Le 10 Octobre 2010, pendant que tout le peuple togolais s’y attendait le moins, naquit à 10 heures le nouveau parti dénommé Alliance nationale pour le changement (ANC). Le 10 Octobre 2012, le parti a soufflé ses deux bougies. Plusieurs activités étaient au menu de cette célébration. Mais au delà du simple anniversaire, il sied de retracer le parcours de cette formation que certains qualifient de combattant au vue des embûches et des « peaux de banane » que le régime cinquantenaire RPT n’a cessé de dresser sur son chemin. Malgré tout, l’ANC poursuit son chemin de façon irréversible vers la démocratisation du pays.
10 Octobre 2010-10 Octobre 2012, cela fait deux ans jour pour jour que l’Alliance nationale pour le changement a vu le jour dans des conditions rocambolesques et sur fond de crise interne au sein de l’Union des forces de changement (UFC). Les divergences nées de la candidature à l’élection présidentielle de Mars 2010 ont conduit à la scission de l’UFC et à la création de l’ANC. Deux ans après un parcours rude, la nouvelle formation a initié une série d’activités pour commémorer son anniversaire. Au menu des activités figurent les prières chrétiennes et musulmanes au siège du parti, le vernissage de l’exposition des photos sur les exactions commises par le régime RPT depuis le 10 Août 2010, les prestations des groupes musicaux et artistiques etc. Ces activités qui se sont étalées sur une semaine entière ont connu leur apothéose dimanche dernier avec la caravane festive qui a accompagné le cortège des responsables de cette formation politique de l’Eglise méthodiste Salem de Hanoukopé jusqu’à la place du Changement à la plage de Lomé. C’est là que le président national du parti, Jean-Pierre Fabre a délivré un message aux militants qui ont pris d’assaut la plage de Lomé. Ce message a été suivi d’une réjouissance populaire jusque tard dans la soirée.
Jean-Pierre FABRE interpelle la communauté internationale
Dans le message que Jean-Pierre Fabre a adressé dimanche dernier aux militants et à ses collègues et amis du FRAC, il a appelé la communauté internationale à rendre justice au peuple togolais en reconnaissant qu’au Togo, « la situation est tout à fait inacceptable sur le plan des droits de l’homme, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition » comme la France vient de le faire en République Démocratique du Congo (RDC). Il est allé plus loin en l’interpellant sur le fait qu’après deux mandats usurpés, Faure Gnassingbé doit quitter le pouvoir comme elle l’exige de Bachar El Assad en Syrie. Jean-Pierre Fabre a en outre invité la communauté internationale à « éviter d’accompagner le pouvoir togolais dans ses velléités d’organiser des élections de manière unilatérale ». Il a appelé cette communauté à prendre la mesure de la réalité de la crise politique togolaise et à user de son influence pour amener les autorités togolaises à s’atteler résolument à l’apaisement et à l’assainissement du climat politique de manière à ouvrir la voie aux discussions que nécessitent des élections justes, équitables, transparentes et démocratiques. Il a enfin convié cette communauté internationale à prêter oreille attentive aux aspirations profondes et aux préoccupations légitimes du peuple togolais, de la classe politique ainsi que des associations de défense des droits de l’homme qui ont souffert des décennies durant et continuent de l’être des nombreuses dérives du régime RPT.
Sur le sujet des dialogues, Jean-Pierre Fabre n’a pas eu la langue de bois. Aussi, a-t-il affirmé qu’«après les nombreux dialogues passés dont les conclusions sont restées lettres mortes en raison de la mauvaise volonté du régime RPT qui refuse l’alternance à laquelle aspire le peuple togolais, il n’y aura plus de pseudo-dialogue mais un vrai dialogue structuré, sérieux, responsable et crédible, un dialogue dont les conclusions seront assorties d’un calendrier d’exécution précis et suivi ».
Aux militants rassemblés à la place du changement, c’est un appel à la résistance qu’il leur a lancé en soutenant que « les dictatures ne résistent pas à la mobilisation du peuple ». Il les a appelés également à l’action: « Nous devons lutter sans défaillance pour venir à bout d’un régime aux abois. » Il a aussi fustigé l’instrumentalisation de la justice. Il a invité la population à rester mobiliser et à respecter l’écoute des mots d’ordre de l’ANC, du FRAC et du CST.
Un parti au parcours du combattant
La liberté ne se donne pas mais s’arrache. L’ANC s’est appropriée ce dicton tout le long de des deux ans de son parcours. Pour preuve, le parti a bravé les intimidations, les répressions et les violations des droits de l’homme perpétrées par le pouvoir de Lomé. Ce n’est un secret pour personne que l’Alliance nationale pour le changement (ANC) est le parti politique qui a le plus souffert des dérives autoritaires du pouvoir RPT/UNIR.
