Les délégués des partis politiques ont bouclé samedi dernier les douze points inscrits dans l’agenda des discussions. Douze points sur lesquels, à ce jour les partis ne savent exactement pas ce qui est tiré comme conclusion.
L’opposition se sentant pris au piège accuse le pouvoir de l’avoir mené en bateau en se réfugiant derrière un silence incompréhensible lors des discussions, le pouvoir s’apprêtant donc à verser le rapport du dialogue dans les débats de l’assemblée nationale.
Une assemblée qui ne peut permettre à aucun parti d’avoir le nombre de voix nécessaires pour faire passer des amendements à la constitution, mais qui est dominé par le parti au pouvoir, UNIR.
D’après les informations recueillies de part et d’autre, le parti au pouvoir UNIR est serein, très serein ; attendant pieusement que l’opposition de l’ANC et l’ADDI paraphent le rapport final issu des discussions pour rapidement l’exploiter comme trophée de guerre, à l’assemblée nationale.
Les arguments ne manquent/pour faire avaler la pilule : l’opposition a exigé et insisté sur le dialogue en vue d’opérer les reformes constitutionnelles et institutionnelles. Elle l’a obtenu et est restée dans les discussions de bout en bout. Rien ne peut l’amener à envisager un certain retrait.
Du côté de l’opposition, c’est l’amertume. D’après un cadre de l’ANC que nous avons interrogé, il nous a donné la position du parti : « Le pouvoir est resté sourd et muet dans la salle. Il n’a jamais donné sa position sur les sujets abordés. Nous ne pouvons pas à notre tour avalisé un document issu de cette discussion sans savoir s’il a parlé au moins à l’archevêque pour exprimer ses positions sur les sujets. Nous allons refuser, sans protocole » nous a-t-il confié.
Du côté de l’opinion c’est la débandade ; ceux qui ne croyaient pas à ce nouveau round se donnent fièrement raison d’avoir pronostiqué sur le déroulement et l’échec attendu du dialogue.
Beaucoup de sujets de dissensions ont opposé les acteurs. L’UFC s’est également invité dans la provocation, alors qu’à la veille, c’étaient plutôt Me Zeus Ajavon et le Professeur Wolou qui ont fait parler en s’introduisant dans la salle. Questions de formes.
Le fond, les douze sujets inscrits ont été examinés. Des points qui suscitent l’unanimité aux points qui divisent, on n’a jamais eu la position du parti UNIR. Ce qui complique les équations.
Un dialogue bâtard, qui se cherche
Le dialogue qui a démarré depuis deux semaines a souffert depuis lors du cadre dans lequel il devrait être inscrit.
C’est d’ailleurs la question qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les préparatifs et qui mettait chacun sur une position non négociable.
Dans un courrier adressé par le Chef de l’Etat au chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre en mars dernier, Faure Gnassingbé insistait sur l’ouverture des débats sur les reformes à l’assemblée nationale. Ce que l’opposition trouvait absurde, arguant que l’assemblée nationale, dans son état actuel n’est pas le cadre idéal.
L’opposition soutenait son refus en mettant en vedette le CPDC, le cadre permanent de dialogue et de concertation issu de l’Accord politique Global signé entre les protagonistes de la crise en aout 2006.
Finalement le dialogue a été ouvert sous pression de l’Union Européenne dans une confusion totale.
C’est au démarrage des travaux que les délégués ont pioché çà et là sur les différents cadres. Le reliquat du CPDC, les recommandations de la Commission vérité Justice et réconciliation (CVJR) dirigée par l’archevêque-facilitateur.
Dans la foulée, on s’apprête à envoyer les conclusions à l’assemblée sans savoir exactement quelle commission, quel groupe, que département parlementaire est compétent pour adopter cet « enfant bâtard» qui souffre de géniteur.
C’est à ce niveau que la base a été déjà faussée et qui complique l’orientation à donner aux discussions qui s’émoussent continuellement.
La zizanie semée par l’UFC
Les mesures d’apaisement ont été inscrites à l’ordre du jour du dialogue et ont été mises sur la table de discussions mercredi dernier.
Les incendies des grands marchés de Lomé et de Kara et l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat devraient être débattus.
