Le 20 juin dernier, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême du Togo avait rendu une décision confirmant l’arrêt de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Lomé rendu le 23 janvier 2012 ordonnant la mise en liberté provisoire de l’homme d’affaires togolais Sow Bertin Agba, contre le versement d’un cautionnement de 150 millions de F CFA. Sans hésiter, les avocats ont consigné ce montant par un chèque CARPA qui a été remis au barreau le 25 Juin et qui a délivré une attestation aux ayants droits. Le même jour, une copie de ladite attestation est envoyée par un huissier au Procureur Général près la Cour d’appel de Lomé. Et sans ambages, le prévenu devrait recouvrer ipso facto sa liberté, ne serait-ce provisoire. Mais rien n’y fit. Bertin Agba reste toujours détenu à la prison de Tsévié alors que dans la foulée le président de la Cour suprême a été limogé et remplacé. C’est clair, loin d’être une affaire civile, l’arrestation et la détention arbitraire de Bertin SOW AGBA relève d’une manipulation hautement politique.
«C’est une affaire qui sera à l’avenir citée dans les cours de droits dans les universités et barreaux du Togo car c’est pour la première fois que la Cour Suprême se prononce sur la question d’une détention préventive et affirme que le Procureur général est irrecevable à former un pourvoi contre un arrêt de mise en liberté provisoire d’un détenu », a indiqué Me Adama Doe-Bruce. Les anciens bâtonniers Me Adama Doe-Bruce et Me Ahlin Komlan, deux des avocats de Bertin Sow Agba étaient donc face à la presse le 29 Juin dernier pour apporter plus de précisions sur la « situation judiciaire » de leur client : La chambre judiciaire de la Cour suprême a ordonné la libération sous caution de 150 millions de CFA qui fut versée, mais les autorités togolaises maintiennent en détention le prévenu pour aucun motif valable. Les avocats ont conclu lors de cette conférence avoir le « sentiment que cette affaire est devenue une affaire d’Etat qui conduit le parquet à commettre de l’arbitraire » dans la mesure où les décisions de la Cour suprême sont sans recours et devraient être automatiquement exécutées.
Inadmissible au Togo, puisqu’au lieu que la décision soit appliquée, l’on a plutôt jugé bon de limoger le Président de la Cour suprême, Abalo Pétchélébia pour le remplacer par le juge de la chambre judiciaire de la Cour Suprême, le sieur Akakpovi Gamatho, alors que la décision elle, reste inapplicable.
Les avocats ont expliqué à la presse le parcours de combattant, jonché d’interférences permanentes des autorités politiques qui ont abouti à la décision de la Cour suprême. « C’est donc après plusieurs mois de bataille judiciaire, que la Chambre judiciaire de la Cour suprême a « définitivement statué » sur un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour d’appel de Lomé, contre un arrêt rendu le 23 janvier 2012 par la Chambre d’accusation de la Coup d’appel de Lomé », ont affirmé les avocats de Bertin Agba.
En effet, dans une décision rendue le 23 janvier dernier, la Chambre d’accusation avait ordonné la mise en liberté provisoire de Bertin Agba contre le versement d’un cautionnement de 150 millions de F.CFA. Le même jour, le Procureur général a formé pourvoi devant la Cour suprême contre cette décision. Les avocats à l’époque avaient adressé une longue lettre au Procureur général et dans laquelle ils lui expliquaient que même s’il estimait devoir former pourvoi, il avait l’obligation, s’agissant de la mise en liberté provisoire, d’assurer l’exécution de l’arrêt rendu en signant l’ordre de mise en liberté de Bertin Agba.
Mais rien n’y fit, le Parquet s’est réfugié derrière son pourvoi. Les avocats de Bertin Agba se sont indignés de l’acte posé par le Procureur général, Attara M’Dakéna qui visait à « paralyser l’exécution » de l’arrêt de mise en liberté provisoire de leur client rendu par la Chambre d’accusation.
Selon Me Ahlin Komlan, Bertin Agba est détenu de façon illégale et il s’agit en définitive d’une violation des droits de l’homme : «Nous sommes en droit de saisir toutes les organisations internationales de défense des droits de l’Homme. Car il y a une violation flagrante des droits de l’Homme au vu et au su de tout le monde. La décision rendue par la Chambre judiciaire de la Cour suprême est là et doit être mise en application », a-t-il martelé. « Nous avons l’impression que cette affaire est devenue une affaire d’Etat, qui conduit le Parquet à commettre de l’arbitraire. M. Agba est maintenu illégalement en prison et cela fait bientôt un an que personne n’a plus entendu parler à Lomé du plaignant Abbas Al Youssef », a poursuivi Me Adama Ruben Doe-Bruce. Une rocambolesque affaire qui mérite un rappel historique.
