ROME, Italie, 2 juillet 2015/African Press Organization (APO)/ — L’Afrique de l’Ouest dispose d’opportunités sans précédent de croissance agricole, mais pour en tirer le meilleur parti, il apparaît nécessaire de renforcer l’intégration régionale, indique un rapport publié par la Banque africaine de développement (BAD), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Pour rester compétitive vis-à-vis des grands pays et acteurs mondiaux, l’agriculture ouest africaine doit parvenir à des économies d’échelle dont jouissent déjà ces autres pays, notamment sur les marchés des engrais et des semences, ainsi que dans la recherche et la technologie agricoles, ajoute le rapport.
Si d’importants progrès vers l’intégration régionale ont été accomplis au cours des vingt dernières années, leur mise en œuvre efficace à l’échelle nationale demeure une gageure, comme en témoignent les barrages routiers et les embargos commerciaux qui entravent encore les échanges intra-régionaux, ainsi que les normes nationales disparates sur les semences et les engrais, en dépit des protocoles adoptés à l’échelle régionale.
Le rapport intitulé Croissance agricole en Afrique de l’Ouest: facteurs déterminants de marché et de politique est publié à point nommé, dans une époque on l’on observe une dynamique rapide d’évolution de la demande en produits alimentaires en Afrique.
La population ouest africaine s’établit désormais à 300 millions d’habitants et devrait atteindre les 490 millions d’habitants d’ici 2030. La sous-région est déjà la plus urbanisée d’Afrique subsaharienne, avec près de la moitié de la population vivant dans des agglomérations urbaines, et elle est appelée à croître au rythme de 3,8 pour cent par an entre 2015 et 2030.
Ce facteur, associé au développement d’une classe moyenne, engendre une diversification de la demande en produits alimentaires de la part des consommateurs, pour lesquels les considérations pratiques, de valeur nutritionnelle, de salubrité des aliments et de présentation et emballage viennent s’ajouter à celles de prix. Répondre à cette demande croissante et diversifiée offre des opportunités de création de valeur ajoutée, d’emplois, d’intégration et de diversification économiques et de substitution des importations, souligne le rapport.
De nombreux pays d’Afrique occidentale sont de plus en plus tributaires des importations de produits alimentaires pour répondre aux besoins de leurs marchés urbains en plein essor, traduisant l’incapacité des filières alimentaires nationales à satisfaire la demande en pleine évolution des acteurs des filières et des consommateurs, que ce soit en termes de qualité, de volumes, de prix que de régularité des approvisionnements.
Une part croissante de la population ouest africaine est constituée d’acheteurs nets de produits alimentaires, lesquels y consacrent une grande partie de leurs revenus monétaires. Le seul moyen de garantir à ces consommateurs l’accès à des aliments à bas prix tout en améliorant les revenus des producteurs est d’accroitre la productivité et l’efficacité de tout le système agroalimentaire. Pour y parvenir, il est nécessaire de garantir un contexte stratégique plus stable et prévisible, de recentrer les investissements publics sur les actions essentielles pour favoriser une croissance durable sur le long terme, et d’améliorer les capacités de mise en œuvre de tous les acteurs concernés.
Augmenter la valeur ajoutée post-récolte
Le rapport souligne que si accroître les rendements agricoles reste fondamental, il faut également consacrer plus d’attention aux segments en aval de la production au sein des chaînes de valeur agroalimentaires: assemblage, stockage, transformation et distribution (en gros et au détail).
Ainsi, les entreprises agro-alimentaires nationales préfèrent souvent importer des matières premières (telles que le blé, les huiles végétales ou du concentré de jus de fruit) plutôt que de se les procurer sur place ou d’acheter des produits de substitution issus des matières premières disponibles localement, car les chaînes d’approvisionnement locales sont souvent trop faibles et fragmentées pour être fiables.
Les politiques appropriées pour y parvenir varient d’un pays à l’autre et selon les segments de marché, mais il semble essentiel de redoubler d’effort pour renforcer les capacités techniques et en gestion des petites et moyennes entreprises de transformation agro-alimentaire, les liens entre les exploitations agricoles familiales orientées vers le marché (et leurs organisations), d’une part, et les entreprises agroalimentaires de toutes dimensions, d’autre part ; ceci afin d’améliorer l’accès aux marchés, aux intrants et aux services d’appui. Il conviendra également d’attacher une attention particulière à soutenir les femmes chefs d’entreprise qui jouent un rôle essentiel dans les systèmes agro-alimentaires, depuis le travail de la terre jusqu’à la vente au détail, ainsi qu’aux jeunes.
Accorder plus d’importance aux segments post récolte des chaînes de valeur agroalimentaires nécessite des actions et politiques plus diversifiées afin de répondre aux besoins d’une plus large palette d’acteurs au sein des filières. Cela exige de dépasser les mandats traditionnels des ministères de l’agriculture pour se concentrer sur les interactions entre des questions aussi diverses que la recherche, l’investissement dans les transports, les politiques commerciales et l’éducation nutritionnelle.
Le rapport effectue une analyse approfondie de ces interactions. Par exemple, les prix de transport des produits agricoles en Afrique de l’Ouest sont beaucoup plus élevés que dans d’autres régions en développement, entravant le commerce intra-régional et portant préjudice tant aux producteurs qu’aux consommateurs. Pour pallier à cette situation, une panoplie de mesures de politique et d’investissements sont nécessaires, allant d’investissements dans les infrastructures routières à la réforme des règlementations de transport routier en passant par l’amélioration de la gouvernance du secteur de transport, dans le but d’insuffler un plus grand dynamisme au secteur.
Plus de biens publics, moins de subventions
Sur la base d’une analyse détaillée des facteurs clés et tendances déterminant le développement des systèmes agroalimentaires en Afrique de l’Ouest et de leurs capacités d’adaptation et d’évolution à date, le rapport suggère des actions clés en matière de réforme des politiques agro-alimentaires et d’investissement agricole. Ces analyses et propositions contribueront à informer les délibérations et les nouvelles orientations de la politique agricole commune de la sous-région (ECOWAP-10), l’actualisation (en cours) de la politique agricole de la CEDEAO.
Il est aussi important d’améliorer la diversité des investissements publics dans l’agriculture régionale que d’en accroître le niveau, selon le rapport. L’étude encourage les gouvernements à réorienter leurs dépenses vers des biens publics (par exemple routes, réseau électrique fiable, recherche et éducation) plutôt que de subventionner les biens privés et intrants tels que les engrais et les outils de mécanisation agricole (comme les tracteurs).