Vendredi 30 mars 2012, Agoé Zongo, situé au nord de Lomé, une petite pluie a arrosé la capitale et sa périphérie. Aux alentours du terrain du Golf, les populations sont dans le désespoir ; l’eau est montée jusqu’aux genoux avec la corvée des hommes, femmes et enfants qui s’occupaient avec des bols à évacuer des mètres cubes d’eau de leurs domiciles.
Pourtant, cette voie, la nationale numéro 1, est confiée à une entreprise chinoise qui n’a pas réussi les canalisations. Conséquences, les inondations reprendront leurs droits dans cette localité. L’Etat togolais a jeté l’argent par la fenêtre. Plus loin, en pleine ville, Avenue Kondona. Pour ceux qui ne connaissent pas cette rue, c’est la voie qui rallie le garage central au boulevard Jean Paul II, devant AGETUR. Le constat est assez surprenant. Au bout du garage central, on observe une double voie qui devrait aller jusqu’à l’autre bout. Erreur. 100 mètres plus loin, la double voie est interrompue pour devenir une et à l’arrivée sur le boulevard Jean Paul II, on retrouve la double voie. L’entreprise IMS qui a gagné ce marché s’est moqué de l’Etat en mutilant une bonne partie du tronçon, créant par endroit des mottes de terre dont le versant a accumulé l’eau de pluie pour inonder les riverains. C’est la désolation.
Nous continuons notre aventure vers la Colombe de la Paix. Yamen, la société libanaise qui a été mise à la porte n’a pu continuer le tronçon lagune-Colombe. Un autre appel d’offre a été lancé. C’est l’entreprise GER du sieur Lekessim qui l’a remporté avec près 40% de différence de prix par rapport aux autres postulants. Le projet comporte un pont sur la lagune qui rallie la Colombe de la Paix à l’avenue de France construite par la société Française SOGEA SATOM. Il coûte des milliards de Fcfa mais avec une disposition de manquante. Il n’est pas prévu des sortes de parapets autour de la lagune pour protéger les riverains, surtout des enfants. Dans cette lagune, il y a deux semaines, un enfant s’est noyé. Cela devrait déjà attirer l’attention….GER va se mettre à l’œuvre et Dieu seul sait si ces travaux finiront avant 2015.
Les travaux effectués par CECO BTP aux alentours de Todman naïvement apprécié par des novices comportent de monstrueuses imperfections. Après une pluie, certaines maisons n’ont pas été épargnées par les inondations. Premier échec. Un autre échec du projet CECO BTP est l’absence de stationnement dans le sens inverse. En allant vers Adidogomé, on peut constater qu’il est prévu une zone où les véhicules et taxis peuvent stationner. Mais en revenant, il n’en existe pas. Conséquence, embouteillage permanent qui a obligé les autorités de la prévention routière à ouvrir les deux feux de signalisation pour faciliter la circulation. Une autre erreur. CECO BTP s’en fiche et continue son petit bonhomme de chemin avec la voie Station d’Agbalepédo-Agoènyivé financée à plus de 17 milliards de Fcfa, sans contrôle. La vie est belle.
La plus grande catastrophe de l’Histoire de la construction des routes au Togo est celle laissée par l’entreprise Burkinabè EBOMAF. Nous avons parcouru le boulevard du 13 janvier et la voie qui part d’Adidogomé et qui mène à Agoè, chantier du groupe Burkinabè. Le délai est dépassé depuis des mois, mais aujourd’hui, les travaux sont toujours au point mort, dans la confusion totale.
A l’intérieur du pays, c’est la consternation totale si on s’y aventure. Le Tronçon Kpalimé-Adéta construit par l’entreprise Yamen aujourd’hui chassé du Togo se dégrade de plus en plus. Bien démarré à Kpalimé, bâclé en chemin. Déjà à la lisière de Lavié, on constate le rétrécissement de la voie et au niveau d’Akata, l’épaisseur est nettement réduite, le gravillon jeté à la va-vite sur la chaussée. Ce cas est l’un des plus déplorables. Mais, il y en a pire. Le poste de péage situé sur la route de Tchamba n’a jamais été construit alors que le délai est nettement dépassé. Certaines entreprises souscrivent aux appels d’offres pour des projets loin de la capitale, à l’intérieur du pays. Loin des regards, elles ne font rien, rien du tout et la vie continue. Situation qui met en péril l’argent de l’Etat. Les entreprises de Travaux publics pour la plupart manquent de crédibilité. Sur une trentaine qui souscrit régulièrement et qui remporte les appels d’offre, à peine cinq répondent aux normes, en qualité et en respect des cahiers de charge. Le reste n’est que poussière. Confusion, amateurisme, légèreté qui devrait attirer l’attention non seulement des autorités togolaises, mais aussi des partenaires en développement. Parmi les plus indélicates, nous allons nous focaliser sur certaines qui occupent des chantiers stratégiques et vitaux pour le pays.
