGAH
C’est une loi qu’il faut pour un tel aménagement de la scolarité de nos enfants. Si ce décret venait à être pris, il faudrait le combattre avec toute notre énergie.