Le facilitateur du dialogue Mgr Nicodème Barrigah a énoncé le sujet des incendies et a demandé aux acteurs de se prononcer.
L’ANC et l’ADDI ont déclaré attendre le procès auquel ils sont prêts à répondre ; mais avant, ils souhaiteraient que les personnes arrêtées et détenues soient libérées en attendant que ce procès ait lieu.
C’est ainsi que le délégué de l’Union des Forces de Changement le sieur Jean Claude Homawoo a attaqué sans retenu les autres partis d’opposition, notamment l’ANC et l’ADDI.
Le délégué de l’UFC a estimé qu’il n’est pas question de libérer les personnes emprisonnées dans le cadre des incendies : « si les résultats d’enquêtes vous identifient et que la justice vous inculpe, c’est que vous êtes les auteurs de ces incendies. Il n’est pas question de libérer un seul des vôtres, je ne suis pas d’accord » clamait avec véhémence le responsable de l’UFC.
Il venait de mettre le feu aux poudres. La réponse a été plus virulente qu’on ne le pensait.
Alphonse Kpogo, membre de l’ADDI qui a passé presqu’un an en prison dans cette affaire d’incendie s’en est pris à M. Homawoo et a tenté d’en découdre avec lui avant que les autres membres, notamment l’Archevêque Nicodème, mais aussi Jean KISSI, responsable du CAR n’interviennent pour départager les deux bagarreurs.
A la suspension de la séance, l’homme de Dieu a convié les délégués de l’ADDI et de l’UFC au calme afin de ramener la sérénité au sein du dialogue politique.
Alphonse Kpogo a exigé des excuses et le retrait des mots du responsable de l’UFC.
L’affaire d’incendie est celui qui divise le plus la classe politique.
Des opposants inculpés dans l’affaire ont aussi rendu public un rapport qui mettait en cause des cadres du régime dans l’incendie des marchés.
L’UFC, d’après des personnes interrogées sur cet incident ne semble pas s’inscrire dans la logique de l’apaisement voulu : « Le parti de Gilchrist Olympio portera la responsabilité de l’échec de ce dialogue, s’il reste sur cette voie de provocation » a déclaré un responsable de l’opposition.
L’attitude de la gâchette de Gilchrist Olympio, Jean-Claude Homawoo a été déplorée par tous les observateurs de la situation politique, notamment les corps diplomatiques représentés au Togo.
Mais les travaux se sont poursuivis jusqu’à samedi sur les questions des reformes des institutions, notamment de la HAAC et de la cour constitutionnelle.
Le nœud gordien qui annonce le clash
Mais le nœud gordien qui constitue le grand souci de l’opposition est le silence et l’indifférence du parti au pouvoir.
Hier Monseigneur Nicodème Barrigah, facilitateur du dialogue a consulté les partis politiques de façon individuelle pour recueillir les derniers avis qui peuvent faire l’objet du rapport ; c’est donc aujourd’hui que le compte rendu et les conclusions seront restituées aux acteurs du dialogue qui apprécieront.
Le clash est donc annoncé pour ce mardi, l’opposition n’ayant pas trouvé des réponses à ses questions et à ses inquiétudes, surtout celles qui concernent la limitation du mandat présidentiel sur laquelle elle se veut intransigeante et le mode de scrutin, conformément aux dispositions standards établies par les regroupements sous régionaux de l’UEMOA et de la CEDEAO.
Le pouvoir s’apprêtant à envoyer les conclusions à l’assemblée nationale, l’assemblée ne disposition pas encore de répondant à accueillir ces conclusions, le brouillamini laisse perplexe Monseigneur Nicodème BARRIGAH dont la situation non enviable à la veille d’une ultime rencontre de restitution laisse transparaître une sérieuse interrogation : que va-t-il faire si les positions sont restées tranchées et les acteurs rejettent les conclusions. A suivre.
Oh Marie conçue sans péchés, Priez pour nous qui avons recours à Vous !
Carlos KETOHOU
ARTICLE PARU DANS LE JOURNAL PAPIER L’INDÉPENDANT EXPRESS DU MARDI 3 JUIN 2014