Le 7 mars 2011, la très négativement célèbre Agence Nationale de Renseignements du Togo venait de commettre un nouveau forfait, qui, pour une fois, ne restera pas dans l’ombre. L’interpellation du richissime homme d’affaires togolais Bertin SOW Agba dans une histoire d’escroquerie sur laquelle nous sommes revenus dans plusieurs de nos parutions. Il s’agissait d’une certaine plainte d’un homme d’affaires Emirati nommé Abbas Youssef qui accusait le patron d’OPS Sécurité de lui avoir pris la colossale somme de 48 millions de dollars US, lui ayant promis de lui faire obtenir une fortune en banque appartenant au feu président ivoirien Robert Guéi. Ce fait divers, qui devrait distraire l’opinion a été érigé en une véritable affaire d’Etat que des autorités tentaient de se servir pour organiser des règlements de compte.
Très vite, Agba Bertin a été envoyé au camp de concentration de l’ANR, dirigée par le sorcier des enfers nommé Massina Yotroféi.
La torture a été comme il est de coutume dans cette agence, le mode d’emploi pendant une semaine. La personne détenue qui avait perdu connaissance a été transférée au CHU Tokoin pour des soins. Vite, les seigneurs de la torture lui mettront les menottes contre le lit d’hôpital, en présence d’une véritable soldatesque qui disséminait la torture parmi les malades hospitalisés au CHU Tokoin.
C’était donc le début d’un feuilleton sans fin. Organisations de défense des Droits de l’homme, avocats nationaux et internationaux, hommes politiques, populations, opinion internationale se sont rendus compte de la nature scélérate et arbitraire de ce dossier et attendaient que les autorités judiciaires se rendent compte de cette situation de non-droit pour procéder rapidement à la libération de Bertin Sow Agba. Rien n’y fit du côté des autorités qui ont plutôt opté pour l’arbitraire.
La manipulation politique de haut niveau
Certains conseillers de Faure Gnassingbé qui sont également masturbateurs de l’opinion sur les sites de propagande ont joué, jouent et continuent de jouer un rôle rouble dans la détention arbitraire de Bertin Sow Agba. Le jour même que la décision de la chambre judiciaire de la Cour suprême a été rendue, on pouvait lire de façon précise sur le site officiel du Togo que Bertin Agba est mis en liberté provisoire sous caution de 150 millions de Francs CFA. Cette information était la vraie, celle qui n’avait pas été encore manipulée. Quelques heures après, l’article en question sera remplacé par un autre qui apportait des informations contraires. Elle faisait comprendre que Bertin Agba restera en détention pour la raison que l’instruction n’était pas terminée, et qu’il fallait que le tribunal écoutât d’autres témoins notamment un membre du gouvernement. Un véritable scandale organisé par le Colon blanc, Conseiller spécial de Faure Gnassingbé, Charles DEBBASCH.
Ailleurs, on apprenait en même temps que le ministre de la Justice, Tchitchao Tchalim remettait en cause la décision de la Cour suprême, arguant qu’il allait demander l’avis du Chef de l’Etat avant que le prévenu ne soit mis en liberté. Ailleurs, on apprend que certaines hautes autorités, notamment des tortionnaires mettaient continuellement la pression sur le Président de la Cour suprême d’alors, Abalo Péctchélébia, afin qu’il s’autosaisisse du dossier afin de prononcer un arrêt contraire à celle qui était déjà rendue publique. C’est donc l’incapacité de celui-ci de dire le non-droit qu’il a été sauté de la présidence de la Cour suprême.
L’affaire de Bertin Sow AGBA est aujourd’hui le plus grand scandale judiciaire sous Faure Gnassingbé dont le régime fait de la violation systématique des droits de l’homme son mode de gouvernance.
Loin donc d’être une affaire purement civile, on comprend désormais que l’affaire Bertin Agba est une affaire d’Etat hautement politique qui devrait interpeller l’opinion nationale et internationale afin que le droit soit dit tout simplement et que les décisions de la Cour soient respectées.
Carlos KETOHOU