La désolation sur les chantiers EBOMAF
Il est sans doute inutile de revenir sur les conditions peu orthodoxes dans lesquelles l’entreprise Burkinabè EBOMAF s’est introduite au Togo comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Véritable démonstration bling-bling, EBOMAF est à la limite de ses prestations. Le chantier du boulevard du 13 janvier qui est en cours alors que le délai de livraison est déjà dépassé est une illustration parfaite. Les usagers de la route, en circulant sur le dit boulevard, apprécient tout simplement le fait que les voies soient élargies. C’est l’arbre qui cache la forêt. Sur ce grand boulevard, la vitrine de la capitale togolaise, on peut constater aisément d’innombrables tas de sables, des centaines de rigoles et de trous dangereux pour les usagers. Les caractéristiques du chantier EBOMAF sont les suivantes : raccordement mal faits avec des matériaux impropres, inadaptés et sales. Aucune synergie entre les raccordements. C’est le cas du raccordement situé entre la clôture de l’école Notre Dame des Apôtres et celle de la Gendarmerie nationale. Il a été fait de façon manuelle avec des enrobés à la main. La pose des pavés n’est pas faite selon les règles de l’art. Directement sur du sable, vite dégradés après des pluies ou le passage des véhicules. Les trottoirs des chantiers EBOMAF sont dangereux. Les dallettes posées sur les caniveaux sont béates et provoquent constamment des chutes de piétons qui se retrouvent à l’hôpital. A plusieurs endroits, il manque des dalles, laissant des fosses très dangereuses. Le chantier du boulevard ne ressemble pas à un chantier neuf que l’on peut apprécier. Du sable partout, des saletés et des discontinuités sur les trottoirs. Ces trottoirs qui plongent droit dans des dénivellations. Les carrefours sont mal arrondis, obligeant les conducteurs à des gymnastiques dans les virages. Le long de la clôture de la gendarmerie, c’est le scandale.
La même observation est perceptible au carrefour Nyékonakpoé, immeuble NSIA en allant vers la Direction Générale de la Poste. Là, EBOMAF a interdit le passage en mettant une barricade sur une grande fosse qui y reste depuis un mois. C’est la désolation totale. A Adidogomé, il faut être un devin la nuit pour savoir qu’il y a un grand carrefour. Aucun panneau fluorescent pour situer les usagers qui plongent toutes les nuits dans le grand rond érigé par EBOMAF. Les accidents se comptent par dizaines la nuit. Du carrefour de la douane vers Adidoadin, EBOMAF a abandonné le chantier dont la finition n’est pas effective. Ce n’est pas responsable de la part d’une entreprise qui se donne une renommée internationale.
L’entreprise GER ou la magie de Lekessim
Nous n’aurons jamais la prétention de relever les accointances qui existent entre les entreprises, certaines autorités du pays et les magouilles qui s’y orchestrent. Mais GER est presque la société de la magie. Cette entreprise des TP a déjà reçu plusieurs mises en demeure pour travaux non livrés à temps ou mal faits. Mais elle n’a jamais été sanctionnée, puisque la sanction n’existe pas. Au contraire, elle continue à enlever les appels d’offres pour offrir des résultats épouvantables. Dans le dossier de la colombe de la Paix, des sources indiscrètes nous ont fait part du fait que le dossier a été constitué en l’espace d’une nuit par le sieur Lekessim. Ce qui n’est pas possible lorsqu’on veut présenter une candidature sérieuse. Une entreprise française de renom, SOGEA SATOM, avait aussi souscrit. Mais GER coûtait 40% moins cher que les autres. En Travaux publics, la différence de coûts peut être dans l’intervalle de 3 à 5 % maximum. Mais au-delà, c’est étonnant. C’est pourquoi, ou bien l’épaisseur des travaux de GER est nettement réduite, où bien il achète du matériau de mauvaise qualité, ou bien il paye mal ses employés, ou il ne paye pas de taxes. Nos enquêtes nous ont permis de comprendre que GER rassemble toutes ses tares. Les Chantiers de cette entreprise et d’EBOMAF exécutés dans ces conditions ne peuvent durer plus de trois ans et le contribuable togolais sera obligé de mettre encore la main à la poche. Et le Togo demeurera en ruine. Sur les chantiers de GER, il y a le principal indicateur : Pas de caniveaux, pas de trottoirs, le piéton est donc maltraité par l’entreprise alors que Le Togo compte plus de piétons que d’utilisateurs de véhicules. Lorsque vous apercevez des tas de pavés abandonnés sur des chantiers avec un ou deux ouvriers qui montent la garde, sachez que c’est un chantier de GER. Alors que SATOM par exemple met 2 mois pour boucler un tronçon, GER en met 18 mois pour ne rien faire, et c’est dommage.
