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Code électoral : La forfaiture

 

Le 25 Mai dernier, l’Assemblée nationale togolaise a adopté lors de la deuxième séance de la première session ordinaire de l’année en cours, le projet de loi portant code électoral dans des conditions rocambolesques. La plénière a été  marquée par une forte présence des forces de sécurité autour du Palais des Congrès, siège du Parlement. L’adoption de ce projet de loi, à bien des égards, était menée de bout en bout  par le ministre de l’Administration territoriale et porte parole du Gouvernement, Pascal Bodjona et consacrée par le Président de l’Assemblée nationale. Deux hommes, deux forfaitures. Tout comme dans la loi sur les manifestations, ils ont  encore foncé tout droit, contre tous. Une loi qui crée plus de problèmes qu’il n’en résolve. Une nouvelle entorse au processus démocratique au Togo qui devrait réserver des surprises désagréables.  

La majorité de partis politiques de l’opposition et certaines organisations de la société civile  voyaient le danger venir de loin.  Raison pour laquelle ils ont commencé très tôt à tirer la sonnette d’alarmes sur ce qui se tramait au niveau du pouvoir. On lui reprochait de vouloir opérer un passage en force dans l’adoption du litigieux nouveau code électoral, le gouvernement togolais s’en défendait mais ce qui s’est déroulé ce vendredi au Palais des congrès de Lomé, siège du parlement, ressemble fort à un coup de force. Les procédures parlementaires ont été escamotées pour commettre le forfait,  exécuter le passage en force.

En effet, le 30 Avril dernier, le gouvernement avait adopté en Conseil  des ministres le projet de loi portant Code électoral. Ce projet de loi avait été envoyé à l’Assemblée pour études puis adoption en plénière. C’est ainsi que la Commission des lois de l’Assemblée  saisie,  s’est mise à l’œuvre et a travaillé les 04 et 05 Mai 2012 dans la salle « Tapis Vert » du Palais des Congrès sous la présidence de  Komikpime Bamnante. Ce projet de loi a été adopté par cette Commission et renvoyé au président de l’Assemblée nationale qui devrait convoquer la plénière pour son adoption définitive. Par deux fois, les 11 et 14 Mai, les séances ont été ajournées à la dernière minute vu la pression que mettait l’opposition et la société civile sur le gouvernement pour l’empêcher d’exécuter le coup, la majorité des députés lui étant favorables. Le gouvernement a dû rebrousser chemin en retirant ce projet de loi qui était sur la table des députés. Des modifications  légères ont été alors portées à ce projet  qui a été de nouveau introduit à l’Assemblée le 23 Mai dernier.  De façon cavalière, le président de l’Assemblée nationale, Abass Bonfoh, a convoqué les membres de la Commission des lois le lendemain 24 Mai. C’est ainsi qu’ils ont étudié et adopté dans la précipitation  un projet de loi de 294 articles pour le soumettre à la plénière du 25 Mai.

Dans la procédure normale des choses, un projet de loi  adopté dans une Commission devrait préalablement passer par  la conférence des présidents qui regroupe outre le  Président de l’Assemblée nationale et ses deux vice- présidents, les présidents des groupes parlementaires et des Commissions, soit au total 13 députés,  en l’état actuel du  parlement.

Cette étape a été, selon nos recoupements, brûlée sciemment par Abass Bonfoh en complicité, sans doute, avec le Commissaire du gouvernement, Pascal Bodjona. La majorité des députés qui ont répondu présent à la plénière du 25 Mai ont été surpris de la démarche de la Commission et du président de l’Assemblée. Ils étaient au total  49 députés à donner leur quitus au nouveau code électoral après modifications de quelques articles. Seuls les députés du Groupe de la majorité parlementaire (GMP) et de l’Union des forces de changement (UFC) se sont prononcés favorablement à ce projet de loi. Les deux députés du CAR présents à la séance n’ont pas participé au vote. Ils ont dénoncé la façon dont le texte est introduit. Notons que l’adoption du projet  de loi relatif au code électoral n’était pas  préalablement prévue sur cette séance  puisqu’il y a déjà deux autres projets qui étaient à l’ordre du jour. Ce code a été introduit au dernier moment. C’est  après le Conseil des ministres du 23 Mai que la décision était prise au sommet de l’Etat d’introduire ce texte sans tenir compte des propositions des autres partenaires politiques ceci dans le but de les mettre devant le fait accompli. La plupart des députés n’ont découvert le projet que le même vendredi matin. Le premier  ordre du jour a été retiré et remplacé par celui concernant le code  électoral. Et dans la précipitation la date n’a pas été changée. Le projet d’ordre du jour a gardé la date de 24 mai au lieu du 25 mai 2012.