A la suite des élections présidentielles de Mars de 2010, Jean-Pierre Fabre et ses amis du FRAC ont décidé de se lever comme un seul homme pour dire non à des élections avariées et au hold up électoral. Très tôt, ils se sont organisés pour contester les résultats des présidentielles de 2010. Une marche hebdomadaire est organisée depuis lors chaque samedi pour revendiquer la victoire de Jean-Pierre FABRE et les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Ajoutés à ces marches, on peut citer d’autres activités comme les prières à la bougie organisées à l’Eglise méthodiste Salem de Hanoukopé. Certaines activités du FRAC ont connu des répressions barbares de la part des forces de l’ordre. Les responsables du FRAC ne sont pas épargnés par ces répressions. Jean-Pierre Fabre en a plusieurs fois fait les frais. Sur le terrain des manifestations ou même à domicile, il a été à plusieurs reprises la cible des policiers, gendarmes ou parfois des militaires déguisés en forces de sécurité. Malgré les irruptions à son domicile et les multiples violations de ses droits individuels, la détermination de Jean-Pierre Fabre n’a pas baissé d’un seul iota. C’est ce qui lui a valu d’avoir l’estime de la population et d’avoir en un temps record l’assise nationale de son parti.
En 2011, le parti a organisé une tournée nationale à l’intérieur du pays pour expliquer ses idéaux aux populations du Togo profond. Patrick Lawson, le premier Vice président de cette formation politique, a déclaré la semaine dernière que son parti se distingue par son dynamisme. Dans une interview accordée à une station radio, Patrick Lawson a précisé, parlant du dynamisme de son parti, qu’après deux ans de marche, l’ANC est capable de battre les partis qui ont quarante ou cinquante ans. « Nous voulons rappeler à ceux qui ne le savent pas que nous sommes nés avec des dents. Nous avons commencé par marcher avant que nous ayons les deux ans et aujourd’hui, nous sommes capables de battre ceux qui ont quarante ou cinquante ans », a martelé le vice-président du parti.
La représentativité et l’estime que la population a pour ce parti sont dues à plusieurs facteurs : le premier est l’expulsion des neuf députés ANC en novembre 2010 de l’Assemblé nationale ; ceci a constitué un acte de publicité pour ce parti qui venait à peine de naître.
Le second élément est le bras de fer que mène ce parti avec le régime en place. L’ANC, en effet, à beaucoup d’aînés. La Convergence Patriotique Panafricaine d’Edem Kodjo ou le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) de Me Agboyibo ont vu leur quotte de popularité diminuer parce qu’ils ont daigné collaborer avec le régime RPT. La Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) n’est pas du reste.
La collaboration a été pour ces formations de l’opposition le « péché ou le crime » qu’elles ont commis. Le peuple togolais aspire à un changement et est allergique à toute collaboration ou à tout attelage hybride. C’est ce qui fait que tous ceux qui aspirent au changement se retrouvent dans la lutte de l’ANC.
Ceci justifie l’audience de cette formation sur le plan national et fait dire à nombre d’observateurs que le parti de Fabre est plus vieux que son âge. Malgré le fait que le parti au pouvoir essaie de faire la part belle à l’Union des forces de changement, dont la scission a engendré la création de l’ANC, en mettant les médias d’Etat à son service, le parti de Gilchrist Olympio essuie le même traitement que les partis précités qui ont osé jouer avec le feu en collaborant avec le RPT. Patrick Lawson disait la semaine dernière que l’ANC n’a d’ailleurs pas pour rivale l’UFC qui, selon lui, ne représente plus rien aux yeux des Togolais. Patrick Lawson a d’ailleurs multiplié par zéro les injustices qui ont cours dans le pays concernant les manifestations publiques et surtout la couverture médiatique des activités du parti : « Depuis l’Accord UFC-RPT, si Gilchrist Olympio pète, les médias d’Etat en font échos ; s’il prend un pot quelque part, ils le montrent. Il en est de même pour le parti UNIR (Union pour la république) de Faure Gnassingbé. Seuls les médias privés couvrent les activités de l’ANC. Et pour autant, l’ANC n’est pas inquiet pour les échéances futures. Tout ce qui reste, c’est que le pouvoir montre sa bonne volonté pour que les réformes se fassent et qu’on aille à des élections transparentes ».
Et la mobilisation de la population et des autres responsables du FRAC autour de l’anniversaire de l’ANC prouve à suffisance leur détermination pour faire face aux défis à relever. Le président de l’ANC en est aussi conscient et c’est pourquoi il appelle à une synergie d’action : « c’est ensemble que nous devons relever les défis multiples et exaltants auxquels nous sommes confrontés ; nous ne saurions restés indifférents ni assister en spectateurs à la destruction de notre bien commun, le Togo, par une horde de prédateurs, d’usurpateurs et autres courtisans serviles et corrompus».
La démocratie est un long chemin truffé d’embûches. Il est opportun que chaque acteur politique et tous citoyens en général jouent leur partition pour que les principes démocratiques soient une réalité au Togo. C’est ensemble que l’Etat de droit sera construit et consolidé. Vivement que chacun ou chaque entité mette la main à la pâte comme l’ANC, qui a fait et continue de faire de grandes enjambées en un laps de temps, pour l’avènement de la démocratie. Seulement, il est constaté que la popularité et l’audience dont jouit ce parti devrait être mises en valeur de façon efficiente pour amener le Togo vers la liberté, gage de la démocratie. C’est pourquoi il faut, en plus des manifestations publiques et des dénonciations, une vraie stratégie de pression diplomatique pour que le pouvoir sache qu’il a en face un adversaire de poids. Sinon, l’ANC risque d’être comparable à l’albatros de Charles Baudelaire, dont les ailes de géants l’empêchent de marcher.
Jean-Baptiste ATTISSO