Coalition arc-en-ciel, c’est la nouvelle initiative mise sur pied il y a à peine deux semaines par un regroupement de partis politiques de l’opposition. Une idée qui porte les germes du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) auquel se sont joint la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) et quatre autres formations à savoir le Parti Démocratique Panafricain (PDP), le Mouvement Citoyen pour la Démocratie et le Développement (MCD), l’Union des Démocrates Socialistes (UDS-Togo) et le dernier né des partis politiques, le Nouvel Engagement Togolais (NET). A peine officialisée, la Coalition a commencé à essuyer des critiques. Or, son union avec le Collectif Sauvons le Togo pourra bien constituer un plus dans la lutte pour la victoire aux législatives prochaines et pour l’alternance au Togo en 2015.
Traîtres, vendus, saboteurs, les adjectifs n’ont pas manqué à certains Togolais ainsi qu’à une partie de la presse nationale pour qualifier les initiateurs de la Coalition Arc-en-ciel. Une partie de l’opinion nationale estime qu’ils sont en train de remettre en cause la lutte engagé par l’opposition togolaise pour l’avènement de l’alternance, tandis qu’une autre va plus loin en les soupçonnant d’avoir été acheté par le pouvoir en place pour faire son jeu. Pour certains encore, les fondateurs de la Coalition arc-en-ciel n’ont d’autres intentions que de mettre le bâton dans les roues du Collectif Savons le Togo pour freiner le dynamisme populaire créé par sa naissance. « Ils en sont jaloux », dit-on. En somme, les critiques ne cessent de fuser sur le CAR et ses partis amis…
Des objectifs a priori dépourvu de soupçons
Pourtant, les objectifs visés par la Coalition ne sont nuisibles à la lutte actuellement menée par les Togolais. Ils sont trois pour l’essentiel.
Le premier est d’amener le chef de l’Etat Faure Gnassingbé à laisser le pouvoir en 2015. Pour ce faire, Arc-en-ciel dit vouloir faire procéder, à titre de réforme, à la limitation du mandat présidentiel à une durée de cinq ans renouvelable une seule fois avec effet immédiat.
Le deuxième est de trouver des réponses aux questions relatives au mode de scrutin, au code électoral, au découpage électoral, aux institutions de régulation des élections afin d’obtenir la transparence, la régularité et l’équité dans les consultations électorales.
Le troisième et dernier objectif est de s’engager dans une union sacrée pouvant leur permettre de gagner les élections afin de mettre un terme au long règne des Gnassingbé et à la main mise du pouvoir sur les leviers institutionnels dont dépend l’issue du scrutin présidentiel de 2015.
A l’analyse, ces objectifs ne sont pas loin de ceux visés par le Collectif « Sauvons le Togo ». Et c’est bien en cela que certains ne comprennent pas les raisons pour lesquelles la Coalition arc-en-ciel est attaquée alors qu’il n’a même pas encore été mise à l’épreuve.
Coalition arc-en-ciel, un regroupement de traîtres ?
Me Yawovi Agboyibo, c’est lui, dit-on, qui serait le principal cerveau et l’instigateur de la naissance de la Coalition arc-en-ciel. Ceci explique à suffisance pourquoi il est sous le feu des critiques ces derniers jours. L’homme est accusé, à tort ou à raison, de vouloir saboter les efforts du Collectif Sauvons le Togo, un Collectif dont la naissance et la popularité ne lui plairaient pas. « C’est lui qui tire les ficelles dans l’ombre », estiment certains sympathisants du Collectif qui ajoutent que c’est bien pour cette raison qu’il n’a pas voulu que son parti se joigne à « Sauvons le Togo » à sa naissance. Faux, rétorque-t-on du côté du CAR où on indique que l’idée de la création de la Coalition trottinait dans les têtes avant la naissance du Collectif Sauvons le Togo.
Me Agboyibo n’est peut-être pas exempt de tout reproche. L’homme, en dépit du fait qu’il ne le reconnait pas lui-même, est reconnu pour ses ruses et ses malignités qui, à un moment, ont beaucoup plus fait du tort à l’opposition qu’elles ne lui ont rendu service. Ce n’est pour rien que certains le qualifient de redoutable animal politique. Mais, est-il si rusé, si malin et si manipulateur au point de réussir à entrainer avec lui et dans une aventure incertaine Léopold Gnininvi, Brigitte Adjamagbo, Bassabi Kagbara ou encore Tchassona Traoré, des intellectuels tout aussi intelligents que lui. Voilà toute la question. Si ces derniers ont accepté de se rallier à la Coalition, c’est sûrement parce qu’ils y ont trouvé une certaine pertinence et ont cru qu’elle pourra contribuer à apporter quelque chose à la lutte pour l’alternance au Togo.