Dans les  motifs qui sous tendent la modification du code électoral, le gouvernement évoque l’argument selon lequel l’ancien code a été modifié huit fois en dix ans et qu’il faille mettre sur pied un  nouveau code qui dure dans le temps.  Pascal Bodjona estime que le nouveau code se veut intégrateur des recommandations de la Mission d’Observation de l’Union européenne, met en touche les réformes prônées par l’opposition et se dit une fois encore ouvert au dialogue après que le projet est adopté à l’Assemblée. Ce qui n’est pas vrai.

Le  code électoral adopté  par le GMP et l’UFC

Le projet de loi portant Code électoral traite des dispositions  préliminaires, des dispositions  communes aux structures de gestion des consultations référendaires et électorales, des dispositions relatives à l’élection de la république, des sénateurs, des députés à l’Assemblée nationale, des conseillers régionaux, préfectoraux et municipaux puis des dispositions finales. En définitive, c’est un texte de 294 articles répartis en huit titres.

Les innovations concernant ce projet sont entre autres la transformation du secrétariat administratif de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en secrétariat exécutif  composé de cinq unités  d’appui opérationnelles ; le secrétaire Exécutif sera nommé en conseil des ministres ; il y a également l’abandon du vote par procuration, le budget de campagne pour les élections présidentielles qui a décuplé passant de 50 millions de F CFA  à 500 millions.

Par contre les réformes concernant la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la communication (HAAC), l’abandon du vote par anticipation des forces de défense et de sécurité, et d’autres réformes concernant certains organes du cadre électoral voulues par l’UE n’ont pas trouvé échos favorables dans la nouvelle loi électorale.

Justement à propos du vote par anticipation des corps habillés, le Commissaire du gouvernement a minimisé l’impact de cette population électorale avouant que cela ne pouvait pas faire balancer les résultats des élections en faveur de l’un ou l’autre camp s’il y a fraude. Et pourtant, ils en comptent pour au moins 20 mille au sein du corps électoral.

Des consignes de vote des groupes parlementaires sans surprise

Donnant le consigne de vote, Laré Penn, représentant du président du groupe de la majorité parlementaire, ex-RPT, a estimé que ce texte permettra de renforcer les processus électoraux, de consolider les bonnes pratiques en matière de gouvernance et lancera le Togo sur la voie de la modernité. Ainsi, il a appelé ses collègues à voter le texte. Il a loué le consensus et le dialogue permanent qui ont caractérisé la politique d’apaisement du gouvernement de Faure Gnassingbé dans l’adoption du code. « Cette loi vise pour l’essentiel la garantie de la légitimité des élus, gage d’une bonne gouvernance », dira-t-il par ailleurs.

Tout comme le président du groupe de la majorité parlementaire, Aholou Kokou de l’UFC a appelé les députés de l’Union des Forces de Changement (UFC) à voter le texte, reconnaissant que « l’essentiel, le plus important c’est l’attitude et le comportement des Togolais qui auront la lourde mission de son application ». Aussi, a-t-il convié tous les acteurs impliqués dans le processus à l’impartialité, l’intégrité et la rigueur.

Amégnonan Kossi du CAR a rappelé le principe de consensus, accepté par toute la classe politique dans l’adoption des textes importants comme celui-ci, qui n’a pas été respecté. « Le texte avait été étudié dans des conditions contestées par les partis politiques et a été retiré par le gouvernement. Nous n’avons aucune information quand à son amélioration au sein de la classe politique avant sa réintroduction par le gouvernement », a-t-il regretté avant de quitter la salle en compagnie de sa collègue du même parti. Il a par ailleurs dénoncé la façon cavalière et singulière avec laquelle le texte a été introduit à l’Assemblée nationale. « Dans ces conditions, le groupe CAR n’a été qu’un simple observateur qui n’a pas pris part au débat », a conclu Kossi  Amégnonan.