La gestion des appels d’offres
Ce sont les deux entreprises que nous avons choisies pour cette première partie du dossier pour illustrer la cacophonie qui existe dans le secteur des Travaux publics. Les autres (en encadré) en auront pour leur compte dans les prochaines parutions. En effet, la grande majorité des entreprises répondant aux appels d’offres ne sont pas qualifiées pour mener à bien ces travaux. Pour pouvoir influencer le marché, elles procèdent pas un mode opératoire leur permettant de contourner les critères de sélection.
N’ayant ni compétences, ni existence financière, elles s’adressent à des sociétés étrangères de Travaux publics peu regardantes en achetant leurs qualifications. L’autre procédure consistera donc à verser des commissions importantes allant jusqu’à 15% du montant du marché. Pour couronner la magouille, ces entreprises réduisent les tarifs de 20 à 30% du prix réel et le tour est joué. Dans ce cas, il est tout à fait normal que les travaux s’arrêtent à mi-chemin. IMS, dans le cas de l’avenue Kondona, a brillé par cette méthode et a été même bloqué dans l’exécution de ces travaux en allant faire appel à d’autres entreprises.
Les conséquences de ces méthodes
Les méthodes de voyou exercées par ces entreprises de Travaux publics sont l’illustration de la situation de corruption généralisée qui marque le Togo. S’il y a des corrompus, c’est qu’il y a des corrupteurs et c’est au niveau des plus hautes autorités qu’il faut se poser des questions.
Dans l’exécution des Travaux publics au Togo, on constate un manque cruel de coordination entre les différents projets qui se traduit par exemple par le tracé des déviations non étudiées, et un manque de contrôle des travaux. Or, pour un projet durable, il faudrait effectuer une étude du terrain, un contrôle et un suivi des travaux, une évaluation. C’est pour ces tâches que les bureaux d’études existent. Malheureusement, elles sont aussi corrompues les uns que les autres. Les mises en demeure devraient être pénalisées par la saisie des cautions des entreprises indélicates et par leur classement dans une liste noire. Il n’en est pas question au Togo, ce qui occasionne du désordre absolu. C’est la maffia, les détournements et les magouilles. A ce jour, le projet de contournement de la faille d’Alédjo ne fait plus parler de lui.
Cette façon de faire pénalise évidemment les entreprises sérieuses, pose le problème de durabilité et de pérennité des ouvrages et entache naturellement la crédibilité politique du pays. Aucun investisseur n’accepterait venir construire dans ce désordre organisé par des entrepreneurs véreux.
Nous reviendrons dans nos prochaines parutions sur les entreprises qui offrent des résultats satisfaisants et les mauvais élèves. Nous interpellerons les responsables du secteur des Travaux publics. Le citoyen togolais est le contribuable direct de travaux qui s’exécutent aujourd’hui. Il a besoin d’avoir un droit de regard sur ce qui se fait et d’apprécier. Ce sont les notions élémentaires de la bonne gouvernance.
Liste des entreprises opérants dans les Travaux publics au Togo
GELOC TOGO – ETB – GER – CGE TOGO – CCODRI – LE GRAND – STGE- SCTBTP – ETOCA – ECOTAT- ABOTSI – FRIC – CENTRO BTP- MIDNIGHT SUN – CECO BTP- ENCOTRA – GTBTP- NECTO – COLAS ICON BTP- SNCTPC – ADEOTI- ECOB – CEEGC- EBOMAF – SOGEA SATOM.
On apprécierait que tu ajoutes des images (faciles à faire tu dois avoir au moins une caméra sur ton cel) pour corroborer ton écrit. Publie les photos de toutes ces remarques et ton travail aura été complet. Merci quand même.