Par ailleurs, n’arrivant pas à dompter le Collectif Sauvons le Togo qui affiche à son égard une radicalité sans faille, beaucoup craignent que le pouvoir se serve de la Coalition arc-en-ciel pour atteindre ses objectifs et ainsi arriver à diviser l’opposition sur un certain nombre de questions relatives à l’organisation des prochaines élections législatives et locales. Ces doutes sont tout à fait fondés. Car l’expérience et l’histoire politique du Togo ont montré que le pouvoir de Lomé s’est toujours servi des occasions qui s’offre à lui pour manipuler l’opposition. Il a d’ailleurs réussi à ramener dans son camp même les opposants les plus radicaux d’hier, la plupart du temps à coup de billets de banque ou en leur faisant miroiter des postes ministériels. Mais, réussira-t-il à manipuler facilement les partis regroupés au sein de la Coalition arc-en-ciel ? Ce n’est pas évident. Et pour cause, certains d’entre eux comme le CAR et la CDPA ont été déjà invités à participer au gouvernement Ahoomey-Zunu mais ont décliné l’invitation. Se basant sur ceci, il y a des raisons d’accorder le bénéfice du doute à la Coalition arc-en-ciel et de croire que Faure Gnassingbé et les siens n’arriveront pas à semer le doute dans leur tête. Ajouté au fait que chacun des leaders de ces partis ait conscience qu’une alliance avec le pouvoir, est synonyme d’une mort politique certaine, il y a de fortes chances qu’ils ne s’y risquent pas. D’ailleurs certains d’entre eux en l’occurrence le CAR et la CDPA en ont fait l’amère expérience. Leur collaboration avec Faure Gnassingbé dans un passé récent les a décrédibilisés aux yeux du peuple et a fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. N’est- ce pas suffisant pour qu’ils en tirent toutes les conclusions afin de savoir comment se comporter désormais ? Seulement, il est aussi important de noter que certains partis de la coalition ne sont que des sigles, pilotés par une personne, à la rigueur quelques copains. On connaît un peu le score du PDP à la dernière élection présidentielle, on peut imaginer le nombre d’individus qui composent l’UDS-Togo, et puis on peut soupçonner les sorties de Gerry Taama du NET. C’est un groupe de petits zigotos qui se sont définis, certes une certaine feuille de route qui peut également jouer dans le combat politique pour l’alternance. Le CST n’échappe pas à cette réalité. Certains partis et organisations en son sein souffrent également de crédibilité et de popularité. Mais mis ensemble, ces individualités peuvent faire bouger les choses, raison suffisante pour qu’on continue de rassembler autour des idéaux de la démocratie et de l’alternance toutes les formations et les volontés éprises de ces valeurs. Ce sont les petites rivières dit-on, qui forment les grands fleuves.
CST et Coalition Arc-en-ciel : une union obligatoire ?
En faisant une analyse approfondie des revendications du Collectif Sauvons le Togo et de la Coalition Arc-en-ciel, on se rend compte qu’il n’y a pas une si grande différence entre elles. Le Collectif Sauvons le Togo lutte pour obtenir de meilleures conditions électorales et pour asseoir un véritable Etat de droit et de démocratie au Togo. Ce qui ressemble à tout point de vue aux objectifs de la Coalition arc-en-ciel susmentionnés. En somme, les objectifs sont les mêmes. C’est peut-être les méthodes utilisées pour les atteindre qui sont différentes. Rien n’expliquerait alors un antagonisme entre les deux courants.
L’histoire politique du Togo a montré à suffisance que si la lutte pour l’alternance et le changement au Togo qui a commencé depuis 1991, est resté jusqu’à ce jour sans résultat, c’est quelque part dû aux leaders de l’opposition qui, à un moment, n’ont pas su prendre leur responsabilité pour s’entendre autour d’un objectif commun. Ils se sont beaucoup plus illustrés par leurs querelles, leurs divisions et leur antagonisme. Ce faisant, ils ont eux aussi contribué à pérenniser le pouvoir des Gnassingbé.
Les premiers responsables du Collectif sont en majorité issus de la société civile. Ils n’ont donc pas l’intention de prendre le pouvoir. Quoi de plus normal pour eux de s’entourer du plus grand nombre possible de partis politiques de l’opposition y compris ceux de la Coalition arc-en-ciel, afin de les pousser à prendre un jour ce pouvoir tenu fermement par Faure Gnassingbé et les siens. Cette cohabitation sera facile dans la mesure où la Coalition a clairement indiqué qu’elle ne se veut pas une force concurrente du CST mais une force complémentaire. Dès lors, rien ne les empêche d’unir leur force pour battre le pouvoir lors des prochaines élections.
Tout compte fait, la lutte pour l’alternance au Togo n’est l’apanage ni d’une seule personne, ni d’un seul parti, ni d’un seul Collectif ou d’une seule Coalition. Il s’agit d’une lutte qui doit se faire avec l’ensemble des forces démocratiques. Aucun parti pris isolément ne peut y arriver tout seul vu l’enracinement du pouvoir.
Le passé a suffisamment donné de leçons à l’opposition togolaise pour qu’elle accepte encore de se fermer dans cette division qui n’a fait que trop de mal à la population. C’est donc pour les deux organisations l’épreuve, la dernière sans doute, d’une union pour la cause démocratique. Les humeurs personnelles devant donc céder la place à un véritable engagement pour l’alternance.
Rodolph TOMEGAH