Satisfait d’avoir accompli sa mission, le ministre Pascal Bodjona dit laisser encore la porte ouverte à une hypothétique recherche de consensus. Pour lui, cette adoption respecte le protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie. « On est dans la limite des six mois », a déclaré le ministre Bodjona en se versant dans des calculs irréalistes que l’actuelle législature a commencé le 13 Novembre 2007 et que les élections auront lieu dans les trente jours qui précèdent l’expiration du mandat parlementaire le 13 novembre 2012, oubliant que du 25 mai au 13 novembre 2012,  cela ne fait pas les six mois requis  pour que le gouvernement fasse feu de tout bois pour faire modifier les textes sans consensus.

Absence remarquable lors de la plénière

La séance du 25 Mai a connu un record dans l’absence très remarquée d’un grand nombre de députés. L’hémicycle était à moitié vide. 49 sur 81 sièges étaient occupés. Une situation  que beaucoup d’observateurs ont eu  du mal à comprendre dans la mesure où le projet  de loi portant code électoral tenait à cœur aux deux formations politiques  majoritaires  à l’Assemblée, l’ex-RPT et l’UFC. Les députés du Groupe de la Majorité Présidentielle (GMP) et de l’UFC ont adopté vendredi le projet de code électoral.

Le niveau très bas de nos députés

Les invités et les journalistes qui ont assisté à la séance se sont rendus compte du niveau très bas des discussions à l’Assemblée. La difficulté à composer avec la langue de Molière  était ressentie beaucoup plus chez les députés du Groupe de la majorité parlementaire (GMP) qui, à cause de leur médiocrité, baragouinaient le français et avaient d’énormes difficultés à exprimer leurs idées. Véritable charabia au parlement togolais.

Les innombrables questions prouvent à suffisance  que le projet était  mal compris  et non  étudié  à fond en commission  avant d’être balancé  presque « subrepticement » à la plénière, soit à peine 24 heures après que la Commission des lois qui en a la charge l’a adopté.  Les  tours de passe-passe entre les questions des députés, la Commission des lois et Pascal Bodjona qui a joué la vedette lors de cette séance en disent long sur l’impréparation de la séance. Le Président de la Commission, Bamnante Komikpime avait toutes les difficultés du monde à défendre les modifications. C’est l’histoire de l’élève qui choisi son propre sujet de rédaction et qui va en hors sujet. Plus de 04 heures d’horloge ont été nécessaires pour les discussions législatives sur le seul projet de loi alors qu’au total trois  projets  étaient prévus pour adoption au cours de la même séance. Vu que le temps était suffisamment avancé  et les députés aussi fatigués, les deux autres projets ont été expédiés comme  des lettres à la poste.

Une plénière militarisée.

Le palais des Congrès de Lomé  qui abritait le siège du Parlement était transformé en une véritable forteresse. Tous les alentours de l’édifice étaient quadrillés par les forces de sécurité puissamment équipées. Il était difficile de s’y aventurer. Même les députés n’étaient pas à l’aise comme l’ont soulignés certains au cours de la plénière. La présence de ces agents de sécurité était extraordinaire. Tous les accès au palais étaient interdits au grand public. Seuls les députés, leurs assistants,  les hommes  de médias et le personnel de l’Assemblée nationale  étaient autorisés à y rentrer.

Le ministre a enfin invité à la poursuite du dialogue avec l’ensemble des formations politiques, « seule voie par laquelle nos divergences pourront être réglées » ; un appel qui s’apparente bien à une injure et la mauvaise foi du gouvernement qui a renvoyé aux calendes grecques les modifications concernant la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin de son élection. Une manière de maintenir encore l’imbroglio politique et perdurer au pouvoir. Au RPT comme à UNIR, la finalité  du pouvoir  est le pouvoir. Les caciques du régime sont  au pouvoir et comptent y demeurer contre vents et marrées.  Seule la fin  justifie les moyens.

 

 

 

Jean-Baptiste ATTISSO

 

BODJONALégislativesTOGO
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