L’arrestation cette semaine d’un dirigeant de cartel colombien à 50 km de Buenos Aires vient illustrer, selon plusieurs experts et responsables, que l’Argentine s’est transformée en base arrière pour les trafiquants de drogue sur le continent.
Un état des lieux fermement réfuté par le gouvernement argentin, qui affirme que cette présence accrue est simplement due au fait que les « narcos » de déplacent de plus en plus pour étendre les ramifications de leurs réseaux.
L’arrestation mardi soir de Henry de Jesus Lopez Londoño, alias « Mi Sangre » (« Mon sang » en espagnol), un des responsables et principal financier du cartel colombien Los Urabeños, dans un restaurant de la luxueuse périphérie de la capitale, allonge la liste des interpellations dans ce pays considéré à la fois comme zone de transit et gros consommateur de narcotiques.
Ce capo de 41 ans recherché par la Colombie et les Etats-Unis se trouvait en territoire argentin depuis fin 2011 et partageait son temps entre plusieurs résidences cossues sous la surveillance de dizaines de gardes du corps.
« Toutes les conditions sont réunies pour que les cartels de la drogue s’établissent en Argentine parce qu’il n’y a pas de programmes pour enquêter sur les activités illicites et qu’il y a un haut niveau de corruption politique », expliquait il y a quelques semaines Edgardo Buscaglia, spécialiste de droit international à l’université américaine de Columbia.
L’installation en Argentine de trafiquants est due à « une certaine proximité géographique et une certaine facilité pour se déplacer non seulement physiquement mais aussi financièrement », explique à l’AFP Alejandro Corda, expert en matière de drogues et professeur à l’Université de Buenos Aires.
M. Corda ajoute que le pays « manque de renseignements pour anticiper non seulement la présence de personnes mais aussi d’organisations » et ajoute que l’inexpérience sur ce terrain « est ce qui rend le pays attirant » pour les activités et le séjour des narcotrafiquants.
A la faveur de cette situation, nombre de trafiquants recherchés en Colombie ou au Mexique auraient choisi d’élire domicile à Buenos Aires et dans sa banlieue pour faire évoluer leur mode d’acheminement de la drogue vers les Etats-Unis et l’Europe.
« Face aux coups portés par le gouvernement colombien au trafic de drogue, (les trafiquants) modifient leur modus operandi, cherchant de nouveaux pôles d’expédition de drogue. Nous en avons détecté certains en Argentine, au Chili, dans le cône sud », confirmait récemment le chef de la police colombienne José Roberto Leon.
En 2011, l’Argentine a officiellement enregistré des saisies record de 6,3 tonnes de cocaïne et 92 tonnes de cannabis.
Le gouvernement argentin dément toute recrudescence de trafiquants résidents sur son territoire, préférant évoquer des criminels de passage pour des motifs stratégiques.
« Le trafiquant de drogue +Mi Sangre+ n’est pas une exception. Comme lui, il y en a plusieurs qui voyagent partout dans le monde, en particulier près des zones de production (de drogue) pour tisser » leur réseau, assurait récemment le vice-ministre argentin de la Sécurité Sergio Berni.
Mais selon nombre d’observateurs et experts, l’inventaire consistant des arrestations et condamnations de trafiquants colombiens et mexicains enregistrées ces dernières années sur le territoire vient fragiliser cette thèse.
En avril, le capo colombien Gustavo Adolfo Garcia Medina a été arrêté lors d’un coup de filet ayant suivi la découverte de 280 kilos de cocaïne dans un entrepôt.
Deux mois plus tard, le mexicain Juan Martinez Espinosa a été condamné à 14 ans de prison pour 91 délits de contrebande d’éphédrine, entrant dans la composition de certaines drogues, vers le Mexique.
En novembre, c’est l’ex-mannequin et trafiquante colombienne Angie Sanclemente Valencia qui a été condamnée pour tentative de trafic de cocaïne vers l’Europe.
Pour tenter de juguler cette tendance et dissuader d’éventuels candidats à la résidence, l’Argentine doit avant tout « développer une meilleure activité d’enquête », juge Alejandro Corda.
AFP