Le président Mohamed Morsi a promis vendredi devant des milliers de partisans islamistes que l’Egypte était sur la voie de la démocratie, lors d’une journée marquée par des manifestations parfois violentes d’opposants dénonçant une dérive dictatoriale.
« La stabilité politique, la stabilité sociale et la stabilité économique, c’est ce que je souhaite et ce pourquoi je travaille », a déclaré M. Morsi dans un long discours devant ses partisans rassemblés près du palais présidentiel, au lendemain de l’annonce d’un renforcement considérable de ses pouvoirs.
A l’étranger, Washington a rappelé que « l’une des aspirations de la révolution (de 2011) était de s’assurer que le pouvoir ne serait pas trop concentré entre les mains d’une seule personne ou d’une institution ». L’Union européenne a appelé M. Morsi à respecter « le processus démocratique » et Paris a estimé que les décisions prises jeudi n’allaient pas « dans la bonne direction ».
« Personne ne peut arrêter notre marche en avant (…). Je remplis mes fonctions au service de Dieu et de la nation et je prends des décisions après avoir consulté tout le monde », a cependant insisté M. Morsi.
Pour ses partisans, M. Morsi s’est juste donné les moyens de réduire une période de transition jugée trop longue et chaotique. « Le problème, c’est que beaucoup de gens ne veulent tout simplement pas d’un président qui viennent des Frères musulmans », a estimé Mostafa Chehata, un enseignant.
« Le président a limogé le procureur général corrompu, de quoi les gens se plaignent-ils? », a ajouté Mohamed Chaabane, un étudiant en médecine.
Sur la place Tahrir, épicentre de la révolte de 2011 à quelques kilomètres du palais présidentiel, des milliers de personnes rassemblées à l’appel de personnalités ou de mouvements laïques et libéraux ont pourtant scandé « Morsi dictateur ».
« Il n’est pas possible que la révolution (…) n’arrive qu’à produire un nouveau dictateur », a affirmé une manifestante, Nagla Samir. « Nous descendons à nouveau dans la rue pour la liberté », a-t-elle insisté.
Sit-in place Tahrir
Dans la soirée, le Courant populaire, dirigé par le nationaliste de gauche Hamdeen Sabbahi, troisième de la présidentielle de juin, a annoncé que « toutes les forces révolutionnaires » avaient décidé d’entamer un sit-in sur la place Tahrir et d’appeler à une manifestation de masse mardi pour obtenir que M. Morsi revienne sur ses décisions.
Dans des rues adjacentes à la place, des heurts se sont poursuivis vendredi entre des jeunes et des policiers, qui s’affrontent depuis lundi à l’occasion du premier anniversaire de violences meurtrières entre les forces de l’ordre et des manifestants qui protestaient alors contre le pouvoir de transition militaire.
Dans le reste du pays, des manifestants ont mis le feu à des locaux du Parti de la liberté et de la Justice (PLJ), issu des Frères musulmans, à Alexandrie (nord), ainsi qu’à Port Saïd et à Ismaïlia (nord-est).
A Alexandrie, où selon un responsable du PLJ des accrochages ont éclaté entre manifestants des deux camps, la situation était « tendue » et la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, a annoncé un responsable de sécurité.
Elu en juin, M. Morsi, le premier président civil et islamiste du pays le plus peuplé du monde arabe, s’est arrogé jeudi dans une « déclaration constitutionnelle » le droit de « prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution » de 2011 qui a chassé le président Hosni Moubarak.
Le président, qui détient déjà les pouvoirs exécutif et législatif –en raison de l’invalidation de la chambre des députés–, a privé les instances judiciaires, dernier organe de contrôle de ses pouvoirs, de la possibilité d’examiner des appels contre ses décrets.
Le pouvoir judiciaire ne peut plus non plus dissoudre la commission constituante, comme le souhaite l’opposition libérale et laïque, qui dénonce sans relâche la domination des islamistes sur